Traité de l'Orgue de |
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Je ne parle pas ici du buffet des Orgues dont la proportion et la beauté doit être jugée par les Architectes et par les Menuisiers mais seulement de toutes les parties qui contribuent à la bonté et à la perfection d'une Orgue, qui consiste en l'absence des défauts qui s'y peuvent rencontrer. Nous pouvons les réduire à huit, dont quatre de grande conséquence et quatre auxquels nous pouvons remédier. Il faut premièrement et particulièrement observer si, tous les jeux étant fermés, il n'y a nul tuyau qui corne lorsque l'on touche chaque marche du clavier. Ce défaut est très grand et vient de la part du registre qui se tire trop ou qui ne se tire pas assez ou qui ne joint pas contre sa chape. On peut le corriger en frappant sur ses clous pour la faire serrer, quoi qu'il faille prendre garde, si les jeux étant tirés, il y a quelque tuyau qui corne alors qu'on ne touche point sur le clavier. Pour lors, il faut voir dans la réserve du vent du sommier (la laye) si ce défaut vient de quelque ordure engagée entre la soupape et le sommier, ou si ladite soupape, n'étant pas droite, ne se joint pas bien contre le sommier, ou encore si, étant placée de côté, elle ne couvre pas entièrement la rainure. En second lieu, il faut voir sur chaque touche du clavier, après
avoir tiré le premier jeu que l'on appelle Prestant, si, en faisant
parler une marche, il ne vient point d'emprunt de celle qui lui est voisine,
car ce défaut est l'un des plus grands et des plus désagréables
qui se puisse rencontrer dans l'Orgue parce qu'il fait de faux accords
à toute heure et qu'il est plus difficile d'y remédier qu'aux
précédents. Il peut procéder de trois causes. La
première est quand la rainure a quelque ouverture, si petite qu'elle
puisse être, de sorte que le vent qui lui est donné passe
au travers et entre dans celle dont elle est proche. On peut l'éviter
si, en faisant l'Orgue, on doubles les rainures (les
gravures) de parchemin par le dedans. En troisième lieu, les soufflets doivent tellement être
faits qu'ils n'altèrent point et qu'ils soient égaux en
force. Le vent de l'un ne se doit point communiquer à l'autre et
quand ce vice s'y rencontre, c'est que la languette du mufle du soufflet
ne joint pas sur le carré du porte vent ou sur le mufle sur lequel
il est posé. On ne peut l'éviter qu'en décollant
le soufflet. En quatrième lieu, l'on doit considérer si les tuyaux du Prestant sont égaux en force car cette égalité est l'un des plus grands ornements de l'Orgue, comme l'inégalité est très désagréable. Si cela procède de l'ouverture du tuyau, ou de la languette qui est parfois trop serrée et abattue, il est aisé d'y remédier avec la pointe d'un couteau. En cinquième lieu, il est nécessaire d'avoir un habile
Organiste pour visiter l'accord du Prestant, non tant pour en jouer comme
pour avoir bonne oreille. Si le premier des jeux, qui est le fondement
des autres, n'est pas bien d'accord, on ne peut attendre autre chose des
autres qu'un perpétuel battement qui sera si rude à l'oreille
qu'il vaudrait beaucoup mieux ne se servir point de telles Orgues. En sixième lieu, il faut voir si chaque jeu répond au Prestant pour l'accord et pour l'égalité des tuyaux et qu'ils parlent tous nettement sans qu'il manque aucun tuyau. En septième lieu, il faut considérer si le sommier et les
abrégés sont bien faits, ce que l'on connaîtra, quant
au sommier, en voyant la disposition des tuyaux qui y sont placés,
et particulièrement si les chapes et les registres joignent bien,
s'ils glissent facilement et si la réserve du vent est si bien
fermée que le vent n'en sorte qu'en ouvrant les soupapes. Finalement,
si le regard est fait bien à propos pour visiter les soupapes et
pour y remédier si par hasard il s'y engage quelque ordure. En huitième et dernier lieu, il faut voir si les soufflets sont
bien étanches et si le vent ne se perd point. On peut y remédier
en collant de petites pièces de cuir aux endroits par où
le vent sort. Mais si le vent des soufflets est trop lâche et trop
faible, sans toutefois qu'on l'entende sortir, cela provient de ce que
les Facteurs n'ont pas frotté le bois de colle par le dedans et
que le vent passe à travers les pores. Quant aux jeux d'anches, il suffit d'observer s'ils parlent promptement et nettement.
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