Traité de l'Orgue de Marin Mersenne.


PROPOSITION XXXII.

Montrer combien l'on peut faire de jeux composés sur l'Orgue : où l'on voit la manière de combiner , conterner , conquaterner , &c.

 

 

 

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Si l'on prend les 22 jeux précédents du Grand Jeu de l'Orgue, on saura combien de fois ils se peuvent varier étant pris deux à deux, ou trois à trois, etc. Si l'on multiplie 22 par 21, et puis le produit par 20, etc. jusqu'à ce que l'on ait autant de rangs de nombres comme l'on veut prendre de jeux.
Si l'on veut faire tous les jeux composés de 2 ou de 3 simples jeux, 22 multiplié par 21 donnera 462 jeux composés de 2 simples jeux. Si l'on multiplie encore 462 par 20, on aura 9240 jeux différents composés de trois simples jeux.
Ceux qui voudront savoir combien il y a de jeux composés de 4, 5 ou 6 simples jeux, ils trouveront les nombres requis en multipliant 9240 par 19, puis le produit par 18, etc. Ce nombre est si grand que la vie d'un Organiste n'est pas assez longue pour en user.

(Surtout, il y a des tas de mélanges débiles ou inesthétiques ! Par exemple la cymbale toute seule avec la tierce ... pas terrible !).

Mersenne fait suivre un tableau où l'on voit tous les mélanges possible sur un Cabinet de 8 jeux. Il prend son pied, là, dans un exercice mathématique destiné surtout à nous montrer combien de fois on peut faire monter la garde à 2, 3, 4, 5, 6, 7 ou 8 hommes d'un groupe de huit, afin qu'il y ait un homme nouveau à chaque fois.

Corollaire I

On ne peut user de ces jeux en toutes ces manières. Les Organistes en joignent déjà 7 dans le Plein Jeu et dans le Cornet entier. Les Organistes peuvent jouer 255 jeux différents sur un orgue de 8 jeux ...

Corollaire II

La considération de tous les jeux différents de l'Orgue, tant simples que composés, n'est pas indigne des bons esprits qui en peuvent tirer des connaissances particulières pour perfectionner ou pour commencer la philosophie fondée sur les différentes expériences de l'oreille, de l'œil et des autres sens.
Par exemple le jeu de Nazard, composé de deux tuyaux qui sont à la quinte, à la douzième ou à la dix-neuvième l'un de l'autre, imite ceux qui parlent du nez, et nazarde.
Puisqu'il n'y a pas de jeu qui n'ait quelque effet différent des autres jeux, on aura autant de sujets pour raisonner, qu'il y a de jeux différents dans l'Orgue.
La conjonction ou l'addition de plusieurs sons ont une grande multitude d'effets qui sont différents en quantité et en qualité.
Ce qui rend le jeu de Cornet différent des autres dépend particulièrement de la dix-septième qui fait un petit son aigu, lequel imite celui du Cornet de musique. Les quatre autres tuyaux qui font l'unisson, l'octave, la douzième et la quinzième, et même ceux qui font la tierce et la dix-septième majeure, ne peuvent imiter parfaitement le Cornet quand la dix-septième est absente.
Le jeu du Larigot est particulièrement fait par la dix-neuvième. La Flûte par l'octave. La Doublette par la quinzième. Le Flageolet par la vingt-deuxième.
Quand le jeu de Cornet est mêlé avec le Tremblant et avec le Clairon, il fait un jeu très excellent qui imite plutôt le Hautbois que le Cornet à bouquin.
Le jeu du Cromorne ajouté au Nasard contrefait parfaitement la Musette.
Toutes les autres compositions possibles des jeux de l'Orgue requerraient un volume entier.

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