LE TEMPÉRAMENT D' APRES MERCADIER

 

Le tempérament que décrit Mercadier;

voici son texte avec quelques coupures et aussi quelques commentaires ajoutés.

Du Tempérament

"Les musiciens ne le pratiquent pas tous de la même manière: certains divisent l'octave en 12 semi-tons égaux, ce qui agrandit beaucoup les tierces majeures et diminue insensiblement les quintes; d'autres altèrent davantage la plupart des quintes, pour adoucir les tierces majeures les plus usitées; plusieurs enfin et peut-être le plus grand nombre, ont des tempéraments particuliers qu'eux seuls mettent en usage...

(Ici Mercadier cite entre autres, le tempérament de Sauveur dont il sera question plus loin. Puis il explique comment on réalise le tempérament égal sur le clavecin)

"Cependant, comme les tierces majeures sont moins susceptibles d'altération que les quintes et les tierces mineures, la plupart des organistes aiment mieux faire tomber principalement les altérations sur celles-ci, pour avoir les tierces majeures justes dans les modulations les plus pratiquées..."

"Pour cela, on part d'UT. ..et l'on accorde par quintes jusques à MI, de sorte que ce MI soit à la tierce majeure juste d'UT : ce qui exige qu'on diminue chaque quinte, à mesure qu'on accorde, d'un quart de comma, c'est-à-dire d'une manière insensible, pour gagner un comma entier sur les 4 quintes."

"On fait la même chose de MI à SOL#,avec cette différence que cette tierce doit être un peu forte, et que par conséquent toutes les 4 quintes intermédiaires ne doivent pas être si affoiblies.
Ensuite on prend l'octave en bas de ce SOL#, qu'on considère comme LAb tierce majeure au-dessous d'UT, et l'on accorde en descendant les 4 quintes d'UT à LAb, de manière qu'il ne faille pas toucher au Lab ..."

"Mais comme on fait communément la première tierce (MI-SOL#) presque juste, en ne faisant que la Quinte d'UT# à SOL# un peu moins foible que les autres, il s'ensuit que la seconde tierce (Lab-UT) est de beaucoup plus grande, et que les 4 quintes qui la forment sont un peu fortes.
L'usage ordinaire est de ne donner que très peu de grandeur de plus à la première de ces 4 quintes (FA-UT) qu'à celle d'UT à SOL#, d'en donner un peu plus à la seconde (SIb-FA), ainsi de suite jusqu'à la dernière (LAb-MIb) qu'on fait la plus grande de toutes."

"Par ce tempérament, les altérations sont insensibles dans les tons naturels et dans ceux qui ont peu de dièses ou de bémols mais elles sont considérables dans les tons fort chargés de ces signes: ce qui contribue beaucoup aux différences des affectations qu'occasionnent les différents tons. Aussi est-ce, pour les Musiciens, une raison de préférence de cette partition sur l'accord égal, quoique leur principal but soit d'avoir les tons naturels presque dans toute leur pureté..."

Ce texte de Mercadier est clair, pour qui a dans l'esprit ce que nous avons exposé au préalable: les 7 quintes DO-SOL-RE--LA-MI-SI-FA#-DO# sont accordées avec un quart de comma de moins que la valeur juste, comme dans le tempérament mésotonique, ce qui rend justes les tierces DO-MI, SOL-SI, RE-FA# et LA-DO#.
Mais les autres quintes sont accordées de plus en plus grandes, dans l'ordre DO#-SOL#, FA-DO, SIb-FA, MIb-SIb, SOL#-MIb; il en résulte que SIb et MIb sont plus bas que dans le tempérament ancien et peuvent être employés comme LA# et RE#.
D'autre part SOL# est un peu plus haut, de sorte que la quinte SOL#-RE#, quoique la plus grande, dépasse peu la valeur juste : il n'y a plus de quinte du loup.

Mercadier n'est certes pas l'inventeur de cette manière d'accorder : d'Alembert (1752) et J.J.Rousseau (1767) la décrivent avec moins de précisions; lui-même indique plus loin en note "M.Rameau avoit adopté cette dernière partition dans son "Nouveau Système de Musique", où il s'étoit fort étendu, pour en prouver l'excellence..."

Henri Legros

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