Le "Diapason", tel que l'on nomme en français, est la note de référence à la base de l'accord des instrument.
Il semble avoir été fixé à l'origine par l'orgue dont la longueur des tuyaux, mesurée en Pieds, était, dans toutes les nations, de 8 pieds pour la première note du clavier* et ses correspondances à raison 1/2 aux octaves supérieures : 4, 2, 1, 1/2 etc.
Pour les sons plus graves, c'étaient naturellement les multiples à raison double : 16 et 32 pieds. (Exceptionnellement 64 pieds).
* Pourquoi 8 pieds ? Ne m'en demandez pas trop, je ne sais pas ! Peut-être parce que les organiers, à l''origine, sont partis de tuyaux de 1 pied et, de là, par la raison double des octaves, 2, puis 4, puis 8, 16, 32 ... pieds.

Pour ma part j'explique les différences des diapasons "anciens" d'un pays à l'autre en fonction de la mesure du pied dans les différentes nations. Le "Pied du Roi" qui était utilisé en France est égal à 324,84 millimètres.
Un tuyau de 8 pieds représente la mesure du premier tuyau du jeu fondamental de l'orgue. A l'origine "fa", ou "la", plus souvent "si", et systématiquement "do" depuis le 16e siècle. Ce n'est qu'à partir de la généralisation des claviers commençant sur un "do" qu'une première normalisation du diapason a dû s'opérer de fait.
Restaient les différences entre les mensurations du pied dans chaque pays, puis par la suite, les déviations des instruments de l'orchestre, souvent pour mieux "briller". Ces déviations se sont produites "à la hausse", donnant les tons d'Opéra, de Chambre ou autres, le diapason des orgues demeurant au "ton de chapelle".

Joseph Sauveur, dans son "Système général des Intervalles des Sons" divise l'octave en 43 parties égales qu'il nomme mérides, puis chaque méride en 7 heptamérides. C'est à dire que l'octave est divisée en 301 parties. Il peut dès lors exprimer tous les intervalles de tous les systèmes en mérides et heptamérides. Il fixe un son de référence de 100 vibrations par seconde, contre les variations constantes du ton (ton de l'Opéra, de la Chapelle Royale, etc.).
" Je pris en 1696 le parti de trouver une mesure commune à tous les intervalles, capables de les mesurer dans leurs différences les moins sensibles, de donner des noms et des caractères à tous ces sons, qui fussent tels qu'on pût prendre ceux qui seraient nécessaires à la musique ordinaire et qui renfermassent d'une manière simple et aisée toutes les propriétés qui regardent cet art, sans néanmoins avoir dessein d'exclure les notes auxquelles les musiciens sont accoutumés depuis si longtemps."
Système général, p. 300. (Compilé sur http://www.musicologie.org/ ,le site richement documenté de JMW).

Sauveur et le
"Son fixe"
ou
Le ton de l'Orgue parisien
sous Louis XIV.

D'après : Léon SOUBERBIELLE "Le Plein-Jeu de l'Orgue français à l'époque classique" - p.105

L'une des préoccupations principales de Sauveur en portant les principes de l'ACOUSTIQUE a été de déterminer un "Son fixe" auquel on puisse comparer les sons éventuellement plus aigus ou plus graves des "Tons de la Chapelle, de l'Opéra & des autres Concerts".
Dans la section première de son "Système général des Intervalles des Sons" il tient à rappeler tout d'abord la nécessité de prendre pour "Son fondamental", ainsi qu'il appelle ce que nous nommons aujourd'hui le Diapason, un son moyen auquel on puisse comparer "les Sons les plus aigus, aussi bien que les plus graves".
Puis, il note que les "musiciens prennent pour Son fondamental le C-sol-ut qui est le Ton de Chapelle ou le Ton d'Opéra" et que "ce Son est le milieu du clavecin, ou est celui d'un tuyau d'orgue de 2 pieds ouvert". Enfin il conclut : "mais comme ce son n'est pas assez déterminé nous prenons pour Son fondamental le Son fixe qui fait cent vibrations dans une seconde de temps".

Cette fréquence semble définir le "La" (A) que Sauveur est certainement un des premiers à prendre comme note de référence.

Mais en 1713 le Savant crut bon, dans une nouvelle communication à l'Académie, de revenir sur ce choix : "J'avais déterminé le Son fixe par celui qui faisait 100 vibrations par seconde, parce qu'alors étant occupé à mon système général des intervalles des sons je ne pris ce nombre que par provision.
Mais faisant attention que l'étendue des sons selon l'aigu et le grave est partagée par octave selon la progression double et que j'ai trouvé que la clef de C-sol-ut faisait environ 243 1/5 vibrations, j'ai fait d'abord la progression double suivante, que j'ai accompagné des puissance de 2.

etc.

"J'ai réglé le son fondamental de chaque octave fixe et l'ordre des octaves & les exposants de la progression double, ainsi le son qui fait 256. (2⁸) vibrations par seconde est le son fondamental de la 8e octave fixe".

Sauveur nous apprend que le ton 243 1/5 n'est autre que le ton sur lequel DESLANDES réglait l'accord de ses orgues :

"J'avais trouvé que le LA du bas du clavecin faisait environ 101 vibrations, en sorte que l'UT du milieu en fait environ 242 2/5. ... Chez le Sieur DESLANDES ... nous trouvions que le Mi2 faisait 152 vibrations et par conséquent l'Ut 3 faisait 243 1/5"
Ainsi le nombre choisi par Sauveur comme nombre des vibrations du "son fixe", à savoir la 8e puissance de 2 (256) était un demi-ton faible au dessus duquel Deslandes accordait ses orgues.

Le savant ne s'est pas souvenu de la page du Timée dans laquelle PLATON explique que la raison 256/243 mesure le demi-ton du tétracorde de PYTHAGORE, c'est à dire l'intervalle résiduel ou "Limma" qui correspond, quand on compose la tierce majeure avec deux tons majeurs, à l'excès de la quarte ou sesquitierce sur la somme de ces deux tons :

9/8 x 9/8 = 81/64 (tierce)
et 4/3 : 81/64 = 256/243

Ainsi, le "La" fixe de Sauveur se trouve être de 428,81 vibrations par seconde.
Il en est revenu à l'antique tradition de la progression (inverse par rapport à celle des vibrations du son) de la longueur du corps sonore des tuyaux d'orgues mesurés en pieds. Or, nous remarquerons que si un tuyaux de 2 pieds ouvert est censé fournir théoriquement un son de 256 vibrations, il fournira en réalité un son baissé de plus d'un demi-ton pour la simple raison qu'il n'est totalement ouvert qu'à une seule extrémité. A l'autre il y a la bouche qui l'obture partiellement, ce qui explique les 243 vibrations trouvées avec le tuyau de Deslandes dues aux lois acoustiques des tuyaux ().
La mesure du demi-ton du Tétracorde de Pythagore entre 256 et 243 n'est donc qu'une coïncidence.
Il reste à savoir comment s'est porté à l'origine le choix sur une mesure de 8 pieds pour les tuyaux d'orgues ! Aurait-il déjà été dicté par des raisons physiques inverses de celles des fréquences ? (1 pied, 2 pieds, 4 pieds, 8 pieds, 16 pieds, 32 pieds ).

Souberbielle remarque ensuite que si l'Ut 256 de la 8e octave procédait de la progression double, le Si 243, lui, procédait de la progression triple :

Il est difficile d'expliquer, conclut-il, pourquoi le nombre 243, qui n'est que le conséquent d'une raison, est apte à mesurer une fréquence absolue.

Le "gros BOURDON" de Notre-Dame de PARIS

La providence a voulu que la grosse cloche EMMANUEL de Notre-Dame de Paris, à laquelle LOUIS XIV, son parrain, voulut donner en 1681 le Nom du Verbe Incarné, demeurât, conformément à ce nom, toujours "avec nous". (Emmanuel)

Sauveur, avant de mourir, mesura le nombre de ses vibrations (25,5352 par seconde) et fit remarquer dans son mémoire de 1713 que le nom du ton de l'EMMANUEL était, dans le système tempéré des mérides, Sub-bis-le; autrement dit LA bémol à 3 mérides au dessous du La fixe de 428,81 vibrations du diapason des puissances de 2.
Nous savons donc, par l'auteur de "l'Application des Sons Harmoniques à la Composition des Jeux d'Orgues", qu'il y a la même différence du LA fixe au ton de cette cloche que de l'UT 256 à l'UT 243 1/5 de l'orgue de Deslandes.
C'est à l'unisson du LA, au ton de chapelle de 1681, de la cloche Emmanuel que le filleul de Deslandes, François THIERRY, mettra en 1730 le gros tuyau de ce premier orgue à base ouverte de 32 pieds de Notre-Dame-de-Paris.