ABéCéDaire de l'orgue

P comme PARIS

Saint Germain-des-Prés

Un exemple des
tribulations des orgues de Paris
pendant la Révolution Française.

 

Là où nous voyons une vénérable église, sans doute la plus ancienne de Paris, au centre d'un quartier intellectuel, artistique, avec ses cafés philosophico-littéraires, ses caves à la mode et ses spectacles d'avant-garde, il faut l'imaginer hors des murs de Paris, au milieu des prés, comme le montre encore ce plan de Paris du XVIe siècle. Au centre d'une des plus anciennes et des plus importantes abbayes de France. Importante par ses bâtiments et l'étendue de ses terres, autant que par son influence liturgique, artistique et intellectuelle. Ses terres seront acquises en partie, d'ailleurs, par Marguerite de Valois, acquisition que tous les Parisiens d'alors nommeront "Malaquis" (Il nous reste le Quai Malaquais). Cela ne gênera pas la République d'y abriter ses ministères !

L'Abbaye fut fondée en 543 par le Roi Childebert, fils de Clovis, à la demande de l'évêque Germain pour recevoir les reliques de la sainte Croix et de saint Vincent de Saragosse dont elle prendra le vocable. Elle recevra celui de saint Germain après que des miracles fussent observés à proximité de sa sépulture.
L'abbaye de Saint-Germain-Des-Prés deviendra au VIe siècle la nécropole des rois et de leur famille.
Quand naît l'Université, au XIIe siècle, elle se garde bien de se confondre avec elle. Elle reste un foyer de culture et de spiritualité indépendant.
En pleine vigueur et en pleine célébrité, l'abbaye est dissoute par le décret de 1790 qui supprime les ordres religieux. Elle est en partie transformée en prison. Les massacres de 1792 y débuteront.
Les lendemains de la révolution verront la destruction progressive des bâtiments.

De la basilique mérovingienne il ne reste de visible que quelques colonnes de marbre remployées dans le choeur et quelques traces dans les fouilles du sous-sol. Le rigoureux clocher de l'an mille nous introduit au roman monastique. Les restes du porche du XIIe cachés sous le porche de 1607 nous livre une des clefs du premier gothique. Le porche franchi, on découvre la nef romane (sauf les badigeons qui sont du XIXe). Les colonnes divisent la nef en travées bien distinctes, une première en occident. Le nombre de moines augmentant, le choeur roman en cul de four est remplacé par un vaste choeur gothique, la même année que la pose de la première pierre de Notre-Dame (1163). Un bourg s'édifie autour du monastère dès le VIe siècle.
Au XIV et au XVe siècle le site devient à la mode, les Parisiens y édifient leur maison de campagne et se promènent dans le Pré-aux-clercs.
En 1674 Louis XIV supprime les pouvoirs de juridiction seigneuriale sur le territoire de l'Abbaye. Dix ans plus tard, il fait abattre murs et portes de l'enceinte.
C'était le seul territoire sur lequel les évêques de Paris n'avaient pas réussi à fonder une paroisse dépendant d'eux.

(D'après "Paris, son Église et ses églises" par Bernard Violle).

L'orgue avant la Révolution

L'antique abbaye aurait fait construire un orgue neuf en 1474. Nous n'en savons rien de plus.

Aucun document ne nous parle plus d'un orgue jusqu'au moment où l'abbaye décide, en 1661, de commander un instrument entièrement neuf. L'abbaye n'était pas riche, mais un don anonyme permit de bien faire les choses. La commande du buffet dut attendre deux ans en raison d'un désaccord avec le sculpteur du monastère, gendre de Germain Pilon. Il fut commandé en 1663 au menuisier Pierre de FARCY.

Cet orgue est particulièrement nouveau pour l'époque, utilisant d'emblée le plan à 5 tourelles qui ne résultait jusqu'alors que de l'agrandissement d'orgues de 8 pieds à 3 tourelles en orgues de 16 pieds en l'élargissant. Afin de faire tenir les plus grands tuyaux sous une voûte somme toute assez basse, il fallut faire passer les tourelles latérales en avant en incurvant les plates-faces latérales. D'où un plan général en anse de panier "sintré".
Cette trouvaille fut imitée à Saint Denis, en 1700 et à Saint Omer en 1718.
Le positif, dessiné à part, est lui aussi assez nouveau. Il est composé de 3 tourelles encadrant 2 plates-faces. La tourelle centrale est en trèfle de 3 tourelles accolées.

 

L'instrument fut commandé à Pierre THIERRY qui voulait faire là son chef-d'œuvre : sommier à doubles gravures, grand Écho à 7 jeux, tirasse mobile.
Il pense, en outre, enrichir le Récit.
En raison de la mort du Facteur en 1666, la composition prévue dès 1661 ne sera réalisée que par ses fils.

Positif 49 notes,
La°-Ut-Ré à Ut5
Grand-Orgue 49 notes
(comme au positif)
Récit
(emprunt du GO)
Écho 38 notes
Ut2 à Ré5
Pédale 30 notes
La°-Ut-Ré à Fa3
Bourdon 8'
Montre 4'
Doublette
Fourniture III
Cymbale III
Flûte 4' (menue)
Nasard
Tierce (grosse)
Flageolet 1' fort
Cromorne
Bourdon 16' (sans La°)
Montre 16' (sans La°)
8' ouvert
Bourdon 8'
Prestant
Doublette
Fourniture V
Cymbale IV
Flûte 4'
Nasard
Quarte
Tierce (grosse)
Dessus de Cornet V (27 n.)
Trompette
Clairon
Voix Humaine
Cornet V
Bourdon 8'
Montre 8'
Prestant
Doublette
Bourdon 8'
Prestant
Doublette
Cymbale III
Nasard
Tierce
Cromorne
Flûte 8' (bois)
Flûte 4'
Trompette
Claviers en ébène - 2 tremblants - 2 Rossignols

Comme le grand sommier est à doubles gravures, Thierry innove en alimentant les basses des deux jeux de 16' en utilisant deux gravures. Dans le dessus, c'est le Récit par emprunt de 5 jeux du Grand-Orgue.

Alors que l'achèvement avait été prévu à la fin de 1662, ce ne fut que le 26 juillet 1663 que fut plantée la première cheville du buffet après démolition et reconstruction de la tribune. L'orgue ne fut reçu qu'en 1667, Alexandre Thierry achevant seul les travaux suite au décès de son père en 1666 et à la mésentente avec ses frères.

 

L'orgue continue à être entretenu par Alexandre jusqu'à sa mort en 1699. Cependant, probablement avec son accord, Jean BROCARD, un frère du tiers-ordre, effectuera quelques travaux :

- pose d'un Cornet séparé et d'une trompette en cuivre au Récit,
- grande Tierce sur la seconde chape de trompette du Grand-Orgue,
- deux octaves de Bombarde sur les basses du Grand Cornet, jouables au pied par une tirasse sur les secondes gravures,
- les deux Trompettes de GO et de Pédale furent grossies d'un tuyau,
- Le Flageolet du Positif devint un Larigot,
- pose d'un "Bourdon de Musette", quelques tuyaux d'anche faisant bourdon de cornemuse.

Après la mort d'Alexandre, les moines reconnaissants furent les rares clients à rester fidèles à la famille Thierry en la personne du neveu François.
De 1720 à 1722, François Thierry remit l'orgue en état, refit à neuf les jeux de Récit de Brocard, compléta la Bombarde sur les gravures de l'ancien Récit avec un clavier séparé, amena les tirants de registres du Positif à la fenêtre des claviers.
Avec celle de Notre-Dame de Paris, la Bombarde au clavier manuel est l'une des deux premières, mode qui prendra de l'extension en venant équiper les orgues de Saint Gervais, Saint Nicolas des Champs et de Saint Sulpice par la suite.

Après Thierry, l'orgue sera entretenu par Nicolas SOMER. A la mort de celui-ci, les fils seront évincés par CLICQUOT auquel on fit appel pour une restauration importante vers 1772.
Le plan à la mode ayant un peu évolué, quelques changements accompagnèrent la remise à neuf.
- Les deux Flûte de 4' furent remplacés par deux dessus de Flûte de 8',
- Le Positif reçut une Trompette,
- L'Écho fut réduit en supprimant la Doublette, la Cymbale et le Cromorne au profit d'une seule Trompette neuve,
- La Pédale reçut un Bourdon de 16'.

C'était ainsi un orgue en parfait état et de premier ordre quand survint la Révolution.
L'église de l'Abbaye fut d'abord promue paroissiale aux dépens de Saint Sulpice, puis devint une usine de salpêtre pour les nécessités de la guerre.

Transfert à Saint-Eustache.

La vocation de salpêtrière semblant s'éterniser, les paroisses rouvertes pensèrent à se faire attribuer le grand instrument inutilisé.
Ce fut Saint Eustache qui l'obtint pour compenser la perte de l'orgue de Saint-Jean-en-Grève remonté là en 1792 et qui disparut sans laisser de traces.

En attendant la mise en état d'une tribune à Saint Eustache, l'orgue fut entreposé chez Claude CLICQUOT qui en profita pour faire des échanges de jeux d'anches avec ceux de Saint Merry où l'on rencontre un tuyau signé de Thierry et une Trompette d'Écho marquée "Saint Eustache". Ceci dédouane la mémoire de DALLERY souvent pris sur le fait de vendre de l'occasion pour du neuf.

Lors du décès de Claude CLICQUOT, l'orgue promis à saint Eustache n'était qu'à demi remonté.
Comme filleul de la veuve Clicquot père, DALLERY fut chargé d'achever l'orgue selon un nouveau marché assez modeste.
Au grand corps, la grosse tourelle n'a plus que 5 tuyaux, la couronne royale est devenue assez gauchement impériale. Le Positif est complètement modifié en rabaissant la tourelle centrale au niveau des plates-faces.

A ces modifications visibles correspondent quelques changements dans la composition. Le nombre de claviers est réduit à 4 mais portés à 54 notes, de Ut à Fa5.


Sans que l'on sache qui en est réellement l'auteur de Claude Clicquot, de Dallery en 1801 ou de son fils en 1820, à cette date on y trouve :

 

 

Positif Grand Orgue Bombarde Récit expressif Pédale
Montre 8'
Bourdon 8'
Salicional 8'
Prestant
Doublette
Plein-Jeu V
Nasard
Trompette
Clairon
Cromorne
Montre 16'
Montre 8'
Bourdon 8'
Flûte 8'
Prestant
Doublette
Fourniture V
Cymbale IV
Nasard
Cornet V
Trompette
Clairon
Voix-Humaine
Bourdon 16'
Bombarde
Trompette
Clairon
+ Cornet (en 1820)
Bourdon 8'
Flûte 4'
Nasard
Trompette
Hautbois
Flûte 16'
Flûte 8'
Flûte 4'
Bombarde
Trompette
Clairon
+ Quinte 5'1/3 en 1820
Tremblant - Rossignol

Une autre restauration plus complète fut entreprise en 1841 par la Maison DAUBLAINE & CALLINET sur les plans de DANJOU titulaire depuis 1834.
Il ne subsiste plus que 19 jeux de l'orgue de Saint Germain, mais pas pour longtemps.
L'incendie du 16 décembre 1844 dû à la maladresse de BARKER* détruisit tout ce qui restait de l'œuvre des Thierry**, des Clicquot et Dallery.
(*) Lors du réglage de sa "machine" , Barker laissa tomber la bougie qui l'éclairait.
(**) Sauf les deux Trompettes qui sont à Saint Merry

 

L'orgue de l'Abbaye Saint Victor

 

 

Saint Victor, comme Saint Germain, avait des orgues bien avant le XVIIe siècle, mais ils restent mal connues

Le 12 avril 1679 un buffet neuf est commandé au menuisier Étienne CARREL. Ce meuble est plus original encore que celui de Saint Germain. C'est un 16 pieds en montre aussi, mais disposé plus en largeur. La tourelle centrale du grand buffet est en cercle complet et les tourelles latérales sont à deux étages, ce qui représente un exemple unique.
Le positif est semblable à celui que possédait Saint Germain mais à tourelle centrale unique à 5 tuyaux.
Le tambour d'entrée est, lui aussi, magnifiquement sculpté et on peut le voir encore au bas de la nef de Notre-Dame des Blancs Manteaux.

 

 

 

Alexandre THIERRY fut chargé de construire l'instrument le 30 avril 1679 sur les indications de LEBEGUE.

 

Positif Grand Orgue Cornet séparé
25 notes
Écho
32 notes
Pédale
30 notes
Montre 8'
Bourdon 8'
Prestant
Doublette
Fourniture III
Cymbale III
Flûte bouchée 4'
Nasard
Tierce
Larigot
Cromorne
Petite Voix Humaine 8'
Montre 16'
Bourdon 16'
8' ouvert
Bourdon 8'
Prestant
Doublette
Fourniture V
Cymbale IV
Nasard
Quarte
Tierce
Flageolet
Cornet V
Trompette
Clairon
Voix-Humaine
Cornet V
Petite Trompette
(pour imiter le hautbois)
Cornet V Flûte 8'
Trompette
Claviers en os de 48 notes de Ut - Ré à Ut5 - 2 Tremblants

En 1772 l'orgue de Saint Victor fut confié à Jean-Jacques BEAUVARLET-CHARPENTIER qui fit aussitôt entreprendre une grande réfection par François-Henri CLICQUOT :
- Positif agrandi en hauteur, Flûte 4', Doublette, Larigot et Voix-Humaine font place à Dessus de Flûte 8', Trompette, Dessus de Hautbois.
- Au G.O., au lieu de Flûte 4', Flageolet et Voix-Humaine, Clicquot place une double Tierce et une 2e Trompette.
- Hautbois au Récit à la place de la Trompette qui passe à L'Écho à la place des IV rangs supérieurs du Cornet, auquel il ajoute une Flûte 8' et un Clairon.
- La Pédale reçoit les deux jeux manquants sur les places libres, Flûte 4' et Clairon.

Au début de la Révolution, l'orgue est en bon état.
La démolition de l'abbatiale décidée, les facteurs SOMER et CHEVALLIER durent démonter l'orgue et l'entreposer au "Cabinet des Machines" alors rue de l'Université. On le destinait aux savants de ce qui deviendra le "Conservatoire des Arts et Métiers" pour servir de noyau à un orgue modèle aussi complet que celui de Saint Sulpice. Ce projet n'eut pas de suite. Il fut alors transféré vers le dépôt du prieuré de Saint Martin des Champs.

Transfert de l'orgue de Saint-Victor à Saint-Germain-des-Prés

En 1802 on rendit le rang de paroisse à l'église de l'ancienne abbaye Saint Germain .
Il ne pouvait être question de ramener l'orgue aliéné.
Il fallait en trouver un autre selon le même procédé. On se mit en quête dès 1804 mais les temps étaient passés et il ne restait plus grand chose de disponible qui fut complet et en bon état. Seul l'orgue de l'abbaye Saint-Victor répondait à peu près au désir. Il avait été démonté pour procéder à la démolition de la vieille abbaye rivale et dormait au dépôt du Conservatoire des Arts et Métiers.

En 1804, cet orgue de valeur mais entreposé depuis 8 ans était le dernier grand instrument disponible. La "succursale de Saint Germain des Prés" l'obtint du ministre de l'intérieur au prix d'un grand affolement au Conservatoire où un conservateur tient toujours à garder le contenu de ses dépôts. En outre, il y eut des vols que l'on aurait préféré tenir ignorés en haut lieu. Il manque quelques tuyaux de Montre, les plus gros, du 8', du 4', du Bourdon de 16', etc. Il faut bien avouer la chose au ministre et le gardien indélicat identifié écopera 2 mois de prison.
Somer prendra livraison de l'orgue de Saint Victor et le transportera à Saint Germain.
Pour compenser les pertes chiffrées à environ 400 kg d'étain, le ministre fait livrer en plus ce que Somer a pu dénicher dans le dépôt : 214 livres de plomb, 79 d'étain, 2 grands soufflets provenant des Cordeliers et ... 12 grilles de fer de 18,70 mètres de long sur 1 mètre de haut.

Somer se mit au travail.
Il avait tiré du Conservatoire le buffet complet et nous sommes assez surpris que le buffet établi que nous voyons actuellement n'ait rien de commun avec celui de Saint Victor. D'ailleurs il porte gravée l'inscription "1810", date de sa construction sous l'empire.
Le plan même ne ressemble qu'en gros à la disposition ancienne, probablement à cause des contraintes imposées par une voûte trop basse. En revanche, on y retrouve toute la grande statuaire dans des attitudes un peu changées. Nous ne savons rien du Positif non plus. Somer l'a-t-il réutilisé ? Refait de neuf ? Nous n'avons aucune image de son aspect avant sa disparition en 1862. Seul subsiste le saint Victor, relégué en haut du grand corps où il est presque invisible.

Pour l'instrument, Somer a été plus conservateur. Ainsi retrouve-t-on au Grand-Orgue le sommier à 17 chapes de Saint Victor sur lequel, en sacrifiant la Quarte, il put disposer en fond de sommier le seul jeu qui y manquait : la Voix-Humaine. Celle qu'il avait fabriqué pour l'orgue du "Théâtre de la République" (la Comédie Française).
Le Récit, porté à 32 notes (La à Mi) fut augmenté d'une Trompette et d'une Flûte.
L'Écho resta inchangé et l'étendue de la Pédale, dont 4 tuyaux d'anche seulement sur 60 avaient survécu, fut ramenée à 2 octaves (de Fa à Fa) pour une Trompette de 12' et un clairon de 6' et à 18 notes pour les Flûtes de 8' et de 4'.
Au Positif, on retrouve les 10 jeux de Saint Victor.

En 1823, un relevage s'impose.
Louis CALLINET se chargea de ce travail qu'il n'acheva qu'en 1829. Ce fut une remise en état complète avec peu de changements.
Au Grand-Orgue apparaît une Bombarde d'une taille énorme. Les Fournitures et Cymbales y sont devenues 2 mixtures II/V.
La Pédale a reçu une Flûte de 16' et une Bombarde, à partir du premier Ut.
Récit et Écho restent inchangés si ce n'est la perte du Bourdon d'Écho.
Au Positif, aux 10 jeux de Saint Victor sont ajoutés un Cornet III, un Clairon et un Basson. Fourniture V et Cymbale III y sont concentrés en un Plein-Jeu V. D'où un bouton "Tacet" (muet).

L'orgue romantique et néoclassique

En 1862, la remise en état confiée à Jean-Baptiste STOLTZ fut en fait une reconstruction complète dans le style nouveau, symphonique.

Elle s'inscrivait dans un programme de "restauration" de l'église romane au cours duquel BALTARD avait condamné la tribune et le Positif dorsal. Il fit réaliser en remplacement un vaste plancher à balustrade sculptée de style "roman" ( ! ).
Le facteur dut se contenter du grand buffet pour y loger l'orgue prévu à 3 claviers. La création d'un Récit expressif complet l'amena à transformer en boîte tout l'espace supérieur sous la voûte par une simple façade de jalousies. Stoltz y plaça son Positif derrière, étouffé par le Récit et soumis à la même expression, négation de la notion même de Positif.
Tout a été changé et le matériel antérieur remployé, modifié, est devenu méconnaissable à l'oreille.
Cet orgue d'une lourdeur certaine allait toutefois connaître une célébrité grâce à André MARCHAL qui ne put s'en satisfaire longtemps et qui confia en 1922 à Joseph GUTSCHENRITTER quelques directives pour une esthétique néoclassique naissante.
Puis Marchal passa à Saint Eustache. Il fut remplacé quelques mois par Jean LANGLAIS avant que ce dernier soit nommé à Sainte CLOTILDE.
Antoine REBOULOT dut se contenter après lui de cet orgue resté hybride et qu'il quitta sans regret lors de son départ pour l'étranger.

En 1963, la grande restauration était devenue inévitable et un programme plus "néoclassique" était confié à la Maison HAERPFER & HERMANN.
Différentes causes retardant l'exécution, sinon le principe et l'enveloppe du programme, Odile BAILLEUX et le clergé prirent conseil auprès de René DELOSME et d'André ISOIR afin de ne pas se contenter d'un néoclassicisme teinté d'alsacien et de baroque pour repenser une composition plus originale.

L'orgue d'Isoir

On pensait alors à l'exécution correcte de la musique française sans pour autant renoncer aux polyphonistes ni être incapable de jouer les romantiques et le répertoire conçu pour des orgues néoclassiques. Non pas un orgue à tout jouer, absurde par définition, mais un propos inverse : priorité à la musique française et additions complémentaires compatibles pour l'interprétation de musiques d'un autre style.
C'est ce programme que mit en chantier la Maison HAERPFER en 1973.

Traction mécanique intégrale (sauf quelques jeux sur moteurs), 4 claviers de 56 notes.
Restitution d'un positif de dos dessiné pour abriter un 8 pieds en montre*, un clavier de Bombarde, véritable plan de Résonance, un Récit expressif, et une solide Pédale :

Positif Grand Orgue Bombarde Récit expressif Pédale
Montre 8' (H)
Bourdon 8' (St)
Prestant (St)
Doublette (H)
Plein-Jeu VI (H)
Flûte  4' (St)
Nasard (H)
Tierce (H)
Larigot (H)
Dessus de Cornet III (H)
Trompette
Clairon
Cromorne

Montre 16' (St) (façade de Somer)
Montre 8'
Flûte à cheminée 8'
(St)
Prestant
(St)
Doublette

Grosse Fourniture III 2'2/3 (H)
Mixture VII/VIII 1'1/3 (H)
Voix Humaine (So)
Bourdon 16' (St)
Bourdon 8'
(St)
Flûte 4'
(St)
Double Tierce (H)
Nasard (H)
Quarte (St)
Tierce (H)
Sifflet (H)
Cornet V (St) (Bourdon ancien)
Bombarde 8/16' (C)
Trompette (So)

2e Trompette (H)
Clairon (C)
Viole 8' (St)
Céleste
(St)
Bourdon 8'
(St)
Prestant (St)
Flûte 4' (St)
Flûte 2' (H)
Dessus de Cornet V (H)
Cymbale V (H)
Bombarde (St)
Trompette
(St)
Clairon
(St)
Basson/Hautbois
Flûte 16' (St)
Soubasse 16' (H)
Quinte 10'2/3 
(St)
Principal 8' (G)
Bourdon 8' (H)
Principal 4' (H)
Mixture VIII 2' (H)
Bombarde
Trompette

Clairon
(St)
Tremblants I, II & III - 4 tirasses - Accouplements I/II, III/II, IV/II - Appels d'anches et de mixture de Pédale.
En vert, les jeux anciens subsistant.
Jeux de Somer (So), de Stoltz (St), de
Callinet (C) , (G) Gutschenritter, (H) Haerpfer.
Bien sûr, tout ceci remis en état, complété et réharmonisé. Ce n'est pas une restauration d'orgue historique.
(*) L'horloge dont Baltard avait orné sa balustrade est restée abandonnée dans la nef. Je voulais la voler, mais je n'ai pas été assez rapide.

Ce plan peu ordinaire avec sa division du Grand Orgue en deux claviers comme dans les orgues Brabançons classiques, l'un pour le Plenum, l'autre pour le Grand Jeu, l'équilibre très classique de son Grand Jeu avec 2 Trompettes puisqu'il y a une Bombarde, le maximum de facilité de registration compatibles avec le principe de la traction mécanique poussée à sa plus grande légèreté ... enfin une composition très réfléchie des Mixtures hors de tout à-priori historique, tout cela en fonction des effets à obtenir, l'écriture harmonique française s'accommodant sans peine d'autres schémas que les siens propres.

Au Grand-Orgue, la Fourniture est une Cymbale ascendante avec 3 demi-recoupes en Fa2, 3 et 4.
La Mixture est une Cymbale VI à doublures de quinte, horizontale pour la basse, puis ascendante en deux paliers avec resserrement et descente du rang grave au 8' pour éviter la résultante de 16'.

Au Positif, le Plein-Jeu VI est une Cymbale IV légèrement ascendante à 4 demi-recoupes, à doublures de quinte et des alternatives de resserrement par une doublure d'octave, puis deux dans l'aigu.

La Cymbale V du Récit est du même type, ascendantes à 4 demi-recoupes mais sans doublures, donc plus aiguë, avec resserrement par doublure du rang grave à partir d'Ut4.

La Mixture de Pédale VIII a aussi une demi-recoupe en Sol2 et pratiquement 3 doublures (2 de quinte) passant progressivement des rangs aigus aux graves.

En tout, une grande unité recourant nettement à l'ascendance et aux larges paliers. Quinconces des recoupes pour masquer les sauts; insistance délibérée sur les quintes qui, contrairement aux idées reçues, donnent plus de corps et de médium que de brillance. Enfin, parti pris de plafonds peu élevés, sous le 1/8' sauf au dessus du Récit.
Seule serait à regretter l'absence d'une tierce étroite "à mettre dans le Plein-Jeu" à la Titelouze ou à la De Héman.


Compilation de la brochure de Pierre HARDOUIN "L'orgue de Saint Germain des Prés Les Paris" - Connaissance de l'Orgue, 1978

 

Retour ABéCéDaire Retour Accueil