L'orgue BEAUCOURT &
VOEGELI de Saint-Hippolyte-du-Fort

Le 8 mars 1853, Afin « d'accomplir l'uvre d'embellissement
du temple », le Conseil Presbytéral de la paroisse protestante
de Saint-Hippolyte du Fort prit la décision d'acquérir un
orgue pour « donner plus d'éclat ainsi que de majesté
aux chants de nos psaumes ».
Les
facteurs Hippolyte-César BEAUCOURT et Jean-Melchior VOEGELI
de Lyon fabriqueront l'orgue. Ceux-ci proposaient deux devis : l'un décrivant
un instrument de dix jeux pour 10 000 francs et l'autre, accompagné
d'un récit expressif, au prix de 13 600 francs. Le Conseil
Presbytéral opta pour le devis le moins cher en prenant toutefois
la précaution de demander de prévoir les boiseries nécessaires
à l'installation ultérieure du récit.
L'orgue devait être livré au mois de mars 1854.
L'adjonction des deux jouées latérales fut décidée
en septembre 1854 afin de « cacher la personne qui fera marcher
le soufflet ».
Le "positif" n'est qu'une façade postiche derrière
laquelle l'organiste est à l'abri du regard.
L'inauguration de l'orgue nouvellement acquis eut lieu le dimanche 29
octobre 1854, un peu plus d'un mois après l'installation de l'instrument.
En 1862, l'orgue, sans doute peu entretenu et fort utilisé, donne
des signes de fatigue. Aussitôt, le Conseil Presbytéral prend
contact avec Beaucourt par courrier mais il semble qu'il n'ait pas donné
suite.
En novembre 1864, l'instrument ne fonctionne plus normalement, "pour
n'avoir jamais été soumis à aucune vérification
ni subi de réparations".
On fait alors appel à Moitessier, de passage à Montpellier.
Outre la réparation, il entretiendra et accordera l'orgue de Saint-Hippolyte.
A la fin de l'année 1871, l'instrument ne fonctionne déjà
plus et il est nécessaire d'y effectuer de nouveaux travaux.
Le Conseil Presbytéral prend alors contact avec le facteur Rousselot
en 1872 qui réparera et accordera l'instrument jusqu'en avril 1897,
date à laquelle - l'orgue nécessitant une fois encore, une
réparation - le Conseil Presbytéral fait à nouveau
appel à la manufacture de Lyon.
Il a désormais à faire avec Hugues Beaucourt (le
fils d'Hippolyte César) qui entreprend un important relevage en
1897.
Le fils Beaucourt remplaça les tuyaux du jeu de fourniture par
un jeu de gambe, mettant l'instrument « au goût du jour ».
C'est aussi cette année là que l'instrument fut repeint
en imitation noyer. A l'origine, il était peint en blanc mat rehaussé
d'or.
En mars 1910, Hugues Beaucourt fait savoir qu'il ne peut poursuivre l'entretien
et l'accord de l'orgue. Le facteur Rousselot revient en scène pendant
deux ans.
De 1912 à 1928, on n'entend plus parler des aléas de l'instrument
de Saint-Hippolyte.
En mars 1928, on se préoccupe de nettoyer et d'accorder l'instrument.
Aux alentours de 1950 Monsieur Peyronel, alors pasteur de la paroisse,
considéra que la concierge du temple était trop âgée
pour qu'on lui impose le rude pompage de l'instrument. On décida
alors d'installer un ventilateur électrique.
En
1960, " Le ... mauvais fonctionnement des orgues nous a poussé
à demander un devis de réparation. Nous nous sommes adressés
à M. Puget, sur les conseils de M. V..... organiste au temple de
Nîmes ". Dans ces termes, il fut décidée
une modernisation fort onéreuse de l'orgue de Saint-Hippolyte cette
année là.
La modernisation de l'instrument de Saint-Hippolyte par Maurice Puget
fut un désastre.
1°) Adjonction d'un second clavier et pose de deux jeux de Récit
répondant sur celui-ci.
2°) Agrandissement du pédalier de dix huit à trente
notes et passage du clavier de Grand-Orgue de cinquante quatre à
cinquante six notes.
3°) Modification et remplacement de certains jeux.
Le second clavier de Récit fut, dès son origine, entièrement
prévu avec une traction électrique. L'adjonction des douze
notes complémentaires de pédales avait, elle aussi, été
conçue à traction électrique. Maurice Puget plaça
deux sommiers de tirage électro-pneumatiques sous les sommiers
de Pédale d'origine afin l'électrifier entièrement.
Néanmoins, la Pédale avait encore l'inconvénient
de ne pas pouvoir jouer en tirasse le clavier de Grand-Orgue. Puget remédia
à ce problème en posant deux autres sommiers de tirage sous
ceux du Grand-Orgue. Ces sommiers ne commandaient que l'étendue
du pédalier (de C 1 à F 3). Il ne rendit donc complètement
électrique que les 30 premières notes de ce clavier. Par
contre, le reste du clavier conserva sa traction mécanique. Nous
devinons quel devait être le toucher du clavier !
Pour la tuyauterie, des modifications furent apportées dans le
même esprit que pour les transmissions.
Outre les jeux du Grand-Orgue qui n'ont pas été
modifiés (Montre 8', Prestant 4' Cornet IV
et Flûte 8' au Grand-Orgue et Flûte 8' à
la Pédale), Maurice Puget remplaça le jeu de Gambe
de huit pieds installé en 1898 par Hugues Beaucourt par une quinte
de 2' 2/3.
À la place du Bourdon de quatre pieds (en métal),
il installa une Doublette et fit tenir les tuyaux à l'aide
de morceaux de carton ondulé enroulés dans les trous du
faux sommier.
A la place du jeu d'Euphone, il plaça une Trompette
entièrement composée de tuyaux de récupération.
Cette Trompette sonnait très fort et n'était pas à
proprement parler harmonisée avec élégance... Il
ne reste de l'Euphone originel que ses barres de maintien et les faux-sommiers.
Il recomposa le nouveau Bourdon de huit pieds du Grand-Orgue avec
les six premiers tuyaux de la deuxième octave du Bourdon de seize
pieds de Pédale ; les six suivants étaient d'origine ; le
reste du jeu était fait avec l'ancien Bourdon de quatre pieds.
Le jeu sonnait donc toujours dans la même tessiture mais n'était
plus composé que d'une tuyauterie hétéroclite, de
trois origines différentes !
Au Récit, le jeu de Cor de nuit de huit pieds
fut composé à l'aide de six tuyaux provenant de la basse
de l'ancien Bourdon de huit pieds du Grand-Orgue ; six autres tuyaux de
récupération ; le reste provenant du Bourdon de huit pieds
du Grand-Orgue.
Le jeu de Flûte douce de quatre pieds était entièrement
emprunté sur le Cor de nuit. Les tuyaux de l'octave du dessus
étaient issus de récupérations diverses et de deux
tuyaux provenant du Bourdon de quatre pieds du Grand-Orgue.
A la Pédale, le jeu de Bourdon de seize pieds
avait gardé ses douze basses d'origine ; le reste était
entièrement en emprunt sur le Cor de nuit du Récit.
Le jeu de Flûte de huit pieds n'a pas été modifié
dans ses dix-huit basses d'origine ; pour le dessus nécessaire
à l'agrandissement du pédalier, Maurice Puget installa un
petit sommier annexe sur lequel se dressaient douze tuyaux de récupération.
L'orgue, inauguré le 8 mai 1960 par Marie-Louise Girod,
donna rapidement des signes de faiblesse. Toutefois, des concerts purent
être donnés correctement jusqu'en 1978 puis il entra dans
une longue agonie. Seul ne fonctionnèrent jusqu'au bout que les
notes mécaniques du clavier de Grand-Orgue.
Au début de l'année 1979, l'orgue, à bout de souffle,
fut visité par plusieurs Facteurs d'orgues dont les projets restèrent
sans suite.
Les paroissiens ne comprenaient pas que, moins de 20 ans après
une dépense considérable, il faille à nouveau refaire
leur orgue.
Il
faudra attendre le 1er juin 1987 pour que l'Association des Amis de
l'Orgue de St-Hippolyte, nouvellement créée, prenne
les choses en main.
L'orgue a été restauré par Laurent Plet -
nous dirions plutôt "reconstruit" tel qu'il avait été
conçu par Beaucourt et Voegeli - et inauguré en 1992.
On ne saurait taire l'admiration de tous pour le travail de reconstitution
effectué.
En 1960, Maurice Puget ne s'était pas embarrassé de la manière
dont il placerait son matériel moderne. Aussi a-t-il fallu à
Laurent Plet beaucoup d'attention pour reconstituer ce qui n'était
plus.
L 'affaire était d'autant moins aisée que le projet de restauration
s'accompagnait également de celui d'achèvement du devis
de 1853 ! Lors de la conception de l'instrument, Beaucourt et Voegeli
avaient prévu la place que prendrait le futur Récit. Celui-ci
devait être logé dans la grande tourelle située au
dessus de la grande façade centrale.
Laurent Plet s'est appliqué à y installer un Récit
de 42 notes, et, là où son travail peut être jugé
exceptionnel, c'est quand on sait qu'il n'a pas pour cela utilisé
ses propres méthodes, mais celles des facteurs constructeurs dont
il est allé s'imprégner au contact des autres instruments
encore existants de Beaucourt & Voegeli.
Grâce à son savoir-faire, nous avons aujourd'hui la possibilité
d'écouter - à Saint-Hippolyte - un des rares témoins
authentique d'une esthétique franco-allemande du milieu du XIXe
siècle.
Cet orgue n'a pas été conçu - à l'origine
et lors de sa reconstitution - comme un instrument soliste ou concertant
mais avant toutes choses pour accompagner tant les psaumes de la Réforme
que le choral luthérien. En un mot, pour soutenir le chant de l'assemblée.
Y jouer des grandes uvres du répertoire n'y est pas aisé
mais il reste ouvert à un large choix de pièces allemandes,
espagnoles et italiennes.
Compositions successives de l'orgue
de Saint-Hippolyte-du-Fort
Construction |
Modification |
Agrandissement |
Restauration |
Hippolyte-César BEAUCOURT
& Jean-Melchior VOEGELI |
Hugues BEAUCOURT |
Maurice PUGET |
Laurent PLET |
1854 |
1898 |
1960 |
1992 |
Grand-Orgue 54 notes |
Grand-Orgue 54 notes |
Grand-Orgue 56 notes |
Grand-Orgue 54 notes |
Montre 8' |
Prestant 4' |
Bourdon 4' |
Fourniture III-V |
Bourdon 8' |
Cornet IV |
Flûte
8' |
Euphone 8' |
|
Montre 8' |
Prestant 4' |
Bourdon 4' |
Gambe
8' |
Bourdon 8' |
Cornet IV |
Flûte 8' |
Euphone 8' |
|
Montre 8' |
Prestant 4' |
Doublette 2' |
Quinte
2'2/3 |
Bourdon 8' |
Cornet IV |
Flûte 8' |
Trompette
8' |
|
Montre 8' |
Prestant 4' |
Flûte
4' |
Fourniture
III-V * |
Bourdon 8' |
Cornet IV |
Flûte 8' |
Trompette
8' |
|
Récit
42 notes
Prévu :
|
|
Récit
56 notes |
Récit
42 notes |
(Flûte douce 8')
(Flageolet 4')
(Haut-bois 8')
(Voix Humaine 8' )
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Cor de nuit 8' |
Flûte douce
4' |
|
Flûte
douce 8' |
Flageolet
4' ** |
Haut-Bois
8' |
Voix
Humaine 8' |
|
Pédale
18 notes |
Pédale
18 notes |
Pédale 18 + 12
notes
(Pédalier: 30 n.) |
Pédale 18 notes
(Pédalier: 30 n.) |
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Accouplement GO / Rec.
Tirasse GO
Tirasse Récit |
Tirasse GO sur 30 notes |
(*) Fourniture Cymbalisée ascendante, en 2 pieds, avec
reprises sur les Ut et "plafonds" sur les Fa#. Voir: http://smcj.club.fr/bureau/biblio/smcj/temp_sth/tuyaux/dgo_four.htm
(**) Beaucourt l'avait mis au grand orgue sous l'appellation "Flûte 4"
en prévision d'en faire le Flageolet du Récit. Laurent Plet l'a remplacé
au grand orgue par une Flûte à cheminée neuve, à partir de l'Ut 2.
Pour plus de détails, on peut consulter le site de l'Association
et en profiter pour prendre connaissance aussi des concerts programmés
pour la saison :
Association
des Amis de l'Orgue de Saint-Hippolyte-du-Fort 
On peut prendre connaissance de tous les détails techniques
de cet orgue sur le site de Sébastien Cosson : l'Hydraule
, qui a été
largement pillé pour rédiger les lignes qui précèdent.
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