De l'Orgue Anglais

Un article de Peter Williams dans: "Renaissance de l'Orgue" N° 7 & 8

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Old Radnor 1550 - Le plus ancien buffet d'angleterre.En Angleterre comme ailleurs, l'histoire des mixtures, de leur composition, de l'attitude à leur égard des facteurs, des organistes et des auditeurs est celle de l'orgue même. Les changements importants qui ont affecté l'orgue anglais en 1670 et 1800 par exemple concernent profondément ces jeux, bien qu'il n'y ait pas eu en Angleterre de changement soudain et total comme dans d'autres pays. En face de ce qui se passait en Allemagne peu après 1830, l'indignation du périodique The musical World de 1836 (p. 215,) contre le nouvel orgue de Hill à la Cathédrale d'York, considéré comme ayant reçu des Mixtures aberrantes, est un exemple lumineux et classique:

"Imagine, therefore, the effect of such a proceeding! Instead of adding to the brilliancy of the chorus organ, by putting in three or four many-ranked Cornets, Sesquialteras and Mixtures, by subtracting the Twelfths the tone must necessarily heaume muddy and thin - all top and bottom, no medium..."
Imaginez un peu l'effet d'une telle manière de faire! Au lieu d'ajouter à la brillance de l'orgue, l'addition de 3 ou 4 Cornets, Sesquialteras et Mixtures composés et la suppression des 12e rendent la sonorité forcément pâteuse et maigre. Tout en tête et en queue, pas de médium !*...


Pourtant en Angleterre, l'orgue est et a toujours été l'objet de l'attention plutôt des amateurs et il ne fait pas de doute que ce sont les amateurs avec leurs connaissances scientifiques confuses - beaucoup de célébrités scientifiques anglaises de 1660 à 1860 ont été des amateurs et des défenseurs actifs de l'orgue - qui ont contribué à maintenir pendant des siècles l'orgue anglais à son lamentable niveau de Plenum sans pédale.
Les Mixtures ont fait tardivement leur apparition en Angleterre, n'y sont jamais devenues surabondantes et ont toujours dû justifier leur présence devant chaque génération de facteurs.
Il est difficile d'imaginer ailleurs qu'en Angleterre un prêtre cultivé écrivant:
"Les Fournitures et les Cymbales ont comme les Sesquialteras, la détestable particularité que leurs tuyaux reviennent au point de départ à chaque octave".
(Furniture and Cymbal are like the Sequialtera, with this odious circumstance, that their pipes return over again the same in each octave...)
ou dans une ville d'Europe autre que Londres un écrivain-organiste-compositeur s'écriant que les jeux de Mutations ne sont posés "par les facteurs que pour faire à peu de frais une série de jeux à tirer (qui) ne font qu'encombrer l'orgue".
(put in by Organ-Builders, merely to make a show of stops to draw, at a small expence (since) they only encumber an organ...)

Pour ce qui est des influences françaises introduites en facture par l'émigré tardif René Harris, le même prêtre pensait que les clients puérils (d'Harris) n'aimaient rien tant que beaucoup de bruit même s'il est vulgaire. Ce grand bruit vulgaire était probablement la sonorité d'un véritable Plein-Jeu. Le goût anglais a longtemps été porté vers tout autre chose.

Une période vraiment longue de l'histoire de l'orgue anglais reste hypothétique. Les exemples d'orgues antérieurs à 1800 sont exceptionnellement rares, sans liaison avec des textes d'information et peu représentatifs par leur dimension et leur puissance sonore. La meilleure histoire est encore celle de Hopkins & Rimbault (1855 etc.) et nous n'avons pas encore une couverture de documents analogue à celle donnée par Vente pour les types d'orgues néerlandais ou par Dufourcq pour les français.
A propos par exemple du premier marché détaillé connu (1519 - All Hallows) des problèmes restent en suspens et en dépit de la réputation prodiguée à leurs orgues, les travaux de Harris ou de Smith dans l'Angleterre d'après la Restauration (1670-1710, pas la notre, la leur!) sont encore fort mal compris. Quelques points cependant émergent peu à peu et les quelques analyses de mixtures et d'autres jeux trouvées dans les bons auteurs, dignes de confiance commencent à s'organiser en une vue générale.

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- L'Orgue Anglais avant l'exil de Robert Dallam.

Personne ne sait à quoi ressemblait l'orgue anglais au XVe siècle, ni non plus s'il prenait pour modèle ou pour inspiration l'orgue flamand ou italien. Les autres arts comparables de ce temps suggèrent que l'un et l'autre étaient possibles.
L'orgue de la fin du Xe siècle à Winchester était sans doute aucun un Blockwerk dont le but comme tel était la portée sonore; le fameux poème contemporain atteste sa puissance, bien qu'à d'autres égards la description ne nous dise en réalité rien de plus que ne fait Pretorius au sujet des plus anciens orgues d'Erfurt, de Magdebourg ou même de Halberstadt.

On connaît l'existence de beaucoup de petits instruments du XVe siècle; ils devaient être de ces Positifs qu'on peut dire à juste titre de type international et dans des cas d'espèce il est parfois certain que l'orgue a été importé:
ainsi l'orgue flamand de Louth (v. 1500). Dans le fameux marché d'All Hallows de 1519, le terme de Principal est pris dans un sens particulier: c'est soit le sens brabançon (Blockwerk ou Plenum fait de la Montre, son octave, sa fourniture) soit le sens italien (Ripieno à rangs complètement ou presque complètement séparables):
... and the pryncipale to conteyn the length of V foote so following with Bassys called Diapason to the same, conteyning length of X foot or more; and to be dowble pryncipalls throweout the said instrument... with as fewe stops as may be convenient.

Double Principal doit signifier plus que les seuls deux jeux de 4' et désigner certainement l'ensemble des fonds; les Basses appelées Diapason de même signifient-elles un rang complet de 8' ajouté à un Blockwerk de 4', comme on l'a proposé récemment ou une série de Trompes comme je le pense pour ma* part? On ne le saura vraisemblablement jamais avec certitude. Quelqu'un expliquera bien un jour pourquoi les Anglais ont, de génération en génération, utilisé le terme grec ou quasi grec de dia - pason (à travers tout - et on entend - toute une octave) pour désigner un rang de 8' de tuyaux ouverts; un tel glissement de sens a été chose faite au XVIIIe siècle, mais il faut bien qu'il ait pris naissance quelque part.
* Peter Williams.

Des doutes analogues peuvent être mis en avant à propos d'un autre terme spécifiquement anglais: stops (jeux). Il semble absurde d'utiliser un mot qui exprime dans tous ses autres emplois des idées de fermeture, d'empêchement, d'arrêt, pour dire dans l'orgue, l'ouverture, l'admission du vent, le début d'un son.
Si on se fonde sur son emploi dans d'autres instruments, le mot Stop se rapporte plus exactement aux trous ou aux rangées de trous du sommier, plutôt qu'au tirant articulé qui fait fonctionner les glissières-registres (quand il y en a).
(Stop peut signifier un mécanisme empêchant le vent d'alimenter un ou plusieurs rangs auparavant inséparables d'un Blockwerk ("Sperrventil", qui signifie lui même "barrage de vent") mais il n'y a pas de preuve formelle pour soutenir cette hypothèse).

En tout cas l'orgue de 1526 à 7 stops, construit à Coventry, ne peut avoir - Principal, Octave 12e, 15e, 19e, 22e, Recorder - que si stops est pris dans son sens moderne (ne parlons pas ici de cette présence de Quintes jusqu'ici non authentiquement prouvée en Angleterre).
Mais ce sont peut-être des embarras pour rien, puisque les inventaires de Henri VIII emploient le terme stops pour des orgues ou des régales où il doit s'agir également du sens moderne.
Orgue du Grand Turc Mehmed IIILa question de l'existence ou non de rangs de Quinte reste douteuse; la seule autre composition d'un orgue anglais du XVIe siècle est celle de l'orgue envoyé par la reine Elisabeth en 1559 (1599?) au Grand Turc. Bien que conçu pour scandaliser les autres peuples et en particulier les Allemands, il avait une liste de jeux difficilement capable de scandaliser personne: Principal ouvert (4'?), Unisson Recorder (4'?); Octave du Principal (2'?), Flûte (2'?).
Il
peut avoir eu deux tuyaux de trompette pour faire jouer les statues ainsi qu'un Tremblant, un Tambour et un Rossignol contribuant à l'aspect d'automate de la machine. Le constructeur était Thomas Dallam, membre d'une importante famille de facteurs, parfaitement familiarisé avec les orgues de son temps, tels qu'ils existaient avant que les iconoclastes s'y furent intéressés.
Le même Dallam a fait un orgue à deux claviers pour la Cathédrale de Worcester en 1613, le premier orgue anglais à deux claviers dont on connaisse la composition et le premier avec une Quinte 2' 2/3.
- avec un autre orgue de Dallam pour la chapelle du collège d'Eton, (1613):

G.O. : II Principaux 8', II Octaves, 12e, II 15e, Recorder (bouché).
Choir O.: Principal (bois, bouché ?), Octave, 15e, 22e, Flûte (bois).

La doublure est sûre : two open diapasons of metall, ce n'est plus à cette époque la formule ancienne: Principal ouvert + Diapason bouché. Cette doublure certaine peut résulter de l'emplacement de l'orgue: beaucoup d'orgues anglais de cette période ancienne étaient placés sur le jubé séparant la nef du chœur et avaient ainsi deux façades, d'où deux séries de Montres, celle vers l'ouest probablement postée; cela résulte peut-être aussi d'influences italiennes comme les termes eux-mêmes de 12', 19e, 22e. Le jeu à deux claviers devenait la passion des meilleurs organistes et compositeurs anglais et il y aurait beaucoup à dire au sujet des Doubles Voluntaries de cette période.
Les orgues de salon aussi connaissent le 2e clavier le plus souvent comme petit Positif de poitrine dans le grand buffet plutôt que comme Positif dorsal.
Ces orgues comme celui de Chirk Castle (1631) ou d'Adlington Hall (v. 1650) avaient un minuscule sommier secondaire qui ne permettait guère plus qu'un accompagnement doux, mais le second clavier était indispensable. Contrairement à l'orgue de Chirk, celui d'Adlington a quelques mutations (pas de Mixture) au G.O.:
- II principaux, Octave, 12e, 15e, 17e, 19e, 22e, Voix humaine, Trompette.

Cambridge - Dallam 1605Cela reflète une influence étrangère croissante sinon un état résultant d'une réfection postérieure à 1670.

Cette absence de Mixtures et de Mutations est voulue. Il est évident par la composition de Robert Dallam à Lesneven en 1654 qu'avec de la chance - et c'en était une d'émigrer en France - un facteur anglais traditionnel pouvait construire aussi des Cornets, Nasards, Tierces, Larigots, Fournitures et Cymbales aussi bien que de faire une soigneuse différence entre une Doublette et une quarte de Nasard.

La question était de savoir à quoi devaient servir les orgues.
S'ils étaient petits comme celui que fit William Tresorer pour la reine Mary vers 1555 ils n'avaient d'autre but que de répandre le son des Flûtes et des Recorders (Bourdons) alors que Tresorer même, inscrit comme fabricant de Régales aurait parfaitement pu ajouter des rangs de ce genre s'il avait voulu.
Dans les grandes églises comme partout en Europe, il y avait plusieurs orgues, même après la crise iconoclaste, et ces orgues avaient des rôles différents. Un procès-verbal de 1672 se rapportant aux anciens instruments de la cathédrale de Durham indique que l'un d'eux servait aux usages courants (probablement un orgue mobile), un second suspendu au mur Nord du chœur était une paire d'orgues bien grands appelés the Cryers, un troisième construit sur le jubé au-dessus de la porte du chœur avait tous ses tuyaux faits du meilleur bois.
Nous avons donc là deux grands-orgues fixes de composition et d'usage différents: le plus grand pour les fêtes où chantent les chanoines, et si Cryers a un sens il était assez strident (peut-être encore un Blockwerk); le petit un organo de legno pour accompagner les choristes, placé près d'eux et d'un son plus discret. Les mots même organo de legno permettent de rattacher ces orgues et leur usage à ceux des églises de l'Italie du Nord, et les rares orgues italiens à deux claviers du milieu du XVIIe siècle ont plus d'un point commun avec la composition de celui de Dallam pour la cathédrale de Worcester décrit plus haut. Ils étaient utilisés avec les mêmes intentions et avaient donc le même contenu.

Les Douzièmes ont été d'abord, comme il fallait s'y attendre, les seuls fréquents des rangs harmoniques impairs qu'on rencontra dans les orgues de Robert Dallam ou Loosemore aux environs de 1650.

Qu'elles n'aient été ni courantes ni indispensables, l'orgue à deux claviers de 1638 à la chapelle du collège Sainte-Madeleine à Oxford le montre bien : ses 13 rangs sont tous des octaves et constituent un simple chœur de Principaux à l'exception du Recorder, nom anglais de la Flauto in ottava (notre bourdon Français classique).
Cet orgue de Sainte-Madeleine est d'un intérêt particulier parce qu'il a été fait par Thomas Harris. Près d'un demi-siècle plus tard, le 17 juillet 1686, son petit-fils René s'est offert pour le reconstruire et a fait quelques commentaires intéressants au sujet des doublures. René était allé en France, avait appris à faire d'autres espèces de jeux et pensait que:
- quand deux unissons sont ensemble dans un orgue, comme deux principaux, deux 15e, etc., ils ne sont jamais bien d'accord et un seul jeu de chaque sorte est à peu près aussi intense que deux du même nom. C'est pourquoi, ni dans mon orgue du Temple ni dans ceux que j'ai fait pour le Roi, après les deux Diapasons ouvert et bouché, aucun autre jeu ne porte la même dénomination; aussi proposé-je de faire que vos 8 jeux soient les suivants:
one open diapason; one stopped diapason; one principal; one twelth; one fifteenth,. one tiers; one furniture of two or three ranks, according as there is room for it
(II ou III selon la place), (au lieu de II principaux, II octaves, II 15es, II 22es.)
Autrement dit, 36 ans après la Restauration de la Monarchie, l'orgue anglais avait cessé d'être à l'italienne.
(Note DGW: Rappelons que "l'orgue Italien" vient de Bourgogne et, par l'intermédiaire de Facteurs Italiens, du Val de Loire. Donc, "l'orgue Anglais" de style Italien peut très bien venir de France sous cette forme). - Voir "Ripieno" dans la suite "Une histoire du Plein-Jeu"

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- En ANGLETERRE après la Restauration

Cabinet - B. Smith - 17e s.Des tentatives pour renouveler le plan des orgues avaient déjà été faites antérieurement: Robert Dallam lui-même avait suggéré au Corps des Gouverneurs de New Collage à Oxford qu'un orgue de 16', à la française, avec deux claviers et 32 jeux conviendrait bien au service du choeur.
Le Grand-Orgue serait un orgue français complet, sans Cornet, mais avec Furnitor III ,goin throu in 8's (reprises d'octaves) et Simbale II throu in 5's (reprises de quinte en quarte).
La Chere Organe (Positif) serait un orgue de choeur anglais typique, sauf qu'il comporterait un antheme stop in vids (qu'il faut plutôt lire: Another stop in Vths), ce qui devait désigner une Sesquialtera (en sixte), très vraisemblablement un genre de Cornet sur pièce gravée, puisque ce nom figura justement dans la liste des registrations proposées. Cet orgue n'a pas été réalisé; Dallam semble avoir fait en 1663 un orgue plus conventionnel, d'une grande étendue (Fa 0 à Fa 5: 60 notes sans premier fa dièse) peut-être avec une hauteur d'accord de base archaïque, puisque René Harris en 1714 a dû le baisser de Gamut D sol ré en Gamut propre (de ré à ut : un ton).
Entre Dallam et Harris, c'est-à-dire de 1660 à1680 environ, Bernard Smith a eu une influence certaine, introduisant des éléments étrangers, d'une origine toute différente de ceux de Dallam ou Harris de formation française.
Mais dans ses orgues aussi les Positifs (Choir Organ) restent des claviers d'accompagnement doux du choeur (ces "Chair organs" ne se rencontrent que dans les églises qui ont une maîtrise ou dont les offices ont une réelle solennité) et en fait ils ne sont jamais devenus autre chose : le Choir organ de 1830 n'est pas tellement différent en principe de celui de 1630, sauf que ce dernier était plus proche d'un Positif indépendant.
L'essentiel de l'évolution porte sur les fonds du Grand-Orgue et les plans secondaires de type Echo ou Récit expressif.
Bien que les origines, le style, la carrière de Smith soient aujourd'hui encore assez mal connus, un aperçu peut être tiré de l'un de ses premiers (sinon la premier) orgues de Londres: celui de la chapelle royale de Whitehall, construit entre 1662 et 1672. Les 3 claviers ont une composition qui nous montre le type devenu normal pour un siècle et demi et qui, en tous cas, devait paraître très avancé au temps de sa construction:

G. O. : Principal, 2e Principal, Octave, 2e Octave, 12e, 15e, deuxième 15e, Sesquialtera III, Cornet III, Trompette.
Choir : Principal, Octave, 2e Octave, Voix humaine, Cromorne.
Echo (du Sol) : Principal, Octave, Cornet II, Trompette.

Le point le plus intéressant est que The Echo is placed immediately over the Keys -behind the Music Desk - and not as usual enclos'd in a box (l'Echo est placé immédiatement au-dessus des claviers derrière le pupitre et non comme d'habitude dans une boîte). C'était donc, non l'ancêtre du Récit, mais un Brustwerk à découvert. Si comme il est vraisemblable, le Cornet II (ce n'était probablement pas le nom donné par Smith) était une Sesquialtera 2'2/3, 1'3/5, le petit sommier n'aurait été en rien différent de bien des Brustwerks de la Frise contemporaine ou d'ailleurs. Dans ce cas également, il est possible que la Sesquialtera III du Grand-Orgue ne fût pas une Mixture à Tierce comme sur le continent, mais une Mixture de Plenum particulière comme la Mixtur of Mettle du même Smith au Grand-Orgue du Temple (1688). C'est certainement Smith qui a adopté la terminologie et les listes de jeux de Harris plutôt que l'inverse. L'orgue du Temple promis le 21 juin 1688 est un 3 claviers de type Harris:

Selon Hopkins, les deux principales mixtures de Smith étaient ainsi composées:


Sesquialtera :
ut 1 : 1'3/5, 1'1/3, 1'.
ut 3 : 2', 1'3/5, 1'1/3.
ut 4 : 2'2/3, 2', 1'3/5.
fa 4: 4', 2'2/3, 2'.

Mixture:
ut 1 : 1', 2/3', 1/2'.
ut 2: 1'1/3, 1'.
ut 3: 2'2/3, 2'.

 

 

 

Celles de l'école de Harris ont tout autant de reprises; Newcastle on Tyne:
Sesquialtera:
ut 1: 1', 2/3'.
la 3: 8', 4'.


Mixture:
ut 1: 4/5', 1/2', 1/3'.
ut 2: 1'3/5 (sic*), 4/5', 1/2'. (*) (J'ai corrigé le 1'3/5 en 1'1/3 dans le graphique)
ré 3: 2', 1'1/3, 4/5'.
ré 4: 2'2/3, 2', 1'3/5

(N'importe quoi! C'est une Mixture au sens culinaire du terme).

 

 

St. Peter Mancroft, Norwich:
Sesquialtera
ut 1:1'1/3, 1', 2/3'.
ut 2: 2'2/3, 2', 1'1/3.
ut 3: 4', 2'2/3, 2'.
ut 4: 8', 5'1/3, 4'.


Mixture
ut 1: 1/2', 1/3'.
ut 2: 1', 2/3'.
ut 3: 1'1/3, 1'.
ut 4: 2', 1'1/3.


Furniture
ut 1: 1', 2/3', 1/2'.
fa 1: 2', 1'1/3, 1'.
fa 2: 4', 2'2/3, 2'.
fa 3: 8', 4', 2'2/3.

Sesquialtera et Mixture forment une Fourniture V à reprises d'octave sur les ut; la résultante de 16' est retardée d'une octave par un saut de Cymbale ajouté en ut 3 (pas de Tierce). La dernière octave de la Mixture saute le rang 1'1/3. La Fourniture est réelle (française: III - 2'), avec ravalement à ut 1 à l'octave.

Salisbury - Snetzler 1710/1800Tout cela semble n'avoir ni rime ni raison. Le principe des reprises est en lui-même raisonnable, mais on ne trouve pas ici la logique sans bavures d'un Gottfried Silbermann dans la composition des rangs de ses mixtures. L'emploi erroné du nom de Sesquialtera pour des mixtures de cette espèce importe peu; il peut résulter de l'emploi ménager du mot Furniture en anglais pour désigner tout autre chose, mais Mixture comporte aussi divers sens.
On ne peut pas affirmer avec certitude que les Sesquialteras d'aussitôt après la Restauration avaient un rang de Tierce, bien que ce soit normalement le cas pour la période qui a suivi l'arrivée de Snetzler, et l'introduction de conceptions harmoniques apprises dans la zone du Haut-Danube. Les mixtures de Snetzler n'ont aucun des caractères qui font les bonnes mixtures de Plein-Jeu, ni les couleurs utilisables dans un Tutti. Pieds fermés, bouches basses avec une taille de Principal étroit, composition comme celle de Sainte-Marie de Nottingham:
Ut1: 2', 1'3/5, 1'1/3, 1'.
sol 2: 2'2/3, 2', 1'3/5, 1'1/3.
sol 3: 4', 2'2/3, 2', 1'3/5,
Tierce incorporée à une Cymbale III 2' ascendante (2 reprises seulement).
tout cela ne vaut pas grand-chose!
Ces Mixtures auraient été pratiquement inutilisables pour la musique d'orgue du XVIIe siècle, chez Blow ou Purcell et autres; elle exige une Sesquialtera, demi-jeu pour la main gauche, basses répondant au-dessus de Cornet. (DGW: Je suppose que l'auteur a voulu dire: "aiguës").
Il
semble donc bien que c'était la Tierce, soit isolée soit incorporée dans une mixture, qui constituait la principale innovation introduite pour transformer le type d'orgue d'avant la Restauration, de même qu'elle fut la première mutation ou le premier rang de mixture à disparaître dans l'orgue anglais classique du début du XIXe siècle. Contrairement à Harris, si l'orgue ne devait avoir qu'un rang de mutation, Smith semble avoir préféré poser un Larigot. Celui de Harris à Salisbury est une exception.

Harris a reconstruit plusieurs instruments d'après le modèle de celui de Magdalen College à Oxford et chaque fois ce sont les Mixtures et les Tierces qui font la différence. A la Cathédrale de Salisbury par exemple, il projette de rebâtir un orgue qui avait été antérieurement entre les mains de sa famille, en ajoutant un Larigot au Positif, et au G.O.:
Tiers, Cornett Stoppe of Five Ranks, Furniture of III ranks, Cymball of II ranks.
La Tierce a ceci de particulièrement intéressant qu'elle semble avoir commencé par être un Dessus appelé simplement halfe Stopp on the Treble, dans le Positif de Thomas Harris.
René la passe au G.O. en ajoutant 26 new pipes added to make it an intire Stopp caled a Tiers wich is a Stop of much variety (26 nouveaux tuyaux pour en faire un jeu entier dit Tierce, jeu fort divers). Cela suppose à l'origine un demi-jeu, sans nom, mais de Tierce, et qu'à l'opposé de Thomas, René a voulu la Tierce au G.O. et complète. La Variety qu'il vante, consistait évidemment dans les registrations classiques de Tierce qui n'ont pourtant jamais conquis le goût des organistes anglais. Il n'était pas question d'emploi dans un Grand-Jeu, puisqu'il n'y eut pas d'anches dans cet orgue de Salisbury construit avant 1710.

Un contemporain de Harris, le théoricien amateur et compositeur Roger North notait que les anches (peut-être celles à la française de Harris) avaient un grave inconvénient:
the basses will always snore, and that defect cannot be conquered, so that in Organs they are rather an incumbrance than useful (les basses ronfleront toujours et ce défaut ne peut être surmonté, Si bien que dans les orgues, elles sont plutôt encombrantes qu'utiles).
Ce dégoût doit avoir été partagé par bien des critiques d'orgue influents de ce temps.
Bien qu'actuellement on ne connaisse guère la contribution exacte de Smith à ce type d'orgue qui devait rester le même de 1680 à 1800, ni les origines précises du Plenum à Tierces de Harris, certains faits sont évidents. Le premier est que les Mixtures de Harris ont été rapidement acceptées comme règle: le first English Organ Treatise (premier traité sur l'orgue anglais) de James Talbot, compilation de la fin du XVIIe siècle, non seulement suit étroitement Mersenne pour son information théorique mais dépend de Harris pour la pratique. L'information de Talbot pour les Mixtures peut se résumer comme suit (et c'est notre première source à ce sujet):

Sesquialter: soit un demi-jeu de basses à III rangs ou un jeu complet de mixture V, dans les orgues de Harris (Mr Harris allows V).

Exemples à III:
2'2/3, 2', 1'3/5;
2', 1'3/5, 1'1/3;
1'3/5, 1'1/3, 1'.

Cornet: d'ordinaire V rangs, demi-jeu de dessus. Les corps des tuyaux sont wide to make the Sound bold, though all are not equally loud (de grosse taille pour que le son soit vigoureux mais tous ne sont pas également poussés); ceci vise le 3e et le 5e rang. Stop'd Diapason with a Tail (Flûte à cheminée), Open Principal 4' (Prestant), Open Twelfth (Nasard), Open fifteenth (Quarte), Small Open Tierce (Tierce).

Furniture: III à VII rangs
à V on peut avoir:
Ut 1 : 2', 1'3/5, 1'I/3, 1', 2/3'.
ut 3 : 2'2/3, 2',1'3/5, 1'1/3, 1'.

La Fourniture de Harris aurait:

2'2/3, 2', 1'1/3, 4/5', 2/3'.

et dans les orgues de 16' elle peut être de V, de IV dans ceux de 8', de III dans ceux de 4'.
Une Soft Furniture a: 2', 1'1/3, 1'. La Furniture peut reprendre sur tous les Fa.

Cymbal: Mixture de II ou III rangs, little used.
Dans les orgues de Harris les III peuvent être les rangs aigus de la Furniture:

1', 4/5', 2/3', ou 1'1/3, 4/5', 2/3'.

Cymbal à II: 1', 2/3' for two Octaves and then repeated to the top:
ut 1: 1', 2/3';
ut 3 : 2', 1'1/3;
ut 4 : 4', 2'2/3 (?).

En remarque générale Talbot ajoute:
Stops to follow are called Mixtures, as being a Composition of some Stops above-mentioned. This Composition is arbitrary, according to the Judgment of the Artist and his instructions to make the Instrument louder or softer, answerable to wich the number of Ranks in each Stop is more or less... I shall only premise that in these Stops... the 3rds and 5ths must not be so loud as the others. They are all of coarse Mettal. (Les jeux suivants sont appelés Mixtures, résultant de l'addition de plusieurs jeux déjà nommés. Cette addition est arbitraire, laissée au jugement de l'artiste et les instructions qu'il a reçu de faire un instrument plus ou moins fort, ce qui dépend du nombre plus ou moins grand des rangs dans chacun de ces jeux. Je poserai seulement ce principe que dans ces jeux le 3e et le 5e rang ne doivent pas être poussés comme les autres. Tous sont en étoffe).

Ces notations sont suivies de deux remarques intéressantes, deux questions que Talbot compte poser à ses amis facteurs, Harris ou Smith:

Which Mixtures (are) best, and where the Returns should begin? Whether Mixtures should be in Great or Chair Organ, and whether the Sound-Board (is to be made) distinct? (quelles sont les meilleures Mixtures et où doivent commencer les reprises? Les Mixtures sont-elles à placer au G.O. ou au Positif et sur un sommier distinct?)
Cette deuxième question doit se rapporter aux Cornets sur pièce gravée, mais l'important est qu'il ne soit pas sûr que les Mixtures aient place aux deux claviers. Puisque le rôle originel des Mixtures était l'intensité et la portée sonore, l'organiste anglais se trouvait forcé dans une certaine mesure d'être contre les Mixtures en principe s'il avait besoin d'une sonorité modeste, douce. C'est pourquoi un orgue de salon d'une dimension tout à fait convenable comme le deux claviers, 10 jeux de Great Packington (vers 1735/50) ne comporte pas de Mixture:
G.O. Principal, 2e Principal, Octave, 2e Octave, 12e, 15e, 17e (Tierce).
Positif: Principal, Octave, 15e.

Excepté la Tierce, cela ne fait pas un orgue bien différent de ceux du siècle précédent, mais il contient autant de jeux de fonds qu'un facteur d'Allemagne du Sud de ce temps en aurait mis dans un orgue au moins moitié plus gros.
Haendel qui décrit cet orgue ou son semblable refuse les jeux d'anches parce qu'on ne peut les maintenir bien d'accord dans des propriétés à la campagne; mais c'est l'absence de mixtures, des jeux pourtant relativement peu coûteux, qui distingue Great Packington et ses contemporains des orgues du Continent.

Les Mixtures étaient inconnues sur les demi-claviers d'Echo ou de Récit, à l'exception des Cornets ordinairement III; mais les classical builders de la fin du XVIIIe siècle (Avery, England, Russel) mettent parfois une Mixture aiguë au Positif.
En 1840, les influences étrangères étaient si fortes, les organistes avaient tant voyagé, les facteurs étaient si volontiers dans le vent, avec la résurrection de Bach et les théories propagées par Seidel et consorts, qu'il serait difficile de découvrir une national policy, un type national de conception du Plenum.
L'originalité, les goûts personnels étaient plutôt dirigés du côté des anches en particulier, de la Pédale en général. La controverse pour ou contre des Mixtures convenables avec ou sans Tierce était close depuis plus d'un siècle.
C'est certainement en partie la faute aux lamentables mixtures à Tierce de Snetzler et ses imitateurs ou épigones, si on a cessé peu à peu de s'intéresser à l'orgue ancien. L'attitude éclairée de Henri Leffler semble avoir été rare : vers 1800 il pensait améliorer sa Mixture à Tierce en passant de:
ut 1: 1', 4/5';
sol 2: 1'3/5, 1';
Ut 4: 2', 1'3/5,

A:
ut 1: 2/3', 1/2';
ut 2: 2', 1'1/3;
ut 3: 2'2/3, 2';
ut 4: 4', 2' (sic).

Bien des organistes auraient simplement bradé la vieille mixture comme celui de St. George (Hanover Square) qui, selon Leffler a ramené en 1802 ce jeu à un Principal I - 4', the rest taken out by desire of the organist.

Entre autres choses l'organiste anglais avait constamment à défendre son instrument contre les attaques des gens d'église, des puritains, des marguilliers chiches et tutti quanti. Il est difficile de cerner précisément pourquoi l'orgue anglais est resté petit et comme nain jusqu'au XIXe siècle, mais le puritanisme y doit avoir au moins une grande part : en 1800 le rejet des Cornets, par exemple n'a pas été dû à l'idée qu'il valait mieux les remplacer par d'autres jeux solistes à grande portée, ou à ce que les organistes étaient las de leur timbre, ou que les bons exemplaires ne couraient pas les rues, ou qu'ils étaient difficiles à harmoniser et que la pièce gravée était peu commode à faire ou à conserver, non, l'objection a été, selon le mot de Francis Linley, que le Cornet était: of too light and trivial a nature to suit the solemnity of public worship (d'une nature trop légère et triviale pour convenir à la solennité d'un culte public)!

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