Expliquer
la construction , la grandeur , les parties ,
les poids & toutes les autres propriétés des
soufflets .
34
Pour ce sujet nous expliquerons
premièrement leur grandeur et leur nombre suivant les instruments
auxquels ils sont destinés. En second lieu ce qui concerne le porte
vent qui sert de conduit pour porter le vent à la réserve.
Puis nous parlerons du Tremblant qu'on met ordinairement dans le porte
vent.
Il faut premièrement choisir un bon bois de chêne bien sec,
pour construire les soufflets, afin qu'il ne se retire pas quand il aura
été employé.
Quant à leur grandeur, elle doit être proportionnée
à celle de l'Orgue. Par exemple, si l'Orgue est de seize pieds
qui est l'un des plus grands qui se fassent à présent, et
qu'il soit assorti de toute la diversité des jeux dont on use maintenant,
il faut au moins quatre soufflets chacun de six pieds de long et de quatre
pieds de large et qu'ils soient chargés chacun d'un poids de 60
livres afin que le vent soit poussé avec violence pour faire parler
promptement les Trompettes, les Pédales et les autres jeux. Et
si l'on ajoute un Positif à proportion du Grand Jeu et qu'il ne
faille qu'un même vent pour tous les deux, on doit ajouter un ou
deux soufflets semblables aux autres, afin qu'ils suppléent à
leurs défauts lorsqu'ils se vident.
Il faut remarquer que l'Orgue étant fourni de quantité de
soufflets, il y a beaucoup moins de sujétion à les lever
souvent et que le vent en est plus égal. Encore que deux soufflets
en fournissent autant qu'eux, ils ne distribuent pas le vent aussi également
et descendent beaucoup plus vite.
On peut aisément conclure le nombre et la grandeur des soufflets
des moindres Orgues. Par exemple, s'il est de huit pieds, deux soufflets
suffisent, pourvu qu'il n'y ait point de Pédale séparée
car il y a des Orgues dont le clavier de Pédale lève seulement
les marches de l'autre clavier. Lorsqu'il est séparé, il
faut au moins trois soufflets pour y fournir le vent nécessaire.
Ayant choisi du bois bien propre, il faut le bien joindre, le coller
et le cheviller, et mettre des barres en dedans qui soient bien clouées,
afin que si le bois se veut déjeter, il en soit empêché
par ce moyen.
Ceci étant fait, on lui donnera la longueur et la largeur nécessaire,
et puis il faut entailler un soupirail à l'ais (planche)
du dessous, c'est à dire un trou carré, et, après
l'avoir doublé de cuir tout à l'entour, on applique dessus
une soupape de bois assez épais et doublé de cuir bien mou
afin qu'en levant les éclisses des soufflets la soupape aspire
le vent jusqu'à ce qu'on laisse descendre le soufflet et qu'elle
se referme afin que le vent ne sorte que par le conduit qui porte le vent
au sommier. Après avoir bien accommodé la soupape, on ajoute
une petite lisère de cuir par dessus, dont un bout de colle sur
elle et l'autre sur le soufflet, de peur qu'en renversant le soufflet
par hasard, la soupape n'étant pas arrêtée se renverse
aussi. On aurait beaucoup de peine à la raccommoder. On peut encore
ajouter une petite anse de fer sur la soupape, qui l'empêchera de
s'ouvrir plus qu'il ne faut, mais le trou carré doit être
assez grand afin qu'il aspire le vent promptement.
Le trou des soufflets de six pieds de long peut être d'un demi pied
de long et de quatre pouces de large.
Quant aux plis des soufflets, ils se font de plusieurs petits ais de
bois fort mince et délié, lesquels on frotte de colle pour
coller le cuir dessus. Pour les plis du bout, on les fait d'autres petits
ais proportionnés au fond du soufflet. Mais la vue et l'inspection
d'une Orgue en apprendront plus que les discours, c'est pourquoi je ne
m'y arrête pas davantage.
Ayant appliqué le dessus du soufflet de même grandeur que
le fond, il faut laisser une ouverture au bout du soufflet où il
y a une soupape qui n'a pas besoin d'un morceau de cuir pour être
arrêtée comme l'autre parce qu'elle n'est pas couchée
à plat comme elle. Elle est tellement suspendue qu'elle s'ouvre
quand le soufflet donne le vent comme elle se referme en dedans quand
on le lève. Cette soupape doit se fermer si justement que le vent
de l'un des soufflets ne puisse se communiquer à l'autre, autrement
le vent ne pourra être égal comme il faut. Ceux qui mettent
cette soupape dans le porte vent doivent appliquer un bout dudit porte
vent à chaque soufflet de peur que le vent soit empêché
par les soupapes qui s'y rencontreraient. Les plus grandes sont les meilleures
parce qu'elles fournissent le vent plus à propos.
La grandeur du porte vent et de la réserve ne doivent pas excéder
de peur que le vent ne soit pas assez pressé pour faire un bon
effet. Par exemple, la réserve et le porte vent d'un Orgue de seize
pieds ont 8 pouces de largeur en dedans et 4 ou 5 pouces de hauteur. Si
l'Orgue n'est que de huit pieds, il en faut diminuer le tiers ou environ.
S'il n'est que de quatre pieds, comme sont ordinairement les Positifs,
le porte vent peut avoir cinq pouces de largeur et trois de hauteur.