L'ORGUE DE LA CATHEDRALE SAINTE-CÉCILE D'ALBI
(Tarn)

L'orgue de tribune de la Basilique Sainte Cécile d'Albi a été construit par Christophe Moucherel (Toul, 1686-1761?) durant les années 1734 à 1736.
Situé au revers du mur ouest, le buffet comporte un Grand-Orgue et un Positif, qui contenaient 43 jeux du temps de Moucherel.

Voir, dans le tableau, la liste des jeux de l'orgue de Moucherel.

Etendue des claviers:

Grand-Orgue et Positif 50 notes, Ut 1, Ré 1 - Ré 5 (50 notes)
Récit Ut 3-Ré 5 : 27 notes.
Écho : Ut 2-Ré 5 : 39 notes.
Pédale La 0 - ut 3 : 27 notes (sans Ut dièse 1).

Après sa construction l'orgue connut plusieurs réparations.
En 1747, Lépine agrandit l'orgue et ajoute un cinquième clavier de "Bombarde".
En 1779, restauration par Joseph Isnard et Joseph Lavergne.
En 1828, relevage par Peyroulous.
Le travail le plus modificateur fut effectué par la Maison Théodore Puget de Toulouse, en 1904, qui a construit un orgue neuf à traction pneumatique en réutilisant la tuyauterie ancienne. D'où une liste des jeux portée au nombre de 74:

Dès avant 1970, la réfection de l'orgue de la Cathédrale d'ALBI était à l'ordre du jour avec Xavier Darasse comme rapporteur. Un inventaire sévère conduit par J.A Villard a été pleinement révélateur de l'importance et de la qualité d'un orgue ancien complet à 75% dissimulé sous une transformation somme toute superficielle et une maigre augmentation romantique *.

( * Cette dernière phrase m'a valu un échange très intéressant avec un passionné de l'orgue qui regrette amèrement la disparition du Récit expressif de Puget. Il soulève à juste titre que passer de 43 à 74 jeux ne relève pas "d'une maigre augmentation romantique".
Pour rendre justice à Théodore Puget, je vous propose de consulter, grâce à ce correspondant, la composition de l'orgue d'Albi tel qu'il est sorti de ses mains et qui, aux dires de beaucoup, était d'une très belle sonorité :  )

Néanmoins, le projet de réfection proposé à la Commission le 5 mars 1970 ne comportait qu'une vague refonte sur sommiers neufs avec logement difficile du Récit derrière la tourelle centrale du buffet restauré correctement et augmentation néoclassique encore de l'Echo expressif et de la Pédale.
Après qu'on eût refusé à A.Marchal une Bombarde supplémentaire au Solo, ce programme fut accepté et sa réalisation confiée à SCHWENKEDEL.

L'analyse au démontage confirma le diagnostic de J.A.Villard, et Schwenkedel (avec son compagnon Manuel) comprit qu'un projet passe-partout et partiellement destructeur (sommiers) n'était plus de mise. Sa conviction fut partagée par X. Darasse qui revint à la Commission le 16 octobre 1973 avec un nouveau programme fondé sur le retour à l'orgue classique à partir des sommiers anciens parfaitement réparables qu'on remettrait à leur place.
Composition de restitution presque pure :

Positif 14 jeux (3 restitutions);

Grand-Orgue,17 jeux (2 restitutions);

Solo redevenu Bombarde, 8 jeux (2 restitutions);

Récit non expressif, 4 jeux (2 restitutions);

Echo et Pédale restaient enrichis.

Le retour au diapason d'origine, réclamé par le Technicien conseil J.P.Decavèle, invoquant le témoignage décisif d'un tuyau de Bombarde intact d'Isnard, passa avec l'ensemble du projet accompagné du "Classement" du matériel avec une facilité étonnante.

Tout allait pour le mieux, quand la disparition de la Maison Schwenkedel ralluma les passions.
Diverses manières furent envisagées pour permettre notamment à Manuel et Tricotteaux de continuer le travail commencé, sous la responsabilité de BOISSEAU. Après échec, on en vint à FORMENTELLI; mais_, comme il fallait à nouveau préciser le programme, les idées du rapporteur s'étant radicalisées, le retour au plan XVIIIe devint plus exigeant (plus d'Echo ni de Pédale enrichis) et, pour le faire passer le 22 avril 1975, il fallut un vote par 9 voix contre 4 : Dufourcq, Duruflé, Fleury et Marchal, le premier disant "ridicule" un orgue classique de 55 jeux dans une telle Cathédrale et, objection meilleure, qu'on évinçait trop facilement un Récit XIXe. Ce Récit était assurément passable mais impossible à garder expressif dans le buffet de Moucherel et parfaitement incongru dans l'ensemble classique retrouvé.
Encore une fois, combien serait utile un Musée - Dépôt!

Des difficultés intestines firent confier l'opération à la seule responsabilité de Formentelli avec qui un marché ferme et précis fut passé au début de 1976 avec un délai de travaux porté à environ 4 ans.

Il a été tenu ainsi que la rigueur du programme.

Après 40 mois de travaux, l'orgue de la Cathédrale d'ALBI parla à nouveau dans le langage retrouvé du plus pur style français des Moucherel, Lépine, Isnard, grâce à une restauration qu'on peut dire exemplaire, menée à bien par Barthélémy FORMENTELLI.

Nous ne relevons qu'une différence: le Xe rang du grand Plein-Jeu à restituer a été attribué comme rang grave à la Cymbale au lieu de rang aigu à la Fourniture. (Voir infra: le diagramme des pleins-jeux).
Une Flûte de 8' au Récit semble également une adjonction.

A propos du principe de remise en état et en place du matériel ancien selon le plan achevé en 1825 (Moucherel 1734, Lépine 1737, Isnard 1778, Peyroulous enfin 1825), on notera seulement

Voici maintenant l'inventaire et la composition (d'après G. Périssol) à la suite de la composition d'origine de Moucherel:

On indique ce que l'on a retrouvé de Moucherel, Lépine, Peyroulous, du XIXe réadapté. Le reste est de Formentelli, restitution exacte d'ancien, en particulier de toutes les anches et des languettes.

Pour les Mixtures, les hauteurs de base ont été données par les tuyaux subsistant. Elles sont de plan Bédien ( c'est à dire, conforme au plan de Dom Bedos) et de hauteur aussi pour les Cymbales et la Fourniture cymbalisée d'Echo.

Par contre les Fournitures du Grand-0rgue et du Positif sont plus graves que chez Dom Bedos et encore plus que chez les parisiens:
- au G.0. on a la hauteur d'une Fourniture VI (avec résultante de 32' au fa3: 2'2/3 à l'ut1, 5' 1/3 au fa2 et 10' 2/3 au fa3) privée de son rang aigu, remplacé par un rang grave à la Cymbale ce qui renforce la zone des 2/3' / 1/2' au lieu de celle des 1/3' / 1/4')
Au Positif, de même, c'est une Fourniture IV, 1'1/3 à l'ut1 (résultante de 16' avec 5' 1/3 au fa3) privée de son rang aigu qui doublerait peu utilement un rang d'octave de la Cymbale.

Le schéma de la fourniture et de la cymbale du GO ainsi que du plein-jeu du positif nous montre clairement les reprises d'octave des fournitures et les reprises de quarte en quinte des cymbales.

Voilà un beau rapport de spécialiste que j'ai essayé de rendre aussi compréhensible que possible. Oui!

Ecouter l'orgue de la cathédrale d'ALBI : André ISOIR joue Louis MARCHAND :

"Noël en Fanfare" de Jean-François Dandrieu

Improvisation de Francis Chapelet :