ABéCéDaire de l'orgue:

B comme Bourges

L'orgue de
la Cathédrale Saint-Étienne

 

J'avais envie de traiter de l'orgue de Blénod-les-Toul, rien que pour rappeler ce titre paru dans "L'équipe" un lendemain de match de foot contre Nœud-les-mines: "Blénod réagit devant un Nœud qui se redresse" ... mais je suis un peu court sur le sujet.

Alors, B comme Bourges.

La Cathédrale.

La Cathédrale de Bourges

Commencée à la fin du XIIe siècle, la Cathédrale de Bourges est l'une des 5 plus prestigieuses cathédrales de style gothique de France, avec Reims, Paris, Amiens et Chartres.
L'architecte inconnu avait voulu un espace unifié et libéré sans transept ni cloisonnement entre le chœur, la nef centrale, le double déambulatoire et les deux collatéraux, dont les volumes se fondent les uns dans les autres avec la plus grande harmonie. L'espace intérieur baigne dans une lumière uniforme.
Le chantier dura un siècle et s'acheva par l'érection des tours de façade.
La dédicace ne fut célébrée qu'en 1324.
La tour sud, menacée de déversement au XIVe siècle, fut calée par un gros pilier et privée de ses cloches (tour sourde).
La tour nord, elle, s'effondra en 1506.

Les Orgues.

Dès le début du XVe siècle, il est fait mention d'un orgue dans la cathédrale.
Un autre instrument le remplace en 1487/88.
Un petit orgue est installé au portail nord dans une arcature du triforium pour suppléer à l'orgue de tribune, ébranlé et inaccessible à la suite de l'effondrement de la tour nord.
En 1506, il y a donc 2 orgues nommées les grosses orgues et les petites orgues.
Le grand orgue fut rendu accessible en 1518 et réparé en 1523 et 1524. Sans être dérangés, les rats s'en étaient régalé.
Le jour de Pentecôte 1559, le feu dévaste la charpente des bas-côtés et le petit instrument. Le nouvel organiste, Simon JOLY, estima que l'instrument détruit était "les meilleures orgues de tout le pays" et qu'il faudrait bien compter 10 000 livres pour le reconstruire. Les "grosses", au fond de la nef, allaient alors reprendre un service plein car il ne fut pas question de reconstruire des "petites" aussi onéreuses.
Finalement, les orgues sont à bout de souffle et le chapitre prit la décision d'en faire des neuves.

Orgue de la Cathédrale de BourgesEn novembre 1597, un marché est passé avec Jean JALLON et avec Gabriel GUYOTON pour la belle et originale tribune que nous connaissons avec les deux tourelles qui auraient dû recevoir des "trompes" de pédale de 32 pieds. Le maître menuisier Jean PINARDEAU réalisa le "fût" de l'instrument.
La réception de cet orgue eut lieu le 5 mars 1599 . Cet orgue dura peu et ne reçut jamais ses "pédales" de 32 pieds mais la superbe tribune subsiste.

 


En 1609, Antoine JOLY effectue une réparation coûteuse.
En 1613, Jacques SENOT, qui venait de construire les orgues de Levroux, installe un nouveau sommier de 10 jeux. Jacques Senot demeura chargé de l'entretien des orgues de la cathédrale jusqu'à sa mort, en 1660.
Afin d'agrandir l'orgue le Chapitre invite en août 1663 le facteur Guy JOLY qui le 17 septembre remet son "devis du nombre de jeux pour faire une orgue de seize pieds".

Bernard PERRET est chargé de la réalisation du buffet et ajoute un positif sur la tribune existante.

Joly décède en octobre 1664 sans avoir terminé son ouvrage. Il est remplacé par le parisien Pierre CAUCHOIS selon un contrat passé le 2 janvier 1665. Le 13 août 1666, Cauchois propose un ajout accepté. L'expertise de cet instrument a lieu en septembre 1667 par des experts parmi lesquels figure Nicolas LEBEGUE et qui demandent quelques modifications. Cauchois reçoit quittance définitive le 12 novembre suivant.

 

Voici la composition de Joly & Cauchois en 1667 :

Positif - 50 notes Grand-Orgue Écho - 38 notes (50?) Pédale - 30 notes
Plein-Jeu :
Bourdon 8
Montre 4
Doublette 2
Fourniture III
Cymbale II

Jeux de mutation :
Flûte 4
Nasard
Tierce
Larigot
Cromore 8
Musette 4
Plein-Jeu :
Montre 16
Bourdon 16
Jeu ouvert 8
Bourdon 8
Prestant 4
Doublette 2
Grosse-Fournitue III
Petite-Fourniture II
Cymbale IV

Jeux de mutation :
Flûte allemande 4
Grosse Tierce
Nasard
Quarte de Nasard
Tierce
Sesquialtera (à reprise)
Flageolet 1
Cornet à Boucquin IV
Trompette 8
Clairon 4
Cromorne 8
Voix Humaine 8
Prestant
Doublette
Fourniture-cymbalisée III
Bourdon 8
Nasard
Tierce
Voix Humaine 8
Jeux ouvert 8
Jeux ouvert 4
Quinte-Flûte 5'1/3
Trompette 8
Voix Humaine 8

Tremblant fort - Tremblant doux - Ventouse - 2 jeux de Rossignol


L'orgue servira pendant plus d'un siècle sans encombre. Il a juste été réparé en 1741 par le Parisien Nicolas COLAS qui ajouta une Bombarde à la Pédale.

Pendant la Révolution, Jean-Baptiste BALLAND, alors en poste, propose de tenir l'orgue pour rehausser les cérémonies civiques, ainsi il le sauvera de la destruction. Le mobilier est saccagé sous la Terreur mais l'orgue ne fut pas atteint. Il servit aux cérémonies décadaires du Culte de la Raison dans l'édifice devenu alors Temple de l'Unité. La cathédrale fut rendue au culte catholique après le Concordat.
L'orgue était conservé, mais dans quel état ? Le viel instrument était à bout de souffle.

En 1818, le Chapitre fait appel à Pierre-François DALLERY pour "reconstruire à neuf" l'instrument pour Pâques 1820. Dallery ne terminera les travaux qu'en février 1821.
Louis CALLINET répara l'instrument en 1824 et 25.

Orgue de choeur de la cathédrale de BourgesPour pallier au mauvais état de l'orgue à la suite de fuites d'eau au niveau de la verrière, un orgue de chœur de DUCROQUET est installé en 1855 dans un buffet réalisé par le sculpteur CORBON.


Seulement, il fallait trouver une solution pour le grand orgue.
En 1858, la maison MERKLIN & SCHUTZE obtint un nouveau marché : l'instrument fut inauguré le 30 octobre 1860.
Le nombre de jeux a été réduit à 34 en supprimant le clavier d'Écho de Dallery. Les sommiers ont été reconstruits à double laye afin de réunir les jeux d'anches aux jeux de fonds. Tirasse à tous les claviers (au nombre de 3). Réservoirs de soufflerie à plis parallèles.
Ainsi composé, l'orgue limité à 34 jeux faisait l'effet d'un orgue de 50 jeux car ils pouvaient tous sonner simultanément alors que l'orgue de Dallery ne permettait de faire sonner à la fois que 14 jeux sur 35. Mais, la nouvelle soufflerie placée entre le buffet du Grand-Orgue et celui de Positif, la console fut déplacée sur le côté de l'instrument où l'organiste ne pouvait pas apprécier l'effet de son jeu.

Après la première guerre mondiale une restauration générale était devenue indispensable.
Elle fut entreprise en 1924 par Joseph RICKENBACH. Son programme bouleversa la composition et la disposition ancienne du grand orgue. Il installa une traction électro-pneumatique avec sommier à membranes verticales, ajouta 17 registres nouveaux et augmenta considérablement le nombre de tuyaux. Le vieux buffet s'en trouva bien encombré.
Cet énorme et complexe dispositif manifesta rapidement d'inquiétantes faiblesses.

Victor GONZALES intervint pour une importante mise au point en 1934.

Le démontage des verrières durant le second conflit mondial mit à nouveau les orgues à la merci de la poussière et des intempéries. Elles purent cependant faire entendre une retentissante "Marseillaise" à la Libération.

En 1952-54, le grand orgue fut révisé par Robert BOISSEAU pour le compte de la maison ROTHINGER : le nombre de jeux passa de 51 à 60, la traction fut électrifiée. Le gigantisme dépassait le raisonnable.

Jeune organiste nouvellement nommé à la tribune, André PAGENEL fit alors appel à Marie-Claire ALAIN en 1966 pour envisager des travaux cohérents afin de rendre à cet instrument son caractère classique en atténuant l'exubérance romantique que les augmentations successives lui avaient abusivement apportée.
Le principe de ce projet fut accepté en 1971.
En 1976 Alfred KERN estime indispensable "une redifinition de l'instrument avec beaucoup moins de jeux et une bonne disposition intérieure des différents plans sonores".
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Alfred KERN fut donc chargé de ce travail. Daniel KERN dirigea entièrement l'entreprise et revint à la conception initiale des facteurs Joly et Cauchois pour le Grand Orgue et le Positif dorsal. Le 3e clavier de Récit expressif reprit les jeux de Dallery. La console fut réinstallée en fenêtre.
Le tiers de la tuyauterie date du XVIIe siècle, le 4e clavier d'Écho est neuf. Le buffet a retrouvé sa couleur d'origine.
Il allait falloir encore une dizaine d'années pour que l'orgue réponde à la cérémonie de bénédiction, sous les doigts d'André Pagenel, le 18 mai 1986.

L'Association des Amis du Grand Orgue de la cathédrale de Bourges fait maintenant vivre cet instrument lors de nombreux concerts et activités.

Composition actuelle :

Positif - 56 notes Grand-Orgue Récit expressif Écho - 37 notes Pédale - 30 notes
Bourdon 8
Prestant 4
Doublette 2
Nasard 2'2/3
Tierce 1'3/5
Larigot 1'1/3
Fourniture IV
Cymbale III
Trompette 4+8
Cromorne 8
Montre 16
Bourdon 8
Montre 8
Dessus flûte 8 (conique)
Prestant 4
Flûte à fuseau 4
Grosse Tierce 3'1/5
Nasard 2'2/3
Quarte 2'
Tierce 1'3/5
Flageolet 1
Grosse fourniture II
Fourniture IV
Cymbale IV
Grand Cornet V
1e Trompette 8
2e Trompette 8
Clairon 4
Dessus Trompette 8 en chamade
Gambe 8
Voix Céleste 8
Flûte Harmonique 8
Flûte Octaviante 4
Octavin 2
Cornet V
Trompette 8
Clairon 4
Basson-Hautbois 8
Voix Humaine 8
Cornet V
Trompette 8

Flûte 16
Flûte 8
Flûte 4
Flûte 2
Gros Nasard 5'1/3
Grosse Tierce 3'1/5
Fourniture IV
Bombarde 16
Trompette 8
Clairon 4

Jeux entièrement anciens
Jeux partiellement anciens
Au Récit expressif, il s'agit de jeux de Dallery et de Merklin & Schutze - Aux autres claviers et au pédalier, il s'agit de tuyaux de l'époque classique.
C'est un des rares orgues de 16 pieds à avoir conservé son Positif de 4 pieds, comme c'était l'usage au XVIIe siècle. D'où l'absence de Montre 8 sur ce clavier. C'est en fait le Prestant 4 qui est "en Montre" (C'est à dire : "montré").

Extrait musical.Bruno Beaufils à l'orgue de Bourges "Petite chasse" de Claude Bénigne Balbastre.
Pourquoi Balbastre à Bourges? Parce que la composition de l'orgue est identique à celle de celui de Saint-Roch que touchait Balbastre à cette époque !

Un enregistrement dont je suis le preneur de son dans des conditions rocambolesques. La première nuit on nous remit des clefs qui n'étaient pas celles de la porte de la cathédrale. Force nous fut de passer toute la nuit dans la Cathédrale et d'allumer moult cierges pour avoir de la lumière et un peu de chaleur. Ce n'est qu'au petit matin que nous trouvâmes les coussins de l'évêque dans un banc d'oeuvre, ce qui nous permît d'attendre l'ouverture dans des conditions moins inconfortables.
Un enregistrement pour lequel je n'ai même pas été payé de l'accord des anches, dont je n'ai même pas eu un exemplaire et que je n'ai pu me procurer que par une copie illicite (mais j'en ai les prises de son, donc, quelque part, je suis propriétaire de œuvre enregistrée). Un enregistrement loué par la critique de "Diapason" alors que je ne suis même pas cité comme en étant l'auteur. Il y a des goujats partout! Même dans le milieu de l'Orgue. Mais, dans ce cas, est-ce encore vraiment le milieu de l'Orgue ?

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