L'harmonie
des sphères, ou
la cosmologie appliquée à la gamme musicale. Zodiaque et instruments
de musique. |
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L'harmonie des sphères.
Propos extraits de l’excellent bouquin de Dominique Proust : “L’harmonie des sphères”, éditions Dervy-livres. La clef fondamentale de l'ordre cosmique ne peut se trouver que dans une parfaite harmonie. Sans elle, la musique ne peut exister car l'harmonie est l'essence même des sons organisés. Forts de cette évidence, les Anciens tentent d'associer le plus étroitement possible le cosmos et la musique afin d'en montrer la parfaite symbiose. Pythagore est probablement le premier à associer étroitement la musique et l'astronomie. Son intérêt pour la musique le pousse à définir la gamme qui porte son nom suivant deux principes : il n'existe que 7 intervalles entre les notes d'une gamme et la somme de ces intervalles est égale à 6 tons. Sa fascination pour les rapports numériques dans les harmonies musicales l'amène à tenter d'expliquer de la même manière les autres phénomènes de la nature, y compris le cosmos. Il utilise le mot "cosmos " pour désigner un univers ordonné et harmonieux. La dualité entre l'harmonie et l'astronomie fut ainsi établie par l'école Ionienne de Pythagore au 6e siècle avant notre ère. La Terre est considérée comme un corps céleste isolé dans l'espace, au centre d'une sphère. Les planètes ne sont pas toutes à la même distance de la terre, posées sur des anneaux circulaires opaques. L'ordre des planètes fait appel à une hiérarchie fondée sur la mythologie, dans l'ordre : Terre - Lune - Vénus - Mercure - Soleil - Mars - Jupiter - Saturne - Fixes (étoiles). Une fois cet ordre établi, il faut donner des distances. La méthode va donc consister à deviner la loi des distances plutôt que de la calculer, suivant le principe de Pythagore. Etant donné qu'il y a autant d'intervalles musicaux qu'il y a de planètes, il suffit de placer celles-ci suivant les rapports harmoniques. Les sept planètes sont comme les sept cordes d'une lyre. En fixant la valeur du ton comme étant égale à la distance Terre - Lune, les Pythagoriciens établissent ainsi la première échelle planétaire. D'après eux toutes les planètes, y compris le soleil et la lune, tournent autour de la terre à vitesse constante suivant des orbites obéissant aux mêmes rapports numériques que la gamme. Chacune d'elle produit un son correspondant au si pour Saturne, do pour Jupiter, ré pour Mars, mi pour le soleil, fa pour Mercure, sol pour Vénus et enfin la pour la Lune. Cicéron (106 - 43 av
JC) donne une description admise en son temps : L'univers est composé
de neuf cercles ou plutôt de neuf globes qui se meuvent. La sphère extérieure
est celle du Ciel, qui embrasse toutes les autres et sous laquelle sont
fixées les étoiles. Plus bas roulent sept globes, entraînés par un mouvement
contraire à celui du ciel. Boèce a repris la construction
de Pythagore attribuant cette fois la note ré à la Lune (au lieu du la
initial), à Mercure le do, et ainsi de suite : Lune ré, Mercure do, Vénus
si, Soleil la, Mars sol, Jupiter fa, Saturne mi. Dans un fragment de musique grecque qui nous soit parvenu - l'hymne au soleil de Mesomède de Crète, 130 av JC - on se fait une idée de la musique antique : chaque note est émise seule, sans accompagnement (elle est dite homophone) et l'ambitus de la mélodie est faible. Les notes appartiennent à une suite bien définie de sons. On peut aussi par la musique expliquer l'ordre des jours de la semaine dont l'ordre apparemment arbitraire se réfère en fait à la gamme de Boèce. En remplaçant chaque jour par sa note, la semaine
se déroule suivant une série de quintes parallèles descendantes Lundi
Lune ré, Jusqu'à la fin du Moyen Age la musique est enseignée
avec les mathématiques, considérant que celles-ci comprennent : Dans le domaine de la science des sons, les Grecs
n'ont produit que deux traités majeurs : La division du canon, d'Euclide,
et Les harmoniques, de Ptolémée. Censorin, astrologue
romain, publie en 238 - De die natali - où il reprend les doctrines de
Pythagore. On y trouve en particulier des distances astronomiques calculées
en tons musicaux : Au fur et à mesure que la conception de l'univers
évolue en se perfectionnant, la musique aussi évolue. Cependant, pour pouvoir produire un son, la terre doit être mobile. Ainsi naît le premier modèle non anthropocentrique, dit modèle de Philolaos, où la terre n'occupe plus le centre du monde mais tourne en un jour autour d'un feu central autour duquel tourne également une anti-Terre qui nous est cachée, de même que le feu central puisque nous habitons sur la face tournée vers l'extérieur. Sautons quelques siècles pour arriver au moyen age.
Les neuf cordes de la lyre céleste augmentent jusqu'à 15 pour expliquer,
au-delà des planètes, le Ciel, les Puissances, les Principautés, les Dominations,
Trônes, Chérubins et autres Séraphins, pour aboutir à Dieu. Le musicographe grec Alypius utilise au 4e siècle
le clavier de la cithare à 18 cordes pour établir un système de sphères
célestes d'une extrême complexité. Tout au long du moyen age l'étude de l'harmonie est une partie intégrante des mathématiques. Anthropocentrisme et harmonie sont les principes avec lesquels l'église étend son autorité mais il convient aussi de célébrer les louanges du créateur par le chant. L'accord entre la théorie et la pratique est réalisé d'abord par la dénomination des notes ut … ré … mi … fa … sol … la … si (le " si " est arrivé plus tard !) et ensuite par l'introduction de la mesure au 12e siècle. Le plain-chant est abandonné au 10e siècle au profit de l'organum consistant en l'exécution de la même mélodie par deux voix distantes d'une quarte ou d'une quinte. Ensuite vient le déchant, strict contrepoint note contre note, pour aboutir à la polyphonie à travers Machaut et Jannequin qui intégra même les bruits de la vie dans ses compositions. L'hymne du 12e siècle " Naturalis concordia vocum
cum planetis " est l'œuvre musicale la plus ancienne connue inspirée de
l'harmonie des sphères. Il utilise une gamme planétaire de 2 octaves,
la première consacrée aux astres et la seconde à la zoologie des bienheureux.
Elle diffère de celle de Boèce : A la Renaissance, cet équilibre
idéal entre harmonie et physique devient intenable par la quantité de
sphères et d'épicycles nécessaires pour expliquer les écarts et les nombreuses
anomalies observées. ![]()
La révolution copernicienne entraîne la perte de notre anthropocentrisme : la Terre n'est plus qu'une planète comme les autres, tournant autour du Soleil. Léonard de Vinci consacre un chapitre de ses travaux afin de savoir " si le frottement des cieux fait son ou non " et apporte des arguments pour réfuter la théorie. Après la disparition de Copernic, Tycho-Brahé (1546 - 1601) construit le premier grand observatoire et cumule les observations qui sont scrupuleusement consignées. Il ne parvient pas à renoncer à la vision géocentrique de l'univers. Johannes Kepler hérite de ses documents et énoncera les lois relatives au mouvement des planètes. Kepler attribue au soleil une fonction motrice, anime les planètes sur une orbite elliptique. Insatisfait, il recherche l'harmonie des sphères dans l'harmonie musicale, mode mathématique qui a le plus de chances d'être le fil conducteur vers la compréhension des intervalles planétaires. Dieu est architecte et géomètre mais il est aussi surtout musicien, donc il ne peut en être autrement ! Ce Dieu musicien doit donc attribuer à chaque planète une phrase musicale qui lui soit propre puisque, selon la tradition, chaque planète est vivante et douée d'une âme.
Quelques années plus tard Galilée s'attache également à établir un lien entre ses préoccupations astronomiques et ses recherches en matières musicales sous l'influence de son père, Vicenze Galilei (1520 - 1591). Organiste et compositeur, Vicenze eut Zarlino pour maître ; ses compositions inspirèrent Frescobaldi et Vivaldi.
Marin Mersenne traduisit les ouvrages de Galilée et reprend ses travaux sur la vibration des cordes dans son " Harmonie universelle " en 1636. Son intérêt pour l'astronomie le pousse à y inclure des dessins de télescopes afin de réactualiser la question de l'harmonie des sphères. Par la suite, si le divorce
est définitivement consommé entre l'astronomie et l'harmonie, les planètes
et les étoiles ont inspiré de nombreux musiciens et des témoignages de
l'état des recherches se trouvent souvent traduit en musique. Pour citer
quelques exemples, l'oratorio " la Création " de Joseph Haydn est inspiré
des travaux de William Herschel qui a émis l'hypothèse d'une explosion
originelle de l'univers et des théories d'Emmanuel Kant. Zodiaque et instruments de musique. Les trajectoires apparentes des planètes ont la particularité de traverser toujours les mêmes constellations. Celles-ci traditionnellement au nombre de douze forment le zodiaque En réalité, il conviendrait d'en ajouter une treizième, Ophiuchus (ou serpentaire) mais l'évocation astrologique du chiffre 13 fut de nature à effrayer suffisamment Ptolémée qui préféra oublier cette dernière constellation. La tradition a associé douze instruments de musique
à chaque constellation. Sans attendre la Renaissance qui marque l'apogée
de l'influence astrale sur l'iconographie musicale, de nombreux indices
révèlent les liens puissants unissant le zodiaque et les instruments de
musique.
Pythagore et les principes de l'acoustique (d'après Boèce) Sans plus tenir compte des appréciations fournies
par des oreilles, Pythagore décida de n'employer que des rapports mathématiques
pour la division de la règle des sons. Il cherchait de quelle manière
il apprendrait les divisions fixes et constantes des rapports harmoniques
quand, passant devant un atelier de forgerons, il entendit que les marteaux
résonnaient en tirant une sorte d'accord. Il pensa que la diversité des
sons provenaient des forces respectives de ceux qui frappaient. Il leur
demanda d'échanger leurs marteaux mais les mêmes sons accompagnaient les
marteaux une fois échangés. Pythagore fut ainsi le premier à trouver selon quel
rapport chaque accord des sons entre eux était uni. Propos extraits de l’excellent bouquin de Dominique
Proust : “L’harmonie des sphères”, éditions Dervy-livres. L'harmonie est le résultat d'une codification stricte de la gamme à laquelle notre oreille occidentale s'est progressivement entrainé. La musique occidentale respecte les canons absolus
des rapports de sons par multiple de 2. Le " la " 440 admet le " la "
220 à l'octave inférieure et le " la " 880 à l'octave supérieure. Comme
la gamme comporte 12 demi-tons, le rapport de fréquence entre deux notes
séparées d'un demi-ton respecte l'échelle logarithmique établie et vaut
- racine douzième de 2 - La gamme tempérée théorique est bâtie sur ce
principe. Mais on fait alors appel à la loi de Bode qui veut qu'on puisse distinguer une même mélodie quelle que soit la gamme dans laquelle elle est restituée. Seule l'harmonie en prend un coup ! Pythagore avait défini sa gamme différemment. En partant
d'une note de base, par exemple le " do ", il multiplia sa fréquence par
3/2 afin de définir sa quinte supérieure " sol " et répéta cette opération
pour construire des suites de quintes " ré - la - mi - si ". Il réalisa
ce calcul après avoir observé que la longueur d'une corde donnant la quinte
d'un son était égale aux 2/3 de celle fournissant son fondamental. |
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