De l'Orgue Anglais
Un
article de Peter Williams dans: "Renaissance de l'Orgue"
N° 7 & 8
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En
Angleterre comme ailleurs, l'histoire des mixtures, de leur composition,
de l'attitude à leur égard des facteurs, des organistes
et des auditeurs est celle de l'orgue même. Les changements importants
qui ont affecté l'orgue anglais en 1670 et 1800 par exemple concernent
profondément ces jeux, bien qu'il n'y ait pas eu en Angleterre
de changement soudain et total comme dans d'autres pays. En face de ce
qui se passait en Allemagne peu après 1830, l'indignation du périodique
The musical World de 1836 (p. 215,) contre le nouvel orgue de Hill
à la Cathédrale d'York, considéré comme
ayant reçu des Mixtures aberrantes, est un exemple lumineux
et classique:
"Imagine, therefore,
the effect of such a proceeding! Instead of adding to the brilliancy of
the chorus organ, by putting in three or four many-ranked Cornets, Sesquialteras
and Mixtures, by subtracting the Twelfths the tone must necessarily heaume
muddy and thin - all top and bottom, no medium..."
Imaginez
un peu l'effet d'une telle manière de faire! Au lieu d'ajouter
à la brillance de l'orgue, l'addition de 3 ou 4 Cornets, Sesquialteras
et Mixtures composés et la suppression des 12e rendent la sonorité
forcément pâteuse et maigre. Tout en tête et en queue,
pas de médium !*...
Pourtant en Angleterre, l'orgue est et a toujours été l'objet
de l'attention plutôt des amateurs et il ne fait pas de doute que
ce sont les amateurs avec leurs connaissances scientifiques confuses -
beaucoup de célébrités scientifiques anglaises de
1660 à 1860 ont été des amateurs et des défenseurs
actifs de l'orgue - qui ont contribué à maintenir pendant
des siècles l'orgue anglais à son lamentable niveau de Plenum
sans pédale.
Les Mixtures ont fait tardivement leur apparition en Angleterre, n'y sont
jamais devenues surabondantes et ont toujours dû justifier leur
présence devant chaque génération de facteurs.
Il est difficile d'imaginer ailleurs qu'en Angleterre un prêtre
cultivé écrivant:
"Les Fournitures et les Cymbales ont comme les Sesquialteras, la
détestable particularité que leurs tuyaux reviennent au
point de départ à chaque octave".
(Furniture and Cymbal are like the Sequialtera, with this odious circumstance,
that their pipes return over again the same in each octave...)
ou dans une ville d'Europe
autre que Londres un écrivain-organiste-compositeur s'écriant
que les jeux de Mutations ne sont posés "par les facteurs
que pour faire à peu de frais une série de jeux à
tirer (qui) ne font qu'encombrer l'orgue".
(put in by Organ-Builders, merely to make a show of stops to draw,
at a small expence (since) they only encumber an organ...)
Pour ce qui est des influences
françaises introduites en facture par l'émigré tardif
René Harris, le même prêtre pensait que les
clients puérils (d'Harris) n'aimaient rien tant que beaucoup de
bruit même s'il est vulgaire. Ce grand bruit vulgaire était
probablement la sonorité d'un véritable Plein-Jeu. Le goût
anglais a longtemps été porté vers tout autre chose.
Une période vraiment
longue de l'histoire de l'orgue anglais reste hypothétique. Les
exemples d'orgues antérieurs à 1800 sont exceptionnellement
rares, sans liaison avec des textes d'information et peu représentatifs
par leur dimension et leur puissance sonore. La meilleure histoire est
encore celle de Hopkins & Rimbault (1855 etc.) et nous n'avons
pas encore une couverture de documents analogue à celle donnée
par Vente pour les types d'orgues néerlandais ou par Dufourcq
pour les français.
A propos par exemple du premier marché détaillé connu
(1519 - All Hallows) des problèmes restent en suspens et
en dépit de la réputation prodiguée à leurs
orgues, les travaux de Harris ou de Smith dans l'Angleterre
d'après la Restauration (1670-1710, pas la notre, la leur!) sont
encore fort mal compris. Quelques points cependant émergent peu
à peu et les quelques analyses de mixtures et d'autres jeux trouvées
dans les bons auteurs, dignes de confiance commencent à s'organiser
en une vue générale.
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-
L'Orgue Anglais avant l'exil de Robert Dallam.
Personne ne sait à
quoi ressemblait l'orgue anglais au XVe siècle, ni non plus s'il
prenait pour modèle ou pour inspiration l'orgue flamand ou italien.
Les autres arts comparables de ce temps suggèrent que l'un et l'autre
étaient possibles.
L'orgue de la fin du Xe siècle à Winchester était
sans doute aucun un Blockwerk dont le but comme tel était
la portée sonore; le fameux poème contemporain atteste sa
puissance, bien qu'à d'autres égards la description ne nous
dise en réalité rien de plus que ne fait Pretorius
au sujet des plus anciens orgues d'Erfurt, de Magdebourg
ou même de Halberstadt.
On connaît l'existence
de beaucoup de petits instruments du XVe siècle; ils devaient être
de ces Positifs qu'on peut dire à juste titre de type international
et dans des cas d'espèce il est parfois certain que l'orgue a été
importé:
ainsi l'orgue flamand de Louth (v. 1500). Dans le fameux marché
d'All Hallows de 1519, le terme de Principal est pris dans
un sens particulier: c'est soit le sens brabançon (Blockwerk ou
Plenum fait de la Montre, son octave, sa fourniture) soit le sens italien
(Ripieno à rangs complètement ou presque complètement
séparables):
... and the pryncipale to conteyn the length of V foote so following
with Bassys called Diapason to the same, conteyning length of X foot or
more; and to be dowble pryncipalls throweout the said instrument... with
as fewe stops as may be convenient.
Double Principal doit signifier
plus que les seuls deux jeux de 4' et désigner certainement l'ensemble
des fonds; les Basses appelées Diapason de même signifient-elles
un rang complet de 8' ajouté à un Blockwerk de 4', comme
on l'a proposé récemment ou une série de Trompes
comme je le pense pour ma* part? On ne le saura vraisemblablement jamais
avec certitude. Quelqu'un expliquera bien un jour pourquoi les Anglais
ont, de génération en génération, utilisé
le terme grec ou quasi grec de dia - pason (à travers
tout - et on entend - toute une octave) pour désigner
un rang de 8' de tuyaux ouverts; un tel glissement de sens a été
chose faite au XVIIIe siècle, mais il faut bien qu'il ait pris
naissance quelque part.
* Peter Williams.
Des doutes analogues peuvent
être mis en avant à propos d'un autre terme spécifiquement
anglais: stops (jeux). Il semble absurde d'utiliser un mot qui
exprime dans tous ses autres emplois des idées de fermeture, d'empêchement,
d'arrêt, pour dire dans l'orgue, l'ouverture, l'admission du vent,
le début d'un son.
Si on se fonde sur son emploi dans d'autres instruments, le mot Stop
se rapporte plus exactement aux trous ou aux rangées
de trous du sommier, plutôt qu'au tirant articulé
qui fait fonctionner les glissières-registres (quand il
y en a).
(Stop peut signifier un mécanisme empêchant
le vent d'alimenter un ou plusieurs rangs auparavant inséparables
d'un Blockwerk ("Sperrventil", qui signifie lui même "barrage
de vent") mais il n'y a pas de preuve formelle pour soutenir cette
hypothèse).
En tout cas l'orgue de 1526 à 7 stops, construit à
Coventry, ne peut avoir - Principal, Octave 12e, 15e, 19e, 22e,
Recorder - que si stops est pris dans son sens moderne (ne parlons
pas ici de cette présence de Quintes jusqu'ici non authentiquement
prouvée en Angleterre).
Mais ce sont peut-être des embarras pour rien, puisque les inventaires
de Henri VIII emploient le terme stops pour des orgues ou
des régales où il doit s'agir également du sens moderne.
La
question de l'existence ou non de rangs de Quinte reste douteuse;
la seule autre composition d'un orgue anglais du XVIe siècle est
celle de l'orgue envoyé par la reine Elisabeth en 1559 (1599?)
au Grand Turc. Bien que conçu pour scandaliser les autres peuples
et en particulier les Allemands, il avait une liste de jeux difficilement
capable de scandaliser personne: Principal ouvert (4'?), Unisson Recorder
(4'?); Octave du Principal (2'?), Flûte (2'?).
Il peut avoir eu deux
tuyaux de trompette pour faire jouer les statues ainsi qu'un Tremblant,
un Tambour et un Rossignol contribuant à l'aspect
d'automate de la machine. Le constructeur était Thomas Dallam,
membre d'une importante famille de facteurs, parfaitement familiarisé
avec les orgues de son temps, tels qu'ils existaient avant que les iconoclastes
s'y furent intéressés.
Le même Dallam a fait un orgue à deux claviers pour
la Cathédrale de Worcester en 1613, le premier orgue anglais
à deux claviers dont on connaisse la composition et le premier
avec une Quinte 2' 2/3.
- avec un autre orgue de Dallam pour la chapelle du collège
d'Eton, (1613):
G.O. : II Principaux 8', II Octaves, 12e, II 15e,
Recorder (bouché).
Choir O.: Principal (bois, bouché ?), Octave, 15e,
22e, Flûte (bois).
La doublure est sûre
: two open diapasons of metall, ce n'est plus à cette époque
la formule ancienne: Principal ouvert + Diapason bouché.
Cette doublure certaine peut résulter de l'emplacement de l'orgue:
beaucoup d'orgues anglais de cette période
ancienne étaient placés sur le jubé séparant
la nef du chur et avaient ainsi deux façades, d'où
deux séries de Montres, celle vers l'ouest probablement
postée; cela résulte peut-être aussi d'influences
italiennes comme les termes eux-mêmes de 12', 19e, 22e. Le jeu à
deux claviers devenait la passion des meilleurs organistes et compositeurs
anglais et il y aurait beaucoup à dire au sujet des Doubles
Voluntaries de cette période.
Les orgues de salon aussi connaissent le 2e clavier le plus souvent comme
petit Positif de poitrine dans le grand buffet plutôt que comme
Positif dorsal.
Ces orgues comme celui de Chirk Castle (1631) ou d'Adlington
Hall (v. 1650) avaient un minuscule sommier secondaire qui ne permettait
guère plus qu'un accompagnement doux, mais le second clavier était
indispensable. Contrairement à l'orgue de Chirk, celui d'Adlington
a quelques mutations (pas de Mixture) au G.O.:
- II principaux, Octave, 12e, 15e, 17e,
19e, 22e, Voix humaine, Trompette.
Cela
reflète une influence étrangère croissante sinon
un état résultant d'une réfection postérieure
à 1670.
Cette absence de Mixtures
et de Mutations est voulue. Il est évident par la composition
de Robert Dallam à Lesneven en 1654 qu'avec de la
chance - et c'en était une d'émigrer en France - un facteur
anglais traditionnel pouvait construire aussi des Cornets, Nasards,
Tierces, Larigots, Fournitures et Cymbales
aussi bien que de faire une soigneuse différence entre une Doublette
et une quarte de Nasard.
La question était de
savoir à quoi devaient servir les orgues.
S'ils étaient petits comme celui que fit William Tresorer
pour la reine Mary vers 1555 ils n'avaient d'autre but que de répandre
le son des Flûtes et des Recorders (Bourdons)
alors que Tresorer même, inscrit comme fabricant de Régales
aurait parfaitement pu ajouter des rangs de ce genre s'il avait voulu.
Dans les grandes églises comme partout en Europe, il y avait plusieurs
orgues, même après la crise iconoclaste, et ces orgues avaient
des rôles différents. Un procès-verbal de 1672 se
rapportant aux anciens instruments de la cathédrale de Durham
indique que l'un d'eux servait aux usages courants (probablement un orgue
mobile), un second suspendu au mur Nord du chur était une
paire d'orgues bien grands appelés the Cryers, un troisième
construit sur le jubé au-dessus de la porte du chur avait
tous ses tuyaux faits du meilleur bois.
Nous avons donc là deux grands-orgues fixes de composition et d'usage
différents: le plus grand pour les fêtes où chantent
les chanoines, et si Cryers a un sens il était assez strident
(peut-être encore un Blockwerk); le petit un organo de
legno pour accompagner les choristes, placé près d'eux
et d'un son plus discret. Les mots même organo de legno permettent
de rattacher ces orgues et leur usage à ceux des églises
de l'Italie du Nord, et les rares orgues italiens à deux claviers
du milieu du XVIIe siècle ont plus d'un point commun avec la composition
de celui de Dallam pour la cathédrale de Worcester
décrit plus haut. Ils étaient utilisés avec les mêmes
intentions et avaient donc le même contenu.
Les Douzièmes ont été d'abord, comme il fallait
s'y attendre, les seuls fréquents des rangs harmoniques impairs
qu'on rencontra dans les orgues de Robert Dallam ou Loosemore
aux environs de 1650.
Qu'elles n'aient été
ni courantes ni indispensables, l'orgue à deux claviers de 1638
à la chapelle du collège Sainte-Madeleine à Oxford
le montre bien : ses 13 rangs sont tous des octaves et constituent un
simple chur de Principaux à l'exception du Recorder,
nom anglais de la Flauto in ottava (notre bourdon Français
classique).
Cet orgue de Sainte-Madeleine
est d'un intérêt particulier parce qu'il a été
fait par Thomas Harris. Près d'un demi-siècle plus
tard, le 17 juillet 1686, son petit-fils René s'est offert
pour le reconstruire et a fait quelques commentaires intéressants
au sujet des doublures. René était allé en France,
avait appris à faire d'autres espèces de jeux et pensait
que:
- quand deux unissons sont ensemble dans un orgue, comme deux principaux,
deux 15e, etc., ils ne sont jamais bien d'accord et un seul jeu de chaque
sorte est à peu près aussi intense que deux du même
nom. C'est pourquoi, ni dans mon orgue du Temple ni dans ceux que j'ai
fait pour le Roi, après les deux Diapasons ouvert et bouché,
aucun autre jeu ne porte la même dénomination; aussi proposé-je
de faire que vos 8 jeux soient les suivants:
one open diapason; one stopped diapason; one principal; one twelth; one
fifteenth,. one tiers; one furniture of two or three ranks, according
as there is room for it (II ou III selon la place), (au lieu de
II principaux, II octaves, II 15es, II 22es.)
Autrement dit, 36 ans après la Restauration de la Monarchie, l'orgue
anglais avait cessé d'être à l'italienne.
(Note DGW: Rappelons que "l'orgue Italien" vient
de Bourgogne et, par l'intermédiaire de Facteurs Italiens, du Val
de Loire. Donc, "l'orgue Anglais" de style Italien peut très
bien venir de France sous cette forme).
- Voir "Ripieno" dans la suite "Une histoire du Plein-Jeu"
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En ANGLETERRE après la Restauration
Des
tentatives pour renouveler le plan des orgues avaient déjà
été faites antérieurement: Robert Dallam lui-même
avait suggéré au Corps des Gouverneurs de New Collage à
Oxford qu'un orgue de 16', à la française, avec deux
claviers et 32 jeux conviendrait bien au service du choeur.
Le Grand-Orgue serait un orgue français complet, sans Cornet, mais
avec Furnitor III ,goin throu in 8's (reprises d'octaves) et Simbale
II throu in 5's (reprises de quinte en quarte).
La Chere Organe (Positif) serait un orgue de choeur anglais typique,
sauf qu'il comporterait un antheme stop in vids (qu'il faut plutôt
lire: Another stop in Vths), ce qui devait désigner une
Sesquialtera (en sixte), très vraisemblablement un genre
de Cornet sur pièce gravée, puisque ce nom figura
justement dans la liste des registrations proposées. Cet orgue
n'a pas été réalisé; Dallam semble
avoir fait en 1663 un orgue plus conventionnel, d'une grande étendue
(Fa 0 à Fa 5: 60 notes sans premier fa dièse) peut-être
avec une hauteur d'accord de base archaïque, puisque René
Harris en 1714 a dû le baisser de Gamut D sol ré
en Gamut propre (de ré à ut : un ton).
Entre Dallam et Harris, c'est-à-dire de 1660 à1680 environ,
Bernard Smith a eu une influence certaine, introduisant des éléments
étrangers, d'une origine toute différente de ceux de Dallam
ou Harris de formation française.
Mais dans ses orgues aussi les Positifs (Choir Organ) restent des claviers
d'accompagnement doux du choeur (ces "Chair organs" ne
se rencontrent que dans les églises qui ont une maîtrise
ou dont les offices ont une réelle solennité) et en fait
ils ne sont jamais devenus autre chose : le Choir organ de 1830
n'est pas tellement différent en principe de celui de 1630, sauf
que ce dernier était plus proche d'un Positif indépendant.
L'essentiel de l'évolution porte sur les fonds du Grand-Orgue et
les plans secondaires de type Echo ou Récit expressif.
Bien que les origines, le style, la carrière de Smith soient
aujourd'hui encore assez mal connus, un aperçu peut être
tiré de l'un de ses premiers (sinon la premier) orgues de Londres:
celui de la chapelle royale de Whitehall, construit entre 1662
et 1672. Les 3 claviers ont une composition qui nous montre le type devenu
normal pour un siècle et demi et qui, en tous cas, devait paraître
très avancé au temps de sa construction:
G. O. : Principal, 2e Principal,
Octave, 2e Octave, 12e, 15e, deuxième 15e, Sesquialtera III, Cornet
III, Trompette.
Choir : Principal, Octave, 2e Octave, Voix humaine, Cromorne.
Echo (du Sol) : Principal, Octave, Cornet II, Trompette.
Le point le plus intéressant
est que The Echo is placed immediately over the Keys -behind the Music
Desk - and not as usual enclos'd in a box (l'Echo est placé
immédiatement au-dessus des claviers derrière le pupitre
et non comme d'habitude dans une boîte). C'était donc, non
l'ancêtre du Récit, mais un Brustwerk à découvert.
Si comme il est vraisemblable, le Cornet II (ce n'était probablement
pas le nom donné par Smith) était une Sesquialtera 2'2/3,
1'3/5, le petit sommier n'aurait été en rien différent
de bien des Brustwerks de la Frise contemporaine ou d'ailleurs.
Dans ce cas également, il est possible que la Sesquialtera III
du Grand-Orgue ne fût pas une Mixture à Tierce comme sur
le continent, mais une Mixture de Plenum particulière comme la
Mixtur of Mettle du même Smith au Grand-Orgue du Temple (1688).
C'est certainement Smith qui a adopté la terminologie et
les listes de jeux de Harris plutôt que l'inverse. L'orgue
du Temple promis le 21 juin 1688 est un 3 claviers de type Harris:
Selon
Hopkins, les deux principales mixtures de Smith étaient
ainsi composées:
Sesquialtera :
ut 1 : 1'3/5, 1'1/3, 1'.
ut 3 : 2', 1'3/5, 1'1/3.
ut 4 : 2'2/3, 2', 1'3/5.
fa 4: 4', 2'2/3, 2'.
Mixture:
ut 1 : 1', 2/3', 1/2'.
ut 2: 1'1/3, 1'.
ut 3: 2'2/3, 2'.

Celles de l'école de
Harris ont tout autant de reprises; Newcastle on Tyne:
Sesquialtera:
ut 1: 1', 2/3'.
la 3: 8', 4'.
Mixture:
ut 1: 4/5', 1/2', 1/3'.
ut 2: 1'3/5 (sic*), 4/5', 1/2'. (*) (J'ai corrigé
le 1'3/5 en 1'1/3 dans le graphique)
ré 3: 2', 1'1/3, 4/5'.
ré 4: 2'2/3, 2', 1'3/5
(N'importe quoi! C'est une Mixture au sens culinaire du
terme).
St.
Peter Mancroft, Norwich:
Sesquialtera
ut 1:1'1/3, 1', 2/3'.
ut 2: 2'2/3, 2', 1'1/3.
ut 3: 4', 2'2/3, 2'.
ut 4: 8', 5'1/3, 4'.
Mixture
ut 1: 1/2', 1/3'.
ut 2: 1', 2/3'.
ut 3: 1'1/3, 1'.
ut 4: 2', 1'1/3.
Furniture
ut 1: 1', 2/3', 1/2'.
fa 1: 2', 1'1/3, 1'.
fa 2: 4', 2'2/3, 2'.
fa 3: 8', 4', 2'2/3.
Sesquialtera et Mixture forment
une Fourniture V à reprises d'octave sur les ut; la résultante
de 16' est retardée d'une octave par un saut de Cymbale ajouté
en ut 3 (pas de Tierce). La dernière octave de la Mixture saute
le rang 1'1/3. La Fourniture est réelle (française: III
- 2'), avec ravalement à ut 1 à l'octave.
Tout
cela semble n'avoir ni rime ni raison. Le principe des reprises est en
lui-même raisonnable, mais on ne trouve pas ici la logique sans
bavures d'un Gottfried Silbermann dans la composition des rangs
de ses mixtures. L'emploi erroné du nom de Sesquialtera
pour des mixtures de cette espèce importe peu; il peut résulter
de l'emploi ménager du mot Furniture en anglais pour désigner
tout autre chose, mais Mixture comporte aussi divers sens.
On ne peut pas affirmer avec certitude que les Sesquialteras d'aussitôt
après la Restauration avaient un rang de Tierce, bien que ce soit
normalement le cas pour la période qui a suivi l'arrivée
de Snetzler, et l'introduction de conceptions harmoniques apprises
dans la zone du Haut-Danube. Les mixtures de Snetzler n'ont aucun des
caractères qui font les bonnes mixtures de Plein-Jeu, ni les couleurs
utilisables dans un Tutti. Pieds fermés, bouches basses avec une
taille de Principal étroit, composition comme celle de Sainte-Marie
de Nottingham:
Ut1:
2', 1'3/5, 1'1/3, 1'.
sol 2: 2'2/3, 2', 1'3/5, 1'1/3.
sol 3: 4', 2'2/3, 2', 1'3/5,
Tierce incorporée à une Cymbale III 2' ascendante (2 reprises
seulement).
tout cela ne vaut pas grand-chose!
Ces Mixtures auraient été pratiquement inutilisables pour
la musique d'orgue du XVIIe siècle, chez Blow ou Purcell
et autres; elle exige une Sesquialtera, demi-jeu pour la main gauche,
basses répondant au-dessus de Cornet. (DGW: Je suppose que l'auteur
a voulu dire: "aiguës").
Il semble donc bien que
c'était la Tierce, soit isolée soit incorporée
dans une mixture, qui constituait la principale innovation introduite
pour transformer le type d'orgue d'avant la Restauration, de même
qu'elle fut la première mutation ou le premier rang de mixture
à disparaître dans l'orgue anglais classique du début
du XIXe siècle. Contrairement à Harris, si l'orgue
ne devait avoir qu'un rang de mutation, Smith semble avoir préféré
poser un Larigot. Celui de Harris à Salisbury est
une exception.
Harris a reconstruit
plusieurs instruments d'après le modèle de celui de Magdalen
College à Oxford et chaque fois ce sont les Mixtures
et les Tierces qui font la différence. A la Cathédrale
de Salisbury par exemple, il projette de rebâtir un orgue
qui avait été antérieurement entre les mains de sa
famille, en ajoutant un Larigot au Positif, et au G.O.:
Tiers, Cornett Stoppe of Five Ranks, Furniture of III ranks, Cymball
of II ranks.
La Tierce a ceci de particulièrement intéressant
qu'elle semble avoir commencé par être un Dessus appelé
simplement halfe Stopp on the Treble, dans le Positif de Thomas
Harris.
René la passe au G.O. en ajoutant 26 new pipes added
to make it an intire Stopp caled a Tiers wich is a Stop of much variety
(26 nouveaux tuyaux pour en faire un jeu entier dit Tierce, jeu fort divers).
Cela suppose à l'origine un demi-jeu, sans nom, mais de Tierce,
et qu'à l'opposé de Thomas, René a voulu la Tierce
au G.O. et complète. La Variety qu'il vante, consistait
évidemment dans les registrations classiques de Tierce qui n'ont
pourtant jamais conquis le goût des organistes anglais. Il n'était
pas question d'emploi dans un Grand-Jeu, puisqu'il n'y eut pas d'anches
dans cet orgue de Salisbury construit avant 1710.
Un contemporain de Harris,
le théoricien amateur et compositeur Roger North notait
que les anches (peut-être celles à la française de
Harris) avaient un grave inconvénient:
the basses will always snore, and that defect cannot be conquered,
so that in Organs they are rather an incumbrance than useful (les
basses ronfleront toujours et ce défaut ne peut être surmonté,
Si bien que dans les orgues, elles sont plutôt encombrantes qu'utiles).
Ce dégoût doit avoir été partagé par
bien des critiques d'orgue influents de ce temps.
Bien qu'actuellement on ne connaisse guère la contribution exacte
de Smith à ce type d'orgue qui devait rester le même
de 1680 à 1800, ni les origines précises du Plenum à
Tierces de Harris, certains faits sont évidents. Le
premier est que les Mixtures de Harris ont été rapidement
acceptées comme règle: le first English Organ Treatise
(premier traité sur l'orgue anglais) de James Talbot, compilation
de la fin du XVIIe siècle, non seulement suit étroitement
Mersenne pour son information théorique mais dépend
de Harris pour la pratique. L'information de Talbot pour
les Mixtures peut se résumer comme suit (et c'est notre première
source à ce sujet):
Sesquialter: soit un
demi-jeu de basses à III rangs ou un jeu complet de mixture V,
dans les orgues de Harris (Mr Harris allows V).
Exemples à III:
2'2/3, 2', 1'3/5;
2', 1'3/5, 1'1/3;
1'3/5, 1'1/3, 1'.
Cornet: d'ordinaire
V rangs, demi-jeu de dessus. Les corps des tuyaux sont wide to make
the Sound bold, though all are not equally loud (de grosse taille
pour que le son soit vigoureux mais tous ne sont pas également
poussés); ceci vise le 3e et le 5e rang. Stop'd Diapason with
a Tail (Flûte à cheminée), Open Principal 4'
(Prestant), Open Twelfth (Nasard), Open fifteenth (Quarte),
Small Open Tierce (Tierce).
Furniture: III à
VII rangs
à V on peut avoir:
Ut 1 : 2', 1'3/5, 1'I/3, 1', 2/3'.
ut 3 : 2'2/3, 2',1'3/5, 1'1/3, 1'.
La Fourniture de Harris aurait:
2'2/3, 2', 1'1/3, 4/5', 2/3'.
et dans les orgues de 16' elle
peut être de V, de IV dans ceux de 8', de III dans ceux de 4'.
Une Soft Furniture a: 2', 1'1/3, 1'. La Furniture peut reprendre
sur tous les Fa.
Cymbal: Mixture de II
ou III rangs, little used.
Dans les orgues de Harris les III peuvent être les rangs aigus de
la Furniture:
1', 4/5', 2/3', ou 1'1/3, 4/5',
2/3'.
Cymbal à II: 1', 2/3' for two Octaves and then repeated to the
top:
ut 1: 1', 2/3';
ut 3 : 2', 1'1/3;
ut 4 : 4', 2'2/3 (?).
En remarque générale Talbot ajoute:
Stops to follow are called Mixtures, as being a Composition of some
Stops above-mentioned. This Composition is arbitrary, according to the
Judgment of the Artist and his instructions to make the Instrument louder
or softer, answerable to wich the number of Ranks in each Stop is more
or less... I shall only premise that in these Stops... the 3rds and 5ths
must not be so loud as the others. They are all of coarse Mettal.
(Les jeux suivants sont appelés Mixtures, résultant de l'addition
de plusieurs jeux déjà nommés. Cette addition est
arbitraire, laissée au jugement de l'artiste et les instructions
qu'il a reçu de faire un instrument plus ou moins fort, ce qui
dépend du nombre plus ou moins grand des rangs dans chacun de ces
jeux. Je poserai seulement ce principe que dans ces jeux le 3e et le 5e
rang ne doivent pas être poussés comme les autres. Tous sont
en étoffe).
Ces notations sont suivies
de deux remarques intéressantes, deux questions que Talbot compte
poser à ses amis facteurs, Harris ou Smith:
Which Mixtures (are) best,
and where the Returns should begin? Whether Mixtures should be in Great
or Chair Organ, and whether the Sound-Board (is to be made) distinct?
(quelles sont les meilleures Mixtures et où doivent commencer les
reprises? Les Mixtures sont-elles à placer au G.O. ou au Positif
et sur un sommier distinct?)
Cette deuxième question doit se rapporter aux Cornets sur
pièce gravée, mais l'important est qu'il ne soit pas sûr
que les Mixtures aient place aux deux claviers. Puisque le rôle
originel des Mixtures était l'intensité et la portée
sonore, l'organiste anglais se trouvait forcé dans une certaine
mesure d'être contre les Mixtures en principe s'il avait besoin
d'une sonorité modeste, douce. C'est pourquoi un orgue de salon
d'une dimension tout à fait convenable comme le deux claviers,
10 jeux de Great Packington (vers 1735/50) ne comporte pas de Mixture:
G.O. Principal, 2e Principal, Octave, 2e Octave, 12e, 15e, 17e
(Tierce).
Positif: Principal, Octave, 15e.
Excepté la Tierce,
cela ne fait pas un orgue bien différent de ceux du siècle
précédent, mais il contient autant de jeux de fonds qu'un
facteur d'Allemagne du Sud de ce temps en aurait mis dans un orgue au
moins moitié plus gros.
Haendel qui décrit cet orgue ou son semblable refuse les
jeux d'anches parce qu'on ne peut les maintenir bien d'accord dans des
propriétés à la campagne; mais c'est l'absence de
mixtures, des jeux pourtant relativement peu coûteux, qui distingue
Great Packington et ses contemporains des orgues du Continent.
Les Mixtures étaient inconnues sur les demi-claviers d'Echo
ou de Récit, à l'exception des Cornets ordinairement
III; mais les classical builders de la fin du XVIIIe siècle
(Avery, England, Russel) mettent parfois une Mixture
aiguë au Positif.
En 1840, les influences étrangères étaient si fortes,
les organistes avaient tant voyagé, les facteurs étaient
si volontiers dans le vent, avec la résurrection de Bach
et les théories propagées par Seidel et consorts,
qu'il serait difficile de découvrir une national policy,
un type national de conception du Plenum.
L'originalité, les goûts personnels étaient plutôt
dirigés du côté des anches en particulier, de la Pédale
en général. La controverse pour ou contre des Mixtures convenables
avec ou sans Tierce était close depuis plus d'un siècle.
C'est certainement en partie la faute aux lamentables mixtures à
Tierce de Snetzler et ses imitateurs ou épigones, si
on a cessé peu à peu de s'intéresser à l'orgue
ancien. L'attitude éclairée de Henri Leffler semble
avoir été rare : vers 1800 il pensait améliorer sa
Mixture à Tierce en passant de:
ut 1: 1', 4/5';
sol 2: 1'3/5, 1';
Ut 4: 2', 1'3/5,
A:
ut 1: 2/3', 1/2';
ut 2: 2', 1'1/3;
ut 3: 2'2/3, 2';
ut 4: 4', 2' (sic).
Bien des organistes auraient simplement bradé la vieille mixture
comme celui de St. George (Hanover Square) qui, selon Leffler
a ramené en 1802 ce jeu à un Principal I - 4', the rest
taken out by desire of the organist.
Entre autres choses l'organiste
anglais avait constamment à défendre son instrument contre
les attaques des gens d'église, des puritains, des marguilliers
chiches et tutti quanti. Il est difficile de cerner précisément
pourquoi l'orgue anglais est resté petit et comme nain jusqu'au
XIXe siècle, mais le puritanisme y doit avoir au moins une grande
part : en 1800 le rejet des Cornets, par exemple n'a pas été
dû à l'idée qu'il valait mieux les remplacer par d'autres
jeux solistes à grande portée, ou à ce que les organistes
étaient las de leur timbre, ou que les bons exemplaires ne couraient
pas les rues, ou qu'ils étaient difficiles à harmoniser
et que la pièce gravée était peu commode à
faire ou à conserver, non, l'objection a été, selon
le mot de Francis Linley, que le Cornet était: of too
light and trivial a nature to suit the solemnity of public worship
(d'une nature trop légère et triviale pour convenir à
la solennité d'un culte public)!
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