Traité de l'Orgue de Marin Mersenne


PROPOSITION V.

Déterminer quelle doit être la largeur , & la hauteur de la bouche des tuyaux , & la largeur & l'épaisseur des languettes.

 

 

 

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Les figures de la page précédente montrent la proportion qu'il faut observer à la bouche des tuyaux, dont la longueur, que l'on prend au milieu de la lame depuis G jusqu'à H est la quatrième partie de la largeur C D , lorsque les tuyaux sont bouchés. Les Facteurs la divisent en quatre parties égales afin d'en prendre une pour la longueur, ou la largeur de la bouche. Ils coupent la piece qui couvrait l'ouverture G E H F. G E ou H F montre que la hauteur de la bouche doit avoir le quart de sa largeur de sorte que la division en quatre parties égales est très fréquente dans la fabrique des Orgues, aussi bien que dans l'harmonie de Pythagore.

Mais la largeur de la bouche des tuyaux ouverts ne doit être que de la cinquième partie de la largeur du corps du tuyau. Comme il est difficile de prendre la cinqième partie pour la bouche des moindres tuyaux , on peut utiliser un triangle dont la base est divisée en cinq parties égales. Les lignes que l'on tirera de la base jusqu'au sommet donnera l'ouverture de la bouche des moindres tuyaux.
Si l'on suppose que la largeur du plus gros tuyau est égale à la ligne B C , c'est chose assurée que la largeur de sa bouche sera égale à la ligne D E et que le tuyau qui fera l'octave en haut aura la largeur de sa bouche égale à la ligne F G parce que la largeur de son corps sera égale à la ligne H I . On trouvera la largeur de toutes les bouches des tuyaux en appliquant leurs largeurs à celles de ce triangle qui contient une infinité de différentes largeurs que l'on peut appliquer en les haussant depuis B C jusqu'au sommet A.
Pour les tuyaux bouchés, on n'a pas besoin d'un triangle parce que la largeur de leur bouche contient le quart de leur largeur quoi que l'on puisse accomoder cette division dans tel triangle que l'on voudra.

Quant aux languettes, elles servent de langue à la bouche des tuyaux car elles coupent et fendent le vent. Leur largeur N H (diamètre) est égale à la base des tuyaux qu'elles couvrent entièrement excepté au lieu de la bouche qui donne libre entrée au vent que l'on pousse par l'ouverture du pied du tuyau I K (sur la 4e figure).
L'épaisseur des languettes L G ou M H doit avoir le tiers de la hauteur de la bouche et sa taille, ou sa coupe, doit être faite en biseau* ou en talus, de sorte que cette épaisseur s'incline d'environ 22 degrés, ou du quart d'un angle droit (plutôt la moitié, non ?), vers le corps.

Cette coupe doit être faite nettement afin que le tuyau parle bien et la matière de la languette doit être composée d'une partie d'étain fin pour quatre de plomb.
Si les tuyaux pouvaient recevoir leur vent commodément sans leur pied, leur corps suffirait avec cette languette. Mais comme ils sont nécessaires, il faut les expliquer par cette figure (4) L M I K qui fait un cone renversé dont la base est celle du corps du tuyau. Le sommet du cone est tronqué afin d'avoir le trou I K qui porte le vent du soufflet jusqu'à la languette.
Ces pieds sont de la longueur que l'on veut car il suffit qu'ils portent leurs tuyaux et qu'ils entrent dans le trou de la chape d'où ils puisent le vent. Leur matière peut être de plomb, de bois, ou de métal que l'on voudra. Il est plus aisé et plus à propos de faire les pieds de même matière que les corps du fait que leur coupe se fait dans la même lame de métal que le corps.

On peut aussi faire les tuyaux d'Orgue en verre, en carton, de plumes et de cire, qui sonnent aussi bien que ceux de bois ou d'étain.

* C'est le nom actuel de cette partie du tuyau d'orgue.

 

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