On doit préciser
que Pythagore ignorait l'Octave. Son système est une suite
de quintes pures en hélice qui n'a qu'une seule consonance, la
quinte. Il n'est une gamme que dans la mesure où l'on obtient les
12 degrés de notre gamme moderne quand on "monte" 12
quintes successives.
Le terme de gamme doit être compris dans le sens où Pythagore
a juxtaposé deux tetracordes pour obtenir les 7 degrés diatoniques.
L'Octave n'y est pas comprise dans son sens moderne qui consiste à
la diviser en 12 demi tons ou en 6 tons plus ou moins égaux. La
"gamme" de Pythagore est une gamme de "puissances"
qui ne consiste pas à diviser l'octave mais où les intervalles
sont formés par cette succession de quintes pures que l'on peut
représenter sous la forme d'un enroulement spiralé. (Devie,
page 313).
Si Ptolémée, 2 siècles après JC, a considéré
l'octave, encore celle-ci n'était pas un intervalle divisible mais
le résultat de la juxtaposition de deux hexacordes. Passer d'un
hexacorde à l'autre s'appelait le "système de muances".
Ce n'est qu'au 11e siècle qu'apparaît la notion d'octave
modale, correspondant à l'invention de la "solmisation"
attribuée à Guy d'Arrezo. Jusque là les théoricien
du début du moyen âge utilisaient le système des tétracordes,
comme les Grecs. L'unité solfègique de base n'était
pas l'octave mais la quarte, parfois la quinte. Le mode de remplissage
de cette quarte déterminait le genre diatonique, chromatique ou
enharmonique. Mais lisez donc le bouquin de Dominique
Devie, il est beaucoup plus clair, plus complet et passionnant de
surcroît.
Donc, pour adapter le système de Pythagore à un autre système
qui considérait l'Octave comme pure, il a fallu sacrifier une quinte
qu'on a diminué de la valeur contenue entre le si# - obtenu
après avoir réalisé 12 quintes pures successives
- et do pour transformer ce si# en do (octave pure). C'est le système
adopté à l'époque médiévale, depuis
le XIe siècle , et qui a donné la gamme moderne.
En effet, si on monte 12 quintes pures successives do° - sol°
- ré1 - la1 - mi2 - si2 - fa#3 - do#4 - sol#4 - ré#5 - la#5
- mi#6 - si#6, on obtient une note, si#6, qui n'est pas l'octave "do7".
Si maintenant on monte 7 octaves pures do° - do1 - do2 - do3 - do4
- do5 - do6 - do7, ce do7 est plus bas que le si#6
d'une valeur que l'on appelle Comma. En l'occurrence, le Comma
Pythagoricien.
En pratique, sur un clavier, on progressera en zigzag au milieu (do2,
par exemple) pour ne rester dans l'intervalle que de deux octaves, c'est
mieux pour l'oreille :
- ré3 mi3 fa#3 sol#3 si#3
- sol2 la2 si2 do#3 etc. mi#3
- do2 ré2 mi2 fa#2 la#2 si#2
(que l'on peut mettre sur le do#3 du clavier pour comparer avec l'octave
do3 du do2 de départ)
Il faut ensuite ne pas oublier que les sons d'une gamme ont entre eux
un rapport géométrique, non arithmétique.
Pour additionner deux intervalles, on multiplie leurs rapports. Ainsi,
pour obtenir une octave, on "additionne" une quinte et une quarte
:
Quinte pure + Quarte pure = octave
pure
3/2 x 4/3 = 2/1
Inversement, pour soustraire deux intervalles, on divise leurs rapports.
Par exemple,
une quinte - une tierce mineure = la tierce majeure :
3/2 : 6/5 =
3/2 x 5/6 =
5/4
(Pour diviser une fraction par une autre, on multiplie par la fraction
inversée).
Le comma Pythagoricien est lui même un rapport dont la valeur s'obtient
de la manière suivante :
soit : 1,013643265, donc, 5,885
savarts, 23,46 cents.
Donc, quand on monte 12 quintes et qu'alors on parcours l'intervalle
de 7 "octaves" sur un clavier, puisqu'en fin de compte on obtient
une différence d'un comma, on pourrait croire qu'il suffit d'ajouter
1/7e de comma à chaque octave pour avoir des quintes pures.
C'est une erreur.
Le comma qu'on y obtient est en fait un rapport dont la valeur de la fréquence
est élevé à la puissance 7 puisqu'on a parcouru 7
octaves. Ce qui fait bien un comma par octave.
A l'inverse, pour avoir une octave pure, comme nous l'avons vu, c'est
au si# du système Pythagoricien à quintes pures qu'il faut
faire correspondre le do du système à octaves pures. Il
faut donc retirer ce comma à l'une des 12 quintes la constituant.
Ou, comme maintenant, retirer 1/12e de ce comma à toutes les quintes.
Si on ne fait pas cette correction, la note obtenue comme "octave"
est trop haute du comma Pythagoricien.
A quelque niveau que ce soit sur un clavier, on aura toujours, dans le
système hélicoïdal de Pythagore, 1 comma de différence
entre le si# et le do, soit 23,46 cents.
Sachant, par définition, qu'il y a 100 cents dans un demi-ton du
tempérament égal, si on continue le cycle de quintes pures,
on aura un écart d'un demi ton au bout d'un peu plus de 4 octaves
par rapport au diapason de départ.
A l'époque médiévale, on faisait cette correction
en retirant ce comma sur l'une des quintes du système pour obtenir
l'octave pure. Cette quinte était ordinairement située entre
si et fa#. On peut en choisir une autre si on veut.
Do Fa 0 ! 0 Sol
0 ! 0
(La#)Sib ! Ré
0 ! 0
(Ré#)Mib -------- ! -------- La
0 ! 0
Sol#(Lab) ! Mi
0 ! 0
Do#(Réb) 0 ! -1 SiFa#(Solb) "Gamme" Pythagoricienne
On obtient ainsi un système hybride où l'on trouve deux
types de consonances : 11 quintes et l'octave, mais que l'on nomme
quand même improprement "système pythagoricien"
ou "gamme pythagoricienne" par habitude alors qu'on devrait
le nommer plus proprement système de Ptolémée, ou
plutôt gamme de Ptolémée, pour éviter cette
confusion habituelle entre le système infini, spiralé, de
Pythagore et nos système bornés, cycliques, fermés
sur eux même, avec un "bug" pour les ravaler au rang de
simple cercle. Ce "bug", on l'appelle le "loup". On
l'appelle aussi "fausse quinte" (quinte fausse ?). On rencontrera
aussi les termes "quinte du loup" et "défaut de
l'accord".
Pour la gamme tempérée égale contemporaine, on retire
1/12e de ce comma pythagoricien à chacune des 12 quintes. Ce qui
fait que plus aucun rapport n'est pur, sauf l'octave. La quinte y est
égale au rapport 1,498 au lieu de 1,5 (résultat de 3/2).
Le "loup" y est coupé en 12.
"Maintenant que le loup est dans tous les tons, l'ange
ne peut plus descendre" (Père Jacob de Saint Margen)