Traité de l'Orgue de Marin Mersenne


PROPOSITION XXI.

Déterminer si l'on peut ajouter de nouveaux jeux à l'Orgue.

 

 

 

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Je ne parle pas ici des différents jeux dépendent de la multitude des degrés et des intervalles que l'on peut donner à l'octave car on peut les varier en tant de manière que l'on voudra, ni de ceux qui consistent dans le mélange de deux, trois ou plusieurs jeux, que l'on appelle jeux composés. Je veux parler de ceux qui dépendent d'une figure ou d'une harmonie particulière du tuyau.
Il est certain qu'il est aisé d'ajouter de nouvelles formes de tuyau car on les peut faire triangulaires ou en hélice, et l'on peut ajouter une ou plusieurs cavités de toutes sortes de grandeur aux tuyaux ordinaires lesquelles les feront changer de son.
Je laisse plusieurs autres inventions dont les Facteurs peuvent enrichir les jeux de l'Orgue : par exemple, si l'on met de petites peaux de mouton aussi déliées que celle des oignons au bout des tuyaux pour les boucher, ou si l'on fait plusieurs trous au corps du tuyau qui sont bouchés desdites peaux. On entendra une harmonie particulière que l'on peut encore varier par la différence des mouvements que l'on donne au vent.

Quant aux Voix Humaines de l'Orgue, que l'on appelle Régales, on peut les perfectionner en leur ôtant ce qu'elles ont de plus rude et de plus désagréable.
On peut aussi joindre toutes sortes d'instruments à vent aux Orgues ordinaires, par exemple toutes sortes de Musettes et de Hautbois, de même les instruments à cordes et ceux de percussion qui feront des harmonies très particulières par le moyen de plusieurs roues et autres ressorts dont l'invention est assez facile car elle ne dépend que de l'hydraulique et des autres parties des mécaniques. On peut en tirer des secrets avantageux pour faire parler les tuyaux des Orgue pour leur faire prononcer toutes sortes de syllabes et conséquemment toutes sortes de dictions. Mais cet ouvrage consiste en tant de ressorts et de différents mouvements que désire l'esprit, le travail et la vie de plusieurs hommes, que j'en laisse le soin et l'invention à la postérité.

 

 

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