Traité de l'Orgue de
Marin Mersenne.

PROPOSITION XLI. Expliquer toutes les diminutions qui se peuvent faire sur l'Orgue , ou sur l'Épinette.

Puisque l'Orgue est estimé le plus parfait des instruments, il mérite d'avoir un exemple particulier de la même main que celui qui a mis l'air précédent en tablature.
Il faut remarquer que l'on peut avoir plus de soulagement pour l'Orgue que pour les autres instruments. Par exemple, on peut faire baisser deux ou trois marches avec de petits morceaux de plomb pour faire autant de tenues et de bourdons tandis que les deux mains sont empêchées à faire les variétés et les diminutions, de sorte qu'un seul homme fera des concerts de quatre octaves sur chaque jeu et parce que l'étendue de tous les jeux pris ensembles a du moins huit octaves dans les grandes Orgues, c'est à dire une cinquantième dont la raison est de 128 à 1. Il fera des concerts de huit octaves puisqu'il fera tenir le son à tant de tuyaux qu'il voudra par le moyen de petits ressorts qui abattront les marches d'en bas et celles des pédales dont on joue ordinairement avec les pieds tandis que les mains joueront le clavier.
Je mets donc ici ce que les mains les plus adroites et les plus rapides peuvent exécuter afin que cet exemple serve d'idée à la perfection du beau toucher. Il faut donc remarquer que cette pièce de tablature contient seulement les deux premières mesures de l'air précédent, c'est à dire le chant qui sert à ces paroles : Tu crois ô beau Soleil. De sorte que la main droite commence à faire ces deux mesures en simples croches tandis que la main gauche tient ferme, puis la main gauche fait la même chose que la droite, laquelle recommence après pour en faire 16 à la mesure, ce que fait aussi la main gauche en son rang. Et puis la droite en fait 32 à la mesure, et la gauche après. Finalement la droite en fait 64 à la mesure par lesquelles la gauche finit ces exemples. Sur quoi il faut remarquer que ces deux dernières lignes de diminution ne sont marquées que par des notes de 32 à la mesure, comme les précédentes, au lieu qu'elles doivent être de 64. C'est pourquoi il faut ajouter une quatrième barre afin qu'elles soient quadruples croches, d'autant que l'on n'a point encore de ces notes dans les imprimeries de Musique.
Secondement que le temps de chaque mesure ne dure pas deux secondes, mais seulement autant qu'une ficelle de deux pieds et demi de long, pendue par un clou à un bout et qui a une balle de plomb attachée à l'autre, sera employée à faire un aller et retour.