Je veux, ce jour, vous parler de l'orgue que je considère
comme le plus fabuleux de tous les temps: l'orgue Gabler de l'abbaye de
Weingarten, en Souabe.
Enfin, c'est Dom Bedos qui dit que c'est en Souabe, sinon, en géographie
de l'Allemagne, on retrouve Weingarten dans le Württemberg.
L'esthétique
du buffet est d'un rococo achevé que d'aucun trouvera surchargé, mais
quel travail! J'ai bien pire dans le genre, dans mes réserves, celui-là
étant plutôt tout simplement splendide!.
Le buffet entoure les verrières sans les occulter.
Autant l'orgue italien se fond dans la muraille sans
en relever les détails, autant l'orgue de l'est de l'Allemagne et d'Autriche
fait partie de la construction de la bâtisse et participe à la décoration.
Apparemment les deux positifs au bord de la tribune
me semblaient postiches, Dom Bedos ne les représente ni n'en parle.
"Dans les deux éléments principaux de l'orgue,
derrière les grands tuyaux de façade, se trouvent le Hauptwerk, et derrière
celui-ci la Grosspedal, répartie en côté ut (tourelle de gauche) et côté
ut dièse (tourelle de droite).
Au-dessus de l' Hauptwerk, à la hauteur des fenêtres supérieures, se trouve
l'Oberwerk (second clavier), d'où part une conduite alimentant en air
le Kronpositiv (suspendu à la voute).
Une tirasse permet de jouer les quatres jeux de ce dernier sur le second
clavier.
Dans le soubassement de l'orgue et isolé accoustiquement des deux positifs
de poitrines, se situe l'Echowerk (troisième clavier), invisible depuis
la nef.
Sur la balustrade sont suspendus, à gauche vu de la nef, le Brustpositiv
(quatrième clavier), renfermant la célèbre Vox humana, et à droite, le
Brustpedal.
La tuyauterie de la façade se compose dans les deux tourelles principales
de la Contrebass 32', ainsi que du Praestant 16' de l' Hauptwerk, dans
les pôles extrêmes de l'orgue, plaqués au mur, les tuyaux de la Contrebass
16'.
Les plus grands tuyaux de ce dernier jeu sont soutenus par une armature
métallique.
Les plates faces de liaison montrent la Mixturbass 8', et au milieu, au-dessus
de la console, le jeu La force.
La façade du Kronpositiv est formée par l'Octavedouce 4', celle des positifs
par le Principal doux 8' et l'Octavbass 8', soit en tout 282 tuyaux dont
seuls huit sont chanoines (tuyaux muets): cinq au Brustpedal et trois
au Kronpositiv.
Le plus grand tuyau dans la tourelle gauche, sonne ré, mesure 9,62 mètres,
a un volume de 1200 litres et un poids estimé à 300 kilos. "
Construit par josef Gabler de 1737 à 1750, cet orgue
est intact, à quelques détails près :
En 1887 pose d'une machine Barker pour les claviers
1 et 2.
Imaginez la mécanique telle qu'elle partait de la console pour tirer les
soupapes dans chacune des tourelles et jusqu'au récit. Ces machines Barker
les ont considérablement allégés.
En 1955, électrification de la traction du Kronwerk.
Vous voyez ? ce petit buffet tout en haut, en pont entre les deux tourelles
centrales? Il n'avait jamais fonctionné convenablement.
L'électrification a permis de le découvrir.
Au premier clavier répond le Grand-Orgue (Hauptwerk).
Au deuxième, un récit (Oberwerk), et les 4 jeux du Kronwerk
Au troisième, un écho (echowerk).
Au quatrième, un positif de poitrine (Brustpositiv).
Deux pédales pour un seul pédalier: la "Hauptpedal" avec contrebasse,
soubasse et bombardbass de 32, 3 autres modestes 16, un plein jeu de 6
rangs, un carillon et "la force".
La force est en fait un effet: on a directement les 49 rangs de plein
jeu sur le ton d'ut.
La "pedal" du "brustpositiv" (in german in the text !) avec un quintatonbass
de 16, cinq 8 pieds, deux de 4 et une sesquialter 6 à 7 rangs...
Dom Bedos la décrit: "seconde pédale qui s'accroche
avec la première & même avec le premier clavier".
Car Dom Bedos avait littéralement flashé sur cet instrument mais Gabler,
alors en voyage, n'avait pu lui en ouvrir les entrailles.
La composition qu'il en donne dans "l'art du facteur d'orgue" lui a été
communiquée par courrier.
Il y compte un plein-jeu qui ne comporte pas moins de 49 rangs de fourniture
et de cymbale, avec ceux de pédale.
Désirant quelques explications sur la correspondance des jeux en allemand
et en français, il fit appel à Karl-Josef Riepp qui lui répondit, très
faux-cul: Je cite Dom Bedos,
"... il m'a répondu que s'étant uniquement & toujours
appliqué à construire ses orgues à la Françoise, (car il est établi en
France, ) il n'a jamais donné son attention, & n'a fait jamais aucune
étude des jeux Allemands; & qu'il y en a nombre qu'il ne connoît point.
..."
Trois pièces jointes,
1 - photo actuelle, plus haut,
2 - la gravure, à gauche, que Dom Bedos a joint à son ouvrage "L'Art
du Facteur d'Orgue" et sur laquelle on voit bien l'organiste, là,
tout en bas, entre les deux tourelles centrales et face à la nef.
3 - la composition actuelle, ci dessous.