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MIROIR DES ORGANIERS ET ORGANISTES
Arnold
Schlick - 1511 Schlick, qui vécut à Heidelberg entre 1460 et 1521, a beaucoup voyagé et a connu de nombreux organistes et facteurs d'orgues. Parmi ces premiers, il rencontra à plusieurs reprise P. Hofhaimer. Son traité est intéressant sur l'aspect de la facture d'orgue de son temps qui en était à un tournant entre le "blockwerk" (orgue à plans sonores fixes) et l'orgue à registres séparés, de l'interprétation de la musique d'église ainsi que la manière de l'accompagner à l'office. Très utile miroir des organiers et organistes à l'usage
de toutes les abbayes et églises désireuses d'entretenir
ou de faire construire des orgues. L'auteur en est le très célèbre
et très artiste Maître Arnold Schlick, organiste du comte
Palatin.
Nous, Maximilien,
Empereur Romain élu par la Grâce de Dieu, Roi d’Allemagne,
de Hongrie, de Dalmatie, de Croatie, Archiduc d’Autriche, Duc de Bourgogne
et de Brabant, Comte Palatin, accordons notre faveur et tous nos bienfaits
à tous les princes Electeurs, ecclésiastiques et temporels,
Prélats, Comtes, Barons, Seigneurs, Chevaliers, Ecuyers, Commandants,
Sénéchaux, Vidames, Baillis, Gouverneurs, Administrateurs,
Fonctionnaires, Maires, Juges, Conseillers, Habitants des villes, Imprimeurs,
Libraires, Municipalités, et à tous les autres Sujets et
Fidèles, ceux des nôtres et de l’Empire, de nos Principautés
et Territoires héréditaires, quelle qu’en soit la dignité,
le mérite et le rang, [et] à ceux auxquels parvient notre
présente missive. Vénérables, nobles et illustres,
respectables et dévoués Seigneurs, chers Neveux et Oncles,
Princes Electeurs, Princes et Fidèles. Cher et fidèle à
nous-même et à l’Empire, notre Maître Arnold Schlick,
Organiste à Heidelberg, nous a fait savoir qu’en réponse
aux prières et demandes réitérées et multiples
de la part du Comte Palatin Philippe et d’autres Princes, et personnes
de rang ecclésiastique et temporel, I'a recueilli avec diligence
et patience en un petit livre, la présentation, l’enseignement
et l’instruction relatifs à la manière dont il convient
d’arranger et d’accorder un jeu fait selon les règles de l’art,
composé de tuyaux et d’autres choses, au chant du chœur et à
l’organiste. Pour le Roi. A la requête de Sa Majesté Impériale L’ingratitude, ainsi
que l’enseignent les anciens sages, mérite, plus que tout autre
défaut, d’être repoussée. Mais tandis que moi-même,
Arnold Schlick, Serviteur du Palatinat et le moindre parmi d’autres organistes,
ai été créé par le Tout-Puissant dans ma condition
humaine, et (ainsi que l’écrit Tullius) non pour moi seul, je reconnais
ne pas m’être suffisamment appliqué au cours de ma vie à
rendre grâces et louer Dieu. J’ai reçu la grâce, la
faveur, les émoluments et avantages particuliers de plus d’un homme,
ecclésiastique ou laïc, de haut rang ou de condition modeste,
et plus particulièrement jadis de son illustre Excellence Prince
et Seigneur, Sire Philippe, Comte Palatin du Rhin et Duc de Bavière,
Ecuyer et Prince Electeur du Saint Empire Romain [auquel j’adresse ici]
mon respectueux souvenir, mais aussi de Sire Louis, Prince Electeur, de
Sire Philippe zu Freisingen, de Sire Johannsen, Evêque de Regensburg,
des précepteurs de Sire Frédérique, de Dame Elisabeth,
Margrave de Bade et de ses frères et sœurs, du Comte Palatin et
de la Comtesse Palatine, du Duc et de la Duchesse de Bavière, de
mes très bons et bons Seigneurs, Dames et Damoiselles. C’est pourquoi
j’ai pensé qu’il ne serait que juste de mettre à profit
le temps qu’il me reste (puisque l’homme a sur l’animal l’avantage de
la volonté) et de ne pas disperser inutilement mon temps comme
les animaux de raison qui, par nature, inclinent leur tête vers
la terre et vivent selon la loi de leur ventre. Il convient donc, afin
d’être considéré comme un homme reconnaissant de la
grâce et des dons qu’il a reçus, d’exprimer cette reconnaissance
par un ouvrage à la gloire et à la louange de Dieu qui réjouira
et divertira mes très bons et bons Seigneurs, Dames et Damoiselles
cités plus haut et tous les bons Chrétiens; que d’autres
aussi qui auront été dotés de Dieu et de la nature
de plus de savoir et d’expérience en cet art que moi, veuillent
corriger, compléter et parfaire ce que je n’ai su qu’imparfaitement
composer afin que les gens oisifs et avides d’art, (pour lesquels) de
nouveaux domaines ne font qu’accroître l’ennui de la lecture, soient
incités à lire notre ouvrage. Le premier chapitre. Traite de la manière dont les jeux doivent être installés selon les églises afin qu’elles soient correctement entendues, vues et qu’elles offrent la garantie de leur longévité. Le deuxième chapitre. Traite de la mesure des tuyaux, une bonne mesure pour le chœur selon laquelle il sera facile de chanter et pour l’organiste de jouer. Le troisième chapitre. Enseigne à faciliter aux organistes l’usage des jeux conformément à la pratique contemporaine. Le quatrième chapitre. Traite de la propriété des tuyaux et du métal. Le cinquième chapitre. Des registres. Le sixième chapitre. De la mixture ou locatz. Le septième chapitre. De la manière dont chaque chœur (plan sonore - (3) -) se présente en lui-même et ensuite des rapports qu’ils doivent mutuellement entretenir.Le huitième chapitre. Comment et à quel moment il convient d’accorder un jeu. Le neuvième chapitre. Traite du sommier du jeu. Le dixième chapitre. Traite du vent et des soufflets. Que l’on voie où
le jeu doit être monté afin qu’on l’entende convenablement
en tout point de l’église pas trop loin du chœur comme cela se
fait parfois dans certaines grandes églises où les personnes
qui chantent entendent à peine si l’organiste accompagne le chant
choral ou s’il joue autre chose; cela se produit précisément
lorsqu’il utilise chaque registre isolément, chacun ayant une faible
puissance, et non pas le plein jeu (ganz Werck); [dans les églises]
où l’organiste peut à peine entendre ce que le prêtre
à l’autel chante ou percevoir le moment où le chant s’achève
; — car c’est alors qu’il revient à l’organiste de commencer —
comme par exemple après le Gloria in excelsis, après
l’Epître, parfois avec le Pater et l’Offertoire, après la
Préface, le Sanctus etc. .. Et lorsque le jeu peut être
placé soit contre un mur, soit de manière plus pratique,
au milieu de l’église, voire qu’il apparaisse face au spectateur,
c’est par un effet de décoration recommandable; car bien que les
orgues soient destinées avant tout à l’ouïe et à
la louange de Dieu, ainsi qu’à la contemplation des choses célestes,
mais aussi au soutien des chantres du chœur, elles n’en contribuent pas
moins à l’ornement des églises dans la mesure où
elles présentent un bel aspect, et suscitent le recueillement grâce
à de nombreuses représentations et peintures, non pas celles
qui excitent au moyen de facéties frivoles ou licencieuses comme
il en a été faites au cours des dernières années
dans un monastère d’un ordre mendiant la figure d’un moine d’une
taille assez grande qui, lorsqu’on jouait de l’orgue, tombait presque
jusqu’à la ceinture d’une fenêtre placée sous l’orgue,
pour se mettre à nouveau à sa place initiale. Plus bas,
jeunes et vieux, hommes et femmes en étaient souvent effrayés.
Les uns se mettaient à jurer, les autres en riaient; ce qui, à
bon droit, devait être proscrit dans les églises et plus
particulièrement chez les clercs. De même, les visages des
Rohraffen (4), avec leurs
larges gueules qui s’ouvrent et se ferment, avec leurs longues barbes,
ainsi que les grandes statues qui frappent sur de petits sacs d’étranges
divertissements; de même, les étoiles articulées à
grelots, et d’autres choses du même ordre, tout cela n’a pas sa
place dans les églises; mais à côté de l’endroit
où notre Seigneur consacre son église, le diable dresse
son propre établi; quant au salaire que mériteront ceux
qui s’appliquent à effrayer de la Sorte le peuple, à le
troubler dans sa méditation et ses bonnes œuvres et à l’exciter
au mal, j’en laisse à leurs frères en prières le
soin de l’estimer! Il n’est pas nécessaire de mettre des poux dans
la fourrure ou d’envoyer des voleurs à la foire de Francfort; ils
y viennent d’eux-mêmes, et plus tôt qu’on ne le désire.
De même le soubassement ainsi que la charpente dont le soin de la confection revient aux menuisiers, seront construits afin que ça ne cède, ni ne penche de côté ou ne s’effondre lorsqu’on y pose le sommier et les tuyaux; cela se passait encore naguère dans une fondation épiscopale, ce qui occasionna de profonds désagréments et des frais importants. Le jeu (d'orgue) doit être adapté au chœur et correctement accordé pour le chant; car là où l’on n’observe pas cela, les gens devront chanter souvent trop haut ou trop bas; l’organiste devra alors jouer sur les touches noires, ce qui ne convient pas à tout un chacun. Mais quant à savoir quelle doit être cette mesure des tuyaux afin qu’elle convienne au chœur pour ses chants, cela ne peut être donné de manière tout à fait précise et certaine; car en un lieu on chante plus haut ou plus bas qu’en un autre selon que les gens ont des voix aiguës ou graves; mais, dans la mesure où le corps du tuyau le plus long, à savoir le fa sous le gama-ut (5) au pédalier, comporte, du bord supérieur jusqu’au pied, seize fois la longueur portée ci-contre (119 mm x 16, soit 1,90 m – environ 5,8 pieds. 6 pieds à Heidelberg ? ), ce sera là à mon avis, une excellente mesure de chœur. (Chormass). Mais si l’on souhaite un jeu d’une quinte plus grave, le c-fa-ut au pédalier doit alors comporter cette longueur (?). Mais si l’on souhaite un jeu encore plus grave on rabaissera l’une des mesures définies ci-dessus d’une octave. Sur les très grands jeux, où le tuyau le plus grave est de 20, de 24 ou de 30 pieds de long, comme on en trouve en de nombreux endroits, et que les anciens ont construit à grands frais, il n’est pas commode d’entendre distinctement ce qu’on y joue du fait du timbre grave et de l’abondance des tuyaux. De même les organistes ne peuvent y exécuter leurs pièces de manière aussi libre et avec la même maîtrise que sur les petits jeux à cause de la force du vent, de la taille des soupapes, des ressorts de soupapes, des vergettes, des rouleaux d’abrégés et de toutes les autres [pièces] qui alourdissent [le jeu] comme le savent les organiers et les organistes. En outre pour un
assez petit jeu (d'orgue) je conseillerais de prendre 16 fois la mesure
présentée plus haut (119 mm x 16) pour le fa sous
le gama-ut; et pour un jeu plus important, le tuyau le plus grave
aura une longueur double. La cause en est que la plus grande partie du
chant choral finit in gravibus (6);
par exemple in primo tono (7)
: Salve regina, Ave
maris stella, Gaudeamus, Vita Sanctorum, et toutes les autres de la
même sorte conviendront au chœur sur g-sol-re-ut; et il sera
facile d’y joindre un contraténor bassus (frey bass contra)
à l’octave, le pédalier permettant de clausuler et finir
sur le Gama-ut, mais il sera facile également de conduire
le chant choral au pédalier; en effet sur les autres jeux, dans
la mesure où le chant dont il est question ici doit être
exécuté à partir du d-sol-re, le pédalier
ne permet pas de monter à l’octave supérieure, ce qu’exige
parfois le chant choral et le contraténor bassus; l’organiste doit
par conséquent avoir recours au clavier manuel à la manière
de l’usage que l’on observe dans les pays situés au-delà
des frontières allemandes. En outre, la mesure de ces tuyaux acceptera également le chant choral en troisième ton, à partir d’a-la-mi-re, comme Pange lingua, A solis ortus, Hostis Herodes, etc. De même le chant choral en cinquième ton qui monte pratiquement à l’octave supérieure, voire au-delà, conviendra bien au chœur en commençant sur f-fa-ut. Cependant le chant qui ne monte pas dans l’aigu, mais qui demeure toujours dans le grave, comme par exemple en sixième ton, on l’exécutera de préférence sur b-fa-b-mi; un organiste adroit saura s'en tenir à cela selon la voix des chantres. De même, le
chant choral en septième ton convient également plutôt
à la mesure que nous avons indiquée plus haut qu’à
l’autre mesure à la quinte inférieure, et un tel chant devra,
sur un orgue dont les tuyaux auront ces mesures-ci, être exécuté
sur ses notes et ses touches régulières et naturelles, à
partir de g-sol-re-ut à la manière aussi du premier
ton dont il a été question plus haut. Les deux tons dont
nous venons de parler seront donc intonés sur une même note,
à une hauteur et un son uniques que le chœur pourra chanter correctement
et sans difficulté; mais comme avec l’autre mesure l’organiste
ne peut pas jouer le premier et le septième ton à partir
d’une même note, il intonera le septième sur c-fa-ut;
quant au premier ton, il ne I’intonera pas sur cette touche-là,
mais sur d-sol-re; le choeur devra donc chanter un ton plus haut.
Il en va de même pour [les mélodies] du troisième
ton sur e-la-mi qui sont également intonées
un ton plus haut; l’organiste peut alors jouer en musica ficta le
mi in d-sol-re (8), chose
qu’il est certes facile de faire, mais qui ne convient pas à chacun. De même certains chants chorals comme la séquence De Sancta Trinitate, Benedicta sit semper, Et in terra summum, qu’il est de coutume de chanter chez nous, commencent sur le septième et le huitième tons et s’achèvent en premier ton. Il est beaucoup plus pratique pour un organiste de jouer cela en g-sol-re-ut, puisqu’il placera mi et fa sur b-fa-b-mi conformément à la mélodie du chant choral en question. Et s’il doit jouer un tel chant à partir de c-fa-ut, il placera mi et fa sur e-la-mi ou sur f-fa-ut [s’il le joue] en d-sol-re; à moins qu’il sache, ainsi qu’il sied et convient de la part d’un maître organiste, jouer de manière achevée et certaine sur les touches noires, en quoi toutefois tout le monde ne s’est pas rendu maître, la première mesure dont nous avons souvent parlé conviendra mieux de la sorte que la seconde. Deuxièmement, si la mesure que nous venons de décrire est meilleure que l’autre, la raison en est que le chant choral ne clausule pas aussi souvent en a-la-mi-re qu’avec l’autre mesure, car dans la clausule sur a-la-mi-re le post-sol (10) est trop haut, comme nous le verrons plus loin (chapitre 3). Troisièmement,
la première mesure que nous venons de décrire est la meilleure
à cause de certains nouveaux registres ou tuyaux, comme les courtauds
ou les cromornes et les trompettes, comme on les fait à présent,
lesquels dans l’autre mesure deviennent trop aigus ou trop graves, et
ne reçoivent pas leur juste proportion, comme en cette dernière.
Le troisième
chapitre enseigne comment, troisièmement, il s’agit de prêter
une attention particulière et de s’appliquer à faciliter
aux organistes l’usage des jeux; on veillera à ce que le clavier
manuel présente 24 touches naturelles (claves naturales), quatre
fa et quatre la, c’est-à-dire trois octaves et une
tierce majeure (du fa 1 au la 4); les touches ne doivent pas être
trop espacées ou trop larges comme les faisaient parfois les anciens,
ou trop petites ou trop étroites comme on en trouve sur certains
jeux, comme si des enfants devaient y jouer elles seront bien plutôt
d’une mesure telle que l’organiste puisse exécuter quatre ou cinq
sons et plaquer une octave. Cette octave sera d’une longueur égale
au double du trait porté ci-contre (2 fois 99 mm – presque 20 cm). De même les
ressorts de soupape (Schern) ne doivent pas être trop courts,
sinon ils rendent le clavier dur et résistant. On veillera également
à accrocher les vergettes (Zug) aux soupapes de manière
à ce qu’elles s’ouvrent aisément sans que toutefois les
touches ne s’enfoncent trop; lorsqu’elles sont accrochées à
l’avant des soupapes, les touches doivent descendre plus bas que lorsqu’elles
sont accrochées plus en arrière. On veillera également
aux fers d’abrégés (Ermlein der Wellen); dans la
mesure où les trous dans lesquels sont accrochées les vergettes
se trouvent à proximité des abrégés, le clavier
devient d’autant plus dur et plus résistant; et plus on les éloigne
des abrégés, plus celui-ci gagne en légèreté
et moins il demande d’effort; de même on veillera à la manière
dont on suspendra les vergettes aux touches, car des longues suspendues
à la verticale des touches et des vergettes légères
en bois de sapin, contribuent à rendre aisé le jeu du clavier
en ce que les touches ne descendent pas trop bas ou ne sont pas trop dures,
comme cela arrive lorsqu’on ne veille pas à ces choses-là;
il est en effet très important de pouvoir jouer de cet instrument
et d’exécuter les traits comme il est aujourd’hui en usage, ce
que les organiers feraient bien de prendre en considération afin
de rendre les jeux propres à l’usage auquel ils sont destinés,
Il faut y jouer avec les doigts, le clavier doit donc ne pas être
dur, raide ou sec, comme si l’on frappait les touches avec des
maillets ou des marteaux de tonneliers. Pour bien réaliser librement au pédalier un contraténor bassus il est à mon avis nécessaire de disposer d’une douzième à partir du fa sous le gama-ut jusqu’au c-sol-fa-ut, c’est-à-dire de douze touches naturelles y compris les demi-tons intermédiaires (de fa 1 à ut 3); sur un tel pédalier on pourra réaliser bien des choses, on peut jouer non seulement une voix dans le haut ou dans le bas, mais aussi deux ou trois voix simultanément; cela sonne tout à fait pleinement et magnifiquement avec les autres voix ; mais il est tout aussi agréable d’écouter deux voix au pédalier, puis de nouveau au clavier, et ainsi de suite selon l’intelligence et le savoir-faire de l’organiste; cela comme une modification étrange mais plaisante pour l’oreille. Et quoique certains estiment que les deux demi-tons inférieurs du post-fa et du post-gama-ut sont inutiles, pour la raison évoquée plus haut, on ne les omettra pas; c’est comme si l’on se gâtait une bonne échelle en lui ôtant deux degrés. Ceux qui partagent cet avis et en parlent ainsi se trompent; j’ai dit et montré à certains d’entre eux combien ces touches en question servent bien le chant choral et d’autres bonnes consonances. Mais le fait que ce n’est pas à la portée de tout un chacun de s’en servir, cela ne doit pas justifier leur absence et permettre de laisser un jeu tout entier incomplet; ce serait comme si quelqu’un désirait une maison mais qui, pour cette raison qu’il lui importerait peu de conserver des fruits, des grains ou du vin, se refuserait à construire une cave ou un grenier. Car celui qui succédera au propriétaire de cette maison et qui, lui, aura à se servir de la cave et du grenier ou de la huche pour y serrer ses provisions, aura alors à se dédommager de la maladresse du précédent propriétaire, car la maison ne sera pas parfaite. En outre les touches du pédalier ne doivent pas être trop minces ou trop fragiles car elles risqueraient facilement de se briser, comme cela se produit parfois; elles seront donc solides, d’un bon bois, de sorte que si quelqu’un, comme cela se produit quelque fois lorsque la banquette est trop à l’étroit, devait marcher sur le clavier, les touches n’en souffrent pas. De même, les touches en question ne doivent être ni trop courtes ni trop longues, mais d’une mesure convenable de sorte qu’une touche, depuis la planche par où elle passe jusqu’au liteau qui repose sur elle à l’arrière, ait cinq fois la longueur portée ci-contre (5 x 61 mm = 30,5 cm). De même, veille à ce que ces touches ne soient ni trop étroites ni trop larges comme on les trouve en beaucoup d’endroits, mais d’une mesure moyenne, utilisable par chacun et qui permette de tenir deux sons d’un seul pied. Donc, que la largeur de trois touches, y compris les deux intervalles qui les séparent, ait la dimension portée ci-contre (185 mm). En outre, les touches et les intervalles qui les séparent n’auront
pas la même largeur mais les touches seront plus étroites
et pas aussi larges que les intervalles; l’organier veillera à
cela et à toutes les choses de même ordre et donnera à
chaque chose sa mesure. De même, l’avant
des touches noires ne doit pas se dresser vers le haut, mais descendre
horizontalement; elle dépassera la planche (Brett) du cinquième
de la longueur des touches longues représentée plus haut
(61 mm); elles ne seront pas aussi hautes que Iongues ; cela sert volontiers
à renforcer la précision du contraténor bassus. De même, les claviers manuels doivent être placés suffisamment haut au-dessus de celui du pédalier afin que l’organiste ne butte pas avec ses genoux contre le clavier. Car lorsqu’il y a deux claviers et que celui du dessous est trop bas, l’organiste n’a guère de place, surtout lorsqu’il a de longues jambes; il n’est guère commode d’indiquer quelle hauteur il doit y avoir entre le pédalier et les claviers ou encore la hauteur que doit avoir le siège, étant donné que les personnes sont les unes plus grandes, les autres plus petites. Cependant je veillerais à ce que la distance séparant le clavier supérieur des touches du pédalier comporte six fois la longueur portée ci-contre (6 x 153 mm = 91,8 cm). Si donc ils sont à cette distance l’un de l’autre, cela devrait convenir, à mon avis, à un homme de taille moyenne. Mais un jeu ne comporterait-il qu’un seul clavier, on rabaissera dès lors quelque peu ce dernier. Lorsqu’il y a deux claviers et que le clavier supérieur se trouve environ à hauteur de hanche ou de ceinture lorsque l’organiste est assis, je pense que cela est correct, car lorsqu’il faut tenir les mains au-dessus du niveau des coudes, le jeu est plus difficile et plus dur que s’il faut les tenir à cette même hauteur ou plus bas. De même, le banc sera assez haut afin que l’organiste puisse laisser pendre et balancer ses pieds au-dessus du pédalier; car lorsque le banc est trop bas, de sorte que les pieds reposent sur le pédalier, il doit les soulever à chaque note; il ne parviendra pas à exécuter beaucoup de traits (gerede oder lauff werck) au contraténor bassus. De même, si les touches du pédalier reposent dans certains jeux à deux ou trois doigts au-dessus du sol, et si le liteau (die Leyst) qui passe à l’arrière au-dessus des touches est aussi d’une certaine épaisseur et d’une certaine hauteur, la hauteur du banc ne doit pas alors être mesurée à partir du sol ou du liteau, mais à partir des touches du pédalier cinq fois la longueur portée ci-contre (5 x 132 mm = 66 cm). De même, le banc ne doit pas être cloué, mais on doit pouvoir le rapprocher ou l’éloigner du clavier au gré de chacun. Car dans certains jeux, parmi ceux qui disposent de deux ou trois claviers, le clavier supérieur pénètre à tel point dans le jeu qu’il est difficile à atteindre et par là ne répond pas aux exigences d’un bon jeu. De même, on disposera du feutre ou du cuir sous les claviers afin d’étouffer leurs claquements et leurs heurts; il arrive en effet que les touches des claviers et du pédalier ainsi que les abrégés et les vergettes couvrent les sons des tuyaux de leur tintamarre et plus précisément lorsque l’on joue sur des registres faibles. Il vaut mieux réserver cela pour la Semaine Sainte avec ses crécelles de bois que pour l’orgue. De même les claviers ne doivent pas faire de mouvement de va et vient de sorte que l’on risque de coincer ses doigts; mais il faut qu’ils demeurent en place et que l’on enfonce également entre les touches une pointe ou un fil de fer afin que les touches ne s’immobilisent les unes les autres. Par ailleurs on évitera ainsi qu’en attaquant des tierces ou des quintes, les touches intermédiaires ou adjacentes soient enfoncées et bloquées par celles-ci de sorte qu’elles sonnent avec elles et dénaturent de leurs sons les autres, comme cela arrive fréquemment sur de nombreux jeux. Il est également pratique et agréable de disposer les claviers et le pédalier correctement les uns au-dessus des autres et de les répartir proportionnellement; car, quoique le pédalier ne présente que 12 touches, à savoir la moitié des claviers, il s’étend toutefois beaucoup plus loin que les claviers à cause des intervalles ; il est donc nécessaire de veiller à ce qu’aucun de ces claviers ne déborde trop du côté droit ou du côté gauche, mais qu’ils soient disposés de manière égale afin que l’organiste soit assis aussi commodément que possible et qu’il n’ait pas à se courber, à se pencher sur le côté, à rechercher ou avoir recours à quelque autre expédient. J’ai trouvé en effet il y a vingt ans aux Pays-Bas (16) un jeu où le pédalier était tellement décalé par rapport aux claviers, que lorsqu’on jouait aux claviers et que l’on désirait encore y joindre le pédalier, il manquait encore une quarte par rapport à la disposition traditionnelle, de sorte qu’ils sonnaient, [l’un] plus haut, [l’autre] plus bas et ne concordaient donc pas comme il se devait, Mais l’organiste de l’endroit était habitué à cet état de chose et habile [à s’en servir] alors que d’autres disaient en le critiquant qu’il le voulait ainsi et non autrement à cause des étrangers afin d’avoir cet avantage sur eux. Lorsque la touche inférieure du clavier manuel, à savoir le fa sous le gama-ut. se trouve à la hauteur de l’a-re du pédalier — ou entre l’a-re et le gama-ut — et que la touche supérieure du clavier, à savoir a-la-mi-re, se trouve à la hauteur du b-fa-b-mi du pédalier — ou entre b-fa-b-mi et a-la-mi-re —, il me semble que les claviers sont alors correctement disposés l’un au-dessus de l’autre et se prêtent à l’organiste des deux côtés, aussi bien vers le haut que vers le bas.
Le quatrième chapitre traite des tuyaux. Ceux-ci ne doivent pas être minces ou fragiles, mais d’une épaisseur et d’une solidité suffisantes pour résister au temps. De plus, pour des principaux particulièrement solides, comme pour les autres tuyaux, on choisira plutôt l’étain que le plomb. Certains utilisent le plomb pour les fournitures (Hintersatz) parce qu’il est moins coûteux, tout en pensant que ces mêmes tuyaux produiront des sons plus doux que ceux en étain; mais la différence est minime; de plus, le plomb n’est pas aussi résistant et aussi stable que l’étain, car au contact de l’humidité il s’oxyde facilement et perce par endroits. En outre il est mou et tendre, de sorte que les rats et les souris en les attaquant avec leurs dents ou en les renversant leur causent plus de dégât qu’à ceux en étain. C’est pour cette raison et pour d’autres encore que l’on n’aura aucun avantage à utiliser seulement du plomb pour les tuyaux. Certains font un alliage, moitié plomb, moitié étain, soit plus, soit moins, chacun selon son idée; mais à mon avis, l’on prendra moins de plomb et plus d’étain, voire même de l’étain pur, ce qui est encore mieux et plus solide, assurément ce métal est plus dur à travailler et à couper, surtout quand il est nécessaire de diminuer ou de corriger les tuyaux lorsqu’on les accorde; c’est la raison pour laquelle les organiers préfèrent travailler et couper le plomb ou du plomb mélangé plutôt que de l’étain pur. Il ne faut pas tolérer de telles considérations, mais veiller plutôt à l’intérêt de l’église et à ceux qui en supportent les charges financières. Mais on peut également rendre l’étain plus dur et plus solide qu’il ne l’est par nature; s’il peut répondre au présent usage, je n’en sais rien; le plus sûr, à mon avis, est un bon étain anglais, un étain d’alluvion ou d’Oberstdorf; fréquemment utilisés et en grande quantité, ces derniers ont fait leurs preuves. On s’appliquera de même à bien entonner les tuyaux afin qu’ils émettent le son correct qu’ils doivent rendre; qu’ils ne passent pas à la quinte ou à l’octave; qu’ils ne sonnent pas en sifflant, ne murmurent pas en sonnant à moitié ou même ne soient totalement muets. Mais lorsqu’on attaque une touche du doigt, si rapidement ou si approximativement cela soit-il, ils parleront pleinement et ne manifesteront nulle défaillance. Par ailleurs les organiers donnent à leurs tuyaux une certains taille (Mensur), aux uns une taille plus courte (kurz), aux autres une taille plus longue (lang), que ce soit le cinquième, le sixième, le septième, ou n’importe lequel des intermédiaires, ou plus, ou moins, selon le bon plaisir d’un chacun (17); la taille (Mass) longue sonne de manière plus douce que la taille courte. Cependant la taille courte répond plus rapidement que la longue. Je conseillerais donc ceci, comme je l’ai souvent prôné et comme j’ai ordonné de le faire, à savoir que le principal (Principal) dans un [plein-] jeu, ce registre que certains appellent copeln ou flûtes, soit composé de manière à ce que, lorsque la fourniture, la cymbale et tous les autres ont été retirés et que les principaux parlent tout seuls, chaque chœur [répondant] au clavier possède deux tuyaux égaux; [présentant] toutefois deux tailles (Mensur) différentes, l’une un peu plus courte que l’autre. Ainsi le tuyau long communique au tuyau court sa douceur et le tuyau court vient en aide au tuyau long afin qu’ils sonnent simultanément; on entendra ainsi la justesse avec laquelle joue l’organiste, ce qui, autrement, était à peine audible ou compréhensible, dans la mesure où les organiers se sont seulement appliqués à construire des tuyaux d’une taille (Mass) longue, mais sans avoir su les disposer correctement. C’est ainsi qu’il arrive souvent qu’une touche au clavier ou au pédalier mette le temps d’un Ave Maria à faire parler correctement le tuyau, voire même qu’elle n’y parvienne pas. Et cela encore dans les jeux qui viennent d’être construits, vérifiés, montés et déclarés comme étant corrects, de sorte que c’est à faire pitié que de voir avec quelle insignifiance et quelle légèreté on veille aux biens spirituels.
CINQUIEME CHAPITRE. Le cinquième
chapitre traite des registres. Il n’est pas recommandable de monter trop
de registres, précisément ceux qui sonnent à peu
près de la même manière; on accordera par contre toute
son attention à ceux que l’on entend et dont on reconnaît
distinctement le timbre. Huit ou neuf registres bien composés et
bien distincts les uns par rapport aux autres sauront procurer un grand
plaisir à l’oreille. Mais quant à savoir comment sont faits les tuyaux dont je viens de parler et ceux que nous évoquerons plus loin, je n’en dirai rien ici par complaisance envers les organiers afin que l’on ne m’accuse pas de dévoiler les secrets de leur art et de les divulguer en en tirant un profit ou de récolter ce que d’autres ont semé, Ils jouissent à bon droit de leur travail, leur art et leur adresse. Au pédalier
l’octave s’associe bien avec le principal; mais que le principal puisse
être retiré lorsqu’on voudra faire sonner l’octave seule
ainsi que la fourniture. On peut associer les
registres selon de très nombreuses manières et les varier,
produisant ainsi à l’écoute des sonorités insolites.
Aussi n’y a-t-il aucun registre qui s'accorde mal avec les courtauds et
les trompettes, et d’autant plus particulièrement que la fourniture
tranchera nettement et proprement et ne se présentera pas comme
une grande fourniture (Mixtur); associée aux deux registres
dont on a parlé plus haut, à savoir les courtauds et les
trompettes. Enfin lorsque l’on tire les registres, il est plus facile de les tirer vers le haut, vers le bas ou de côté que en avant vers l’organiste, ceux qui dépassent de la console (Corpus) d’une longueur d’empan doivent être tirés avec difficulté et force, ne contribue en aucune manière au ménagement [de l’orgue].
Le sixième chapitre traite de la fourniture (Mixtur) ou Iocatz; il revient à chaque organiste de considérer la hauteur et la largeur ou la grandeur de l’église et de régler en conséquence la puissance de la fourniture tout en tenant compte de la grandeur ou de la petitesse du jeu; dans le petit jeu dont la mesure a été donnée au second chapitre, seize, dix-sept ou dix-huit tuyaux environ sur le chœur supérieur suffiront à mon sens dans une grande église et seront suffisamment audibles, par ailleurs la mixture doit nettement trancher, non pas à l’aide de quintes ou de tierces que l’on devra à peine entendre et qui contreviennent à l’homme de bon sens pour lequel elles sonnent avec plus de laideur que de gaieté. Elles ne produisent rien d’agréable, mais gâtent au contraire beaucoup de bons intervalles (Species) et accords (consonantzen) par leur criaillerie; on remarquera cela de la manière suivante lorsqu’on touche une autre quinte c-fa-ut et g-so/-re-ut chacun comportant lui-même déjà une quinte, celle-ci étant d-la-sol-re pour g-sol-re-ut, il résulte donc une dissonance d’une neuvième ou d’une seconde avec le c-fa-ut du bas. Les tierces produisent des dissonances analogues en associant l’e-la-mi au c-fa-ut, la quinte en e-la-mi, à savoir b-fa-b-mi, sera la septième de c-fa-ut. Et ce n’est pas seulement le cas pour les quintes telles qu’elles ont été faites par les anciens et telles qu’on les trouve encore sur certains jeux, mais aussi pour celles qui sont à l’octave supérieure, à la douzième même si elles ne sonnent pas aussi fort ou dur que les précédentes; on tâchera toutefois de les éviter car, aussi petites soient-elles, on les entend, que ce soit au clavier et au pédalier. Il ne faut pas non plus surcharger d’autres grands tuyaux qui rendent le jeu rauque et grossier et le font grogner comme des pourceaux. Au contraire, à l’aide de petits tuyaux qui seront correctement proportionnés, on fera une bonne fourniture tranchant en douceur et quoique celle-ci puisse également comporter de petites quintes, on ne devra cependant pas les entendre; elles contribuent au contraste et à la puissance.
Au septième chapitre il est dit que chaque chœur doit être par lui-même pur et régulier, mais aussi que les chœurs, les uns par rapport aux autres, du bas jusqu’en haut, doivent être correctement proportionnés; ils ne doivent pas se couvrir les uns les autres, l’un devant sa puissance à de bons tuyaux, le chœur d’à côté devant sa faiblesse à ses mauvais tuyaux ou aux trois ou quatre tuyaux qui lui font défaut d’où il résultait que tous ne sont donc pas en excellent état. Quelquefois on trouve des chevilles enfoncées en avant des tuyaux, dans les trous de la laye; ceci est presque aussi laid et constitue un grand défaut que lorsque les chœurs ne sont pas égaux, en un endroit, en haut, dans le déchant (Discant), ou en bas, ils sont plus forts ou plus faibles. De même, le pédalier et le clavier doivent nettement se distinguer l’un de l’autre. De même dans chaque registre on comparera les chœurs afin qu’il n’y ait pas un tuyau qui sonne librement et fort et que l’autre I'on ne l’entende à peine de moitié, comme on l’a dit plus haut. De même, il est nécessaire que chaque touche, sur l’ensemble du clavier et registre, ait son propre chœur et ne soit pas une fiction comme dans certains jeux lorsqu’un ou plusieurs registres ne peuvent descendre plus bas que le c-fa-ut ou b-mi, et que les touches plus basses parlent à d’autres registres ou même demeurent muettes; ceci est le fait d’une mauvaise facture et il est maladroit de la part des organiers d’estropier et de mutiler ainsi un jeu car, comme le dit le philosophe, un élément difforme modifie profondément le corps tout entier en lui donnant une forme disparate. Quelles sont alors la correction et l’harmonie d’un jeu auquel manquent de nombreux membres? Le huitième
chapitre traite de l’accord des orgues et indique le moment auquel il
convient de le faire, la manière dont chaque chœur doit être
accordé dans les aigus ou dans les graves, la manière dont
on y réalisera les intervalles ou les accords, à savoir
l’unisson, la quinte, l’octave, la quarte, la sixte, la tierce, au moyen
desquels s’effectue toute la musique vocale ou instrumentale. (Consulter
une version simplifiée de ce tempérament). De même, si
l’on superpose trois tierces parfaites, chacune étant bonne en
elle même, le dernier son sera à l’octave du premier, mais
toutefois trop bas et pas assez haut, comme par exemple c-fa-ut, e-la-mi,
post-sol (sol#) ou fa in a-la-mi-re (la b), et c-sol-fa-ut. Si l’on
prend par ailleurs une quinte parfaite et sur cette même quinte
une quarte bonne en elle-même, cette dernière sera alors
trop haute par rapport à la première et [l’octave ainsi
obtenue ne sera] pas une bonne octave; ainsi c-fa-ut, g-sol-re-ut,
c-sol-fa-ut : c-sol-fa-ut est trop haut par rapport au c-fa-ut
de l’octave inférieure. Ainsi, commence sur
f-fa-ut au clavier et prend sa quinte ascendante c-sol-fa-ut
(23); cette dernière, ne l’accorde pas
trop haut ou tout à fait juste, mais abaisse-là (in die
niedere schweben) (24) autant
que l’oreille pourra le tolérer; (et) cependant qu’à l’usage
une telle quinte ne retienne pas facilement l’attention; mais, lorsque
l’on fait sonner les touches ou les chœurs des quintes en question, et
qu’on les maintient un moment, il faut que l’on entende que cela sonne
de manière instable avec des tremblements, résistent et
tendent, tant bien que mal, à se fondre l’un dans l’autre. Voyons à présent
ce qu’il en est des demi-tons, des bémols ou des feintes (Semitonien
oder b mollen oder Conjuncten) quelle que soit leur dénomination. C’est pourquoi il
est nécessaire que [les sons] soient tempérés et
accordés de sorte que l’on puisse s’en servir selon que l’exige
la musique car les demi-tons n’ont pas été inventés
ou faits en vain. Mais certains sont d’un autre avis et prétendent
qu’il vaut mieux ajuster le post-sol à l’e-la-mi et
au b-dur pour clausuler en a-la-mi-re, que de l’ajuster
au c-sol-fa-ut et au post-re. Cela m’étonne beaucoup
de leur part qu’ils affaiblissent ainsi la musique et lui ôtent
sa spécificité propre, à savoir la douceur des accords
justes et ceux étranges. Poursuis et reprend sur b-fa-b-mi, mi ou b-dur ; il s’ensuivra alors le reste des demi-tons. Ainsi donne à b-dur sa quinte ascendante mi in f-fa-ut, c’est-à-dire post-fa, ou encore fis, et abaisse-la légèrement afin que la tierce [que forme le post-fa] entre d-sol-re et a-la-mi-re ou encore que la sixte parfaite [avec l’octave inférieure d’] a-la-mi-re renforcée de la quinte [descendante] d-sol-re soient utilisables et ne soient pas trop hautes; conformément au fréquent usage de la clausule en g-sol-re-ut,tandis que l’on utilise et apprécie rarement le d-sol-re dans la quinte b-dur et post-fa; [accorde ensuite] assez justement post-fa à sa quinte supérieure, fa in d-la-sol-re [ou] post-ut, ou encore cis, afin que l’on puisse l’utiliser avec a-la-mi-re et e-la-mi, comme une clausule habituelle en d-la-sol-re. Et quoique le post-ut en question soit trop bas par rapport à sa quinte supérieure post-sol, cela n’a pas d’importance car on ne l’utilise pas, à moins de jouer intégralement per fictam musicam; c’est-à-dire sur toutes les touches noires, ce qui est sans nécessité; et les compositeurs n’écrivent aucun chant intégralement en notes étrangères. A moins que l’un d’eux cependant se mette, par curiosité ou par goût de l’étrange, à progresser per fictam musicam, le premier ton en b-fa-b-mi, par exemple, ou le cinquième en e-la-mi etc. .. L’organiste cependant n’est pas tenu pour autant de le jouer selon ces notes, mais pourra au contraire le transposer vers le haut ou vers le bas afin d’éviter l’usage des demi-tons qui sont les plus dissonants, a savoir post-ut et post-sol. C’est encore ici le lieu d’examiner en quelle période de l’année il convient d’accorder les orgues. Les organiers répondent à cela qu’il est préférable de les accorder en été plutôt qu’en hiver à cause du froid, car lorsqu’on enlève les tuyaux ils se réchauffent entre les mains de sorte qu’ils changent de son et deviennent plus aigus. Lorsqu’on les replace ensuite sur les sommiers, il faut attendre qu’ils aient refroidi pour entendre leur sonorité exacte; de plus, il est bon de mettre des gants de cuir pour saisir les tuyaux, froids par nature, afin que le métal ne reçoive aucune chaleur, comme celle des mains. De même, il arrive fréquemment en hiver, lorsqu’on essaie un tuyau en soufflant à l’intérieur, que l’humidité par le pied du tuyau parvienne jusqu’à l’embouchure où elle gèle et modifie le son de sorte qu’il faut le sécher au-dessus du feu ou autrement. De même les courtes journées d’hiver ne permettent pas de travailler beaucoup, à moins d’utiliser des chandelles. C’est pour toutes ces raisons et pour d’autres encore qu’il est plus commode et plus avantageux d’accorder en été. Mais je ne saurais dire si les jeux accordés en hiver ou en été seront d’autant plus résistants; je connais en effet des jeux accordés en hiver qui pour l’instant tiennent encore leur accord, mais j’en connais également de semblables qui ont été ainsi accordés en été. Le neuvième chapitre traite de la laye (Laden) ; elle sera faite dans du bon chêne dont le bois sera brillant, bien travaillé, sans nœuds, d’une belle espèce, vieux et sec et dont la madrure ressemblera presque à une toile faite de poils de chameau ; certains parlent en effet d’un bois de chêne " glacé " (gespigelt) ; on utilisa également du noyer pour faire les layes quoique le chêne jouisse d’une plus grande considération. Ainsi, on extrait le cœur ou l’aubier; on retournera alors le bois en le superposant aubier contre écorce, et plus on en superpose, mieux cela sera; lorsque de ces morceaux il y en a trois ou plus, on pourra encore les inverser selon la longueur de telle sorte que le bois ne se trouve nulle part réassemblé de la manière dont il se présentait à l’origine, et on les réunira à l’aide d’une bonne colle d’arquebusier; on creusera proprement les trous de chape (sauber zellirn); les gravures (Zellen) et les autres trous seront imbibés avec une bonne quantité de colle. D’autre part le sommier, les registres et les soupapes seront bien ajustés de sorte qu’en s’assemblant ils reposent bien et de manière précise les uns sur les autres ainsi que savent le faire les maîtres organiers eux-mêmes ou le bon menuisier; il est nécessaire et bon que l’on fasse cale de cette manière. De même les registres (Registet) ne seront pas trop minces au point que l’on soit obligé de les contraindre avec force à rester droits et à garder leur forme originelle; au contraire, d' une épaisseur de quatre doigts, et s’ils sont taillés dans la matière d’un beau bois de chêne, ils resteront alors droits, coulisseront facilement — à condition que la pression exercée par le haut et destinée à bien les appliquer ne soit pas trop forte —; et ainsi, puisqu’ils ne se tordront pas, il sera d’autant plus facile et plus aisé de les tirer. (26) De même, les soupapes seront en sapin, d’une forme allongée et étroite comme nous l’avons vu au troisième chapitre; elles seront cependant plus larges et plus longues que les gravures; et I'on veillera à ce qu’elles les recouvrent partout puisqu’en été elles rétrécissent et se font plus étroites à cause de la sécheresse, afin qu’elles recouvrent toujours les gravures et qu’elles ferment avec précision. De même, dans la mesure où l’on construit et prépare les soupapes, ainsi que les registres, le sommier et le clavier, en fonction du climat, afin qu’ils ne s’étirent, ne se fendent ou ne se tordent, il sera particulièrement bon [de savoir] comment il convient de préparer le bois ainsi que me l’a enseigné une éminente personne — que la Grâce de Dieu soit avec elle — afin qu'il ne se modifie pas sous l’action de la chaleur, de l’humidité ou de la sécheresse; et ils conservent ainsi naturellement leur forme primitive comme les carreaux d’arbalète que l’on tire également par temps humide ou par temps de pluie. J ai également fait essayer cette sorte de bois ainsi préparé et j’ai constaté qu’on peut facilement le coller et que les pièces fendues tiennent, sans colle, par simple assemblage de leurs parties; selon l’avis d’artisans expérimentés, cela serait cependant moins solide, comme me l’a fait savoir le menuisier ou coffretier d’un prince; cependant la manière dont il faut préparer une telle pièce de bois et les instruments qu’il faut utiliser, feront encore ultérieurement l’objet d’un autre imprimé. On veillera également à ce qu’il n’y ait pas de difficulté à tirer les registres et cela sans que le vent puisse s’échapper de l’un vers l’autre car lorsqu’on repousse un registre, il ne faut pas que certains tuyaux ou chœurs continuent de sonner tandis que l’on maintient la touche enfoncée. On veillera de même à ce que le sommier soit suffisamment long et large afin de donner aux tuyaux et aux chœurs une place afin qu’ils ne soient pas fichés à l’étroit les uns sur les autres de sorte que, lorsqu’il faut les améliorer, on puisse plus facilement les ôter et les remettre en place. De même il arrive souvent que lorsqu’ils sont disposés aussi près les uns des autres, jusqu’à se toucher, ils changent de son, deviennent tremblants et produisent un son aigre comme celui des violes ou des trompettes marines ou celui que l’on obtiendrait en chantant à travers un peigne. Cela arrive aussi parfois lorsque le métal des tuyaux est trop mince. De même les registres doivent être suffisamment espacés afin que leurs tirants (Stangen) ne soit pas trop à l’étroit, ne se frottent les uns aux autres, ou ne s’entravent ; il en va de même des vergettes et des abrégés. De même le sommier sera suffisamment spacieux à l’intérieur afin que l’on puisse y accéder sans difficulté, ainsi que l’exige toute réparation des ressorts ou des soupapes et des boursettes (Secklein); il peut arriver par exemple qu’une poussière vienne se glisser entre une soupape et le sommier de sorte qu’elle ne se ferme plus; c’est la raison pour laquelle le chœur en question continue de sonner. il arrive également qu’un ressort se brise, se détente ou s’échappe. De même le sommier
ne doit pas être encollé avec du cuir ou autre chose puisqu’il
faut alors l’arracher et le recoller à nouveau; au contraire on
le fermera à l’aide de petits verrous en fer ou de taquets en bois
que l’on pourra ouvrir au moment même où cela sera nécessaire
et le refermer à nouveau. De même, il est également tout à fait nécessaire de disposer le jeu de manière à ce que les rats et les souris ne puissent y pénétrer; lorsqu’ils ont accès aux sommiers ils rongent les tuyaux, les renversant en les tordant et en les arrachant de leurs trous. Si quelque chose tombe ensuite dans les trous, cela peut facilement se glisser dans une soupape de sorte que ça hurlera et sifflera; il sera alors malaisé de se servir de ce jeu. J’ai trouvé pour ma part entre autres choses, de la paille, de la corde à filets, des cordes de luth, de petits copeaux et d’autres choses que les rats avaient portés et tissés à l’intérieur du jeu entre les tuyaux. Ce sont là des hôtes importuns auxquels il convient de refuser la porte. De même les volets qui protègent le devant du jeu et les tuyaux de la poussière, des insectes et d'autres choses, ainsi que des chauves-souris et des oiseaux qui, en s’introduisant dans l’église, s’installent sur les tuyaux, ou volent dans les embouchures, les salissant, ne seront ni trop lourds ni trop massifs afin qu’ils ne s’affaissent pas; de même, s’ils pèsent trop lourd, ils s’ouvriront et se fermeront difficilement; ils seront au contraire aussi légers que possibles afin qu’ils se meuvent en douceur et qu’ils ne se cognent ni ne s’entrechoquent, qu’ils ne déplacent ou ne heurtent les tuyaux.
Le dixième chapitra traite du vent dont chaque jeu doit être abondamment pourvu; car lorsqu’il n’y a pas suffisamment de vent, les tuyaux ne donnent pas la plénitude de leur son car ils ne sonnent que si le vent est fort et constant. Un jeu de la dimension de celui qui a été décrit plus haut au second chapitre, nécessite bien cinq ou six soufflets, chacun de neuf ou dix pieds de long et de trois pieds de large et [fait] de fortes planches de trois pouces, de telle manière qu’une fois rabotées et travaillées elles présentent encore une épaisseur de trois doigts; le bois de pin conviendra mieux que le sapin ou le chêne; les planches de trois pouces se prêtent également bien au travail, car elles sont solides et résistantes, elles ne se fendent pas aussi facilement que le sapin sous l’action des pointes lorsqu’on y cloue le cuir. De même, pour les soufflets, on choisira de préférence un cuir de bœuf souple. Ça monte et ça descend facilement; il se replie correctement et il est toutefois résistant; il aura cependant un où deux tans de plus que les autres cuirs et il ne sera pas trop plamé (dégraissé à l’aide de chaux); les tanneurs sauront les préparer de cette manière-là. Il est plus avantageux de poser les soufflets de telle manière que le vent parte vers le haut car lorsqu’on le force à descendre, c’est contraire à sa nature qui est d’être une chose légère. il est nécessaire que les soufflets soient étanches et entièrement de bois et de cuir. De même on veillera à l’étanchéité du canal qui conduit l’air des soufflets vers le sommier. Que les soufflets fonctionnent en douceur, qu’ils ne gémissent ni ne distribuent l’air par à-coups de sorte que les tuyaux ne cesse de faire entendre à quel instant les soufflets s’abaissent ou remontent; au contraire que le vent alimente les tuyaux de manière continue et sens aucune variation. Pour vérifier cela, procède de la manière suivante : tiens sur le jeu tout entier un accord de 6 ou 7 touches simultanément au clavier et au pédalier et aussi longtemps qu’il faut à quelqu’un pour réciter deux ou trois Pater noster; tu entendras alors parfaitement si le vent vient de manière régulière et en quantité suffisante. il est également bon et nécessaire que les planchettes ou les petites portes des soupapes au bas des soufflets qui reçoivent et enferment le vent, soient ajustées de telle manière qu’elles ne se tordent pas mais qu’elles restent droites et ferment correctement; car dans la mesure où un jeu sera réglé pour recevoir un vent d’une bonne puissance et qu’il le perd tout à fait ou en partie, son volume sonore baissera et risquera ainsi d’être promis à la ruine. C’est pourquoi l’on enduira également les soufflets pour [les protéger] des rats et des souris, afin que les soufflets demeurent entiers et intacts; mais je remets à une autre fois la manière dont on fabriquera cet enduit. Certains construisent des chambres spéciales pour les soufflets afin de les mettre à l’abri des rats. Mais cela n’est pas toujours très efficace. Certains sont d’un autre avis, celui de laisser les soufflets à l’air libre sans les enfermer; les rats seraient alors moins tentés de les attaquer et de leur causer des dommages; car, disent-ils, c’est le propre même et la manière d’être de l’animal que d’exciter son désir et de travailler secrètement à pénétrer dans un lieu fermé plutôt que dans un lieu libre et ouvert, ce que je serais également porté à croire. Je connais précisément un jeu dont les soufflets reposent sur une voûte, à l’air libre, ni cloisonnés ni enfermés; c’est ainsi qu’ils ont reposé prés de 20 ans sans que les rats ou les souris les aient attaqués. Cependant je ne saurais dire si l’on doit cela à ces derniers ou bien à l’enduit ; mais je conseillerais cependant pour commencer, de passer sur les soufflets un enduit adéquat pour [les protéger de] ces détestables animaux; mais on les enduira tous les trois ou quatre ans non pas seulement à cause des rats mais également à cause du cuir afin qu’il demeure souple et solide, qu’il ne devienne pas trop dur et trop résistant ou qu’il ne se déchire et qu’il s’y forme des trous; cela arrive souvent et c’est au grand détriment du jeu; car si le jeu a été réglé pour un important volume d’air, et si ce dernier diminue, comment subsisterait son effet? De même ceux qui foulent les soufflets ou qui les lèvent des mains, selon l’usage local, veilleront à les comprimer prudemment et d’un mouvement régulier et à les laisser remonter en douceur; cela ne doit pas se faire par à-coups; les comprimer brutalement et les laisser remonter rapidement, car ainsi, comme toutes les choses auxquelles on fait violence et dont on se sert sans ménagement, ils ne se conserveront pas longtemps. De même, un
jeu d’une facture récente doit être rénové
et révisé après un ou deux ans et si on l’entretient
de la sorte, il subsistera longtemps et demeurera en bon état.
Il n’est pas bon ni plus avantageux, ainsi que certains le prétendent,
de ne jouer que rarement sur les jeux afin de leur assurer une vie plus
longue. Il faut au contraire en jouer chaque jour ainsi qu’il se doit
et en jouer sans ménagement; on les conservera ainsi en meilleur
état, qu’en les délaissant tout à fait. C’est pourquoi,
même dans les périodes du Carême et de l’Avent où
l’on doit faire taire l’orgue, on les essayera cependant de temps en temps;
on les examinera en outre afin de prévenir toute défectuosité,
contre la rouille, la poussière, les toiles d’araignées,
peut-être aussi les rats et les souris, et autres choses encore
qui donneraient à de nombreuses pièces d’un jeu l’occasion
de disfonctionner et de tomber en ruine; en effet, étant en repos,
tout cela y prend bien mieux racine que lorsqu’il reste en usage. Lorsqu’il s’agit de construire ou d’examiner, lui et d’autres avec lui, ceux qui le secondent, gagneront ainsi estime et reconnaissance, ce qui fait souvent défaut; mais il s’ensuit le contraire lorsque par malheur l’on manque d’expérience en la matière et que l’on aborde ces [tâches] en ignorance. J’en ai connu qui ne savaient pas emboucher un tuyau, ou faire toute autre chose se rapportant [à la facture d’orgue], et cependant la présentation adroite leur a valu d’être pris au service de princes et d’autres maîtres de talent; ces derniers ont commencé à construire les jeux en toute liberté et en grande pompe, mais ne les ont pas terminés de la même manière; lorsqu’ils firent examiner leur œuvre, il s’avéra que c’était un échec et qu’ils en avaient réalisé moins que ce dont ils s’étaient vanté et qu’ils avaient commencé à réaliser. C’est pourquoi certains d’entre eux ont pris congé avec une mince gloire et un piteux salaire; pour sûr, il n’aurait été que justice s’ils avaient eu à rembourser les frais et dommages qu’ils ont causé alors qu’ils en auraient eu les moyens; mais peut-être réserveront-ils cela pour le jour du Jugement Dernier. Sans compter que les jeux étaient à tel point endommagés qu’il fallut les confier derechef aux mains de nouveaux maîtres. Je n’ai pas rencontré cela seulement chez les laïcs mais aussi chez des clercs, et à la vérité trois, chacun appartenant à un ordre différent; ces derniers ont causé un véritable désastre en matière de facture d’orgue, ce qu’il me serait loisible de montrer auprès des cours princières, des abbayes, des paroisses et des couvents. Dieu veuille qu’il n’y ait plus jamais personne pour témoigner à ces incapables une confiance aveugle, [et que] chaque [organier] s’interroge sur lui-même pour savoir s’il possède une connaissance suffisante de ce dont il tente précisément de persuader ses supérieurs en les abusant sur la grande gloire et les avantages qu’ils en retireront — sinon cela échouera comme aura échoué ce qui aura été entrepris jusqu’ici —; au contraire, on gardera grand ouverts les yeux de la raison. Et on apprendra à être disciple avant de se proclamer maître afin que personne ne soit égaré ou abusé par son ignorance, Il faut être à mon avis de peu d’honnêteté pour se permettra sans aucune expérience aussi témérairement et abusivement de telles choses, alors qu’un autre s’appliquera longuement par un patient exercice à apprendre [son métier] et à l’approfondir; car si l’on réussit là, c’est grâce à une pratique constante. Il y a beaucoup d’organiers clercs ou laïcs, mais on en trouve peu qui aient fait preuve de leur maîtrise; et il ne faut pas s’étonner que maint jeu soit en mauvais état si l’on ne s’enquiert pas auprès d’un organiste de talent sur la personne que l’on prend à son service; en effet, il n’est pas toujours bon de faire confiance à des étrangers sur la simple foi de leur propos sans aucune preuve et de les engager sur le simple renom de leurs jeux. Celui auquel [l'on]
fera confiance, manifestera la volonté de tenir ses engagements
et de les honorer; il tolérera auprès de lui la présence
de gens raisonnables, à la fois pour sa renommée personnelle
et pour offrir une garantie de son travail mais que l’on se méfie
de ceux qui parlent ainsi "vous n’avez nul besoin d’un organiste; il suffit
de ma personne pour vous servir et mon travail sera correct ". Il me semble
qu’il y a à s’enquérir à leur sujet, car il arrive
enfin que l’on ne commence à prendre conseil et à éprouver
des remords qu’une fois que l’on s’est disputé au sujet de l’affaire.
Cela n’est pas seulement le fait de gens totalement ignorants, mais aussi
de ceux qui passent pour être des maîtres, mais qui redoutent
et craignent de faire examiner leur travail; ils prétendent que
leurs jeux sont faits de telle manière qu’ils ne sauraient recevoir
de sanction de personne; et s’ils acceptent volontiers que les meilleurs
organistes viennent les examiner, ils proposent que l’on s’épargne
ces frais, sous prétexte que cela est sans nécessité;
enfin lorsqu’ils quittent les lieux, ils s’imaginent avoir fait du bon
travail; mais ils feraient bien de savoir que jamais des artifices trompeurs,
de méchantes ruses et la duperie n’ont su protéger ou sauver
qui que ce soit; mais au contraire que la vérité finit toujours
par surgir lorsque, par la suite, de nombreuses personnes entendent et
jugent les jeux ce qui échappera à l’un, l’autre le remarquera;
en outre celui qui travaille dans le droit chemin compte de nombreux maîtres
qui consentiraient certainement à prononcer des louanges et à
encourager si leur travail ne les en retenait pas.
(2) En allemand Stimme. La langue de Schlick ne distingue pas entre " voix" succession de sons composant une partie d’une structure polyphonique et " sons " émission ponctuelle résultant de l’abaissement d’une touche du clavier. (retour) (3) C’est-à-dire l’ensemble des tuyaux qui parlent sur une même touche. (retour) (4) Ce genre de décoration ornait notamment certains tuyaux de façade de l’orgue de la cathédrale de Strasbourg. (retour) (5) Les hauteurs sont identifiées à l’aide de la clef (A B C D E F ) et de l’ensemble des syllabes de solmisation correspondantes : a la-mi-re =
la 3 (6) On distinguait Tetracorde gravium : Gama — C; T. finalium : D — G; T. Acutarum : a — d; T. Superacutarum : d—g; T. excellentium : aa — dd. (retour) (7)
1er ton : dsolre (ré) (8)
mi in d-sol-re = ré bémol (9) Ces pièces figurent parmi les nombreuses séquences qui ont disparu lors de la réforme du missel sous Pie V (Bulle " Quo primum tempore " du 19 juillet 1570). (retour) (10) Cf. note 8. (retour) (11) Cf. chapitre III. (12) Le clavier s’étend du fa 1 au la 4. (13) Cette planche correspond à ce que nous appelons le fronton ou encore au panneau qui bouche la fenêtre du clavier. (retour) (14) Le pédalier s’étend du fa 1 à l’ut 3. (15) L’usage du terme demeure obscur. Cependant la suite du texte ne permet aucun doute puisqu’il s’agit bien de la détermination de la longueur apparente des touches du pédalier. On trouvera au paragraphe suivant le terme moins précis de Brett. (retour) (16) A. Schlick séjourna en 1490-91 aux Pays-Bas tandis qu’une épidémie de peste ravageait alors la ville de Heidelberg. (retour) (17) Par taille courte/longue il faut entendre respectivement taille large et taille étroite. Les rapports numériques mentionnés 1/5. 1/6 et 1/7 désignent le rapport entre la largeur de la plaque par rapport à la longueur pour la Fistula authentica, c’est-à-dire le plus grand tuyau d’un registre. Il s’agit à d’une détermination proprement médiévale de la taille des tuyaux: Cf. H. KLOTZ, Uber die Orgelkunst.... p. 16. (retour) (18) Cet instrument est encore attesté sous le nom de Strohfiedel. Il correspond à ce que nous appellerions aujourd’hui xylophone. Dans un rapport d’expertise à Spire. Schlick signalait en 1506 que les trompettes et le claquebois ne sont pas parfaitement accordés dans le grave (I. RUCKER, Die deutsche Orge / am Oberrhein um 1500, Fribourg 1940, p. 1 541. (retour) (19) Cet instrument est également connu en France sous le nom de galoubet. Si Schlick semble rejeter l’emploi de ce registre ici, il le recommandera cependant en 1515 pour l’église de Haguenau (H. KLOTZ, op. cit., p. 62). (retour) (20) Peut-être s’agit-il de l’instrument (gravure de Weidnïtz, 1519) dont joua Hofhaimer à Augsbourg lors d’une messe célébrée an présence de l’Empereur (cf. H. KLOTZ, op. cit., p. 911. (retour) (21) Nous traduisons littéralement. C’est-à-dire qu’ils sonnent à l’unisson, comme le précise la suite du texte. (retour) (22) Cette question du tempérament que propose Schlick a suscité une littérature importante tendant pour l’essentiel à l’assimiler à un tempérament égal. Toutefois comme Schlick n’indique aucune mesure précise, divers accords demeurent possibles parmi lesquels l’accord au tempérament égal ne représente qu’une possibilité, et vraisemblablement ici la moins probable, dans la mesure où il exige le plus fort abaissement de la quinte. Cf. H. HUSMANN, Zur Charakteristik der Schlickschen Temperatur, in AfMw XXIV, 1967, p. 253-265. (retour) (23) C-f-fa-ut dans le texte. (retour) (24) Schweben : vibrer, trembler, onduler, flotter... Au sujet de l'emploi technique de ce terme, M. Praetorius signale Das wort Schweben aber ist ein Orgelmacherischer Terminus, und wird von inen gebraucht / wenn aine Concordantz nit reine stehet : Ist aber bey inen / und daher bey vielen Organisten so sehr ublich / dass es schwerlich abzuschaffen. Dannenher ichs in künfftigen auch (wiewolgantz ungern) gebrauchen mussen / nur das dabey gefasst / hoch oder niedrig. Dann schweben sol so viel heissen / wie unrein / das ist / entweder zu hoch oder zu niedrig gestimmet / sie derivirens aber daher ; Wann man in den Orgeln / sonderlich dia Octaven, Ouinten und Quarten einzihen und stimmen wil / so schwebt der Resonantz und klang in den Pfeiffen / und schlägt gleich eim Tremulant etliche Schläge Je näher rnan es aber mit dem einstirnmen zur reinigkeit und accort bringt / je rnehr verleurt sich die Schwebung allmehlich / und werden der Schläge immer weniger / biss, so lang dz die Octava oder andere concordanten recht eintreten. (op. cit., p. 151). (retour) (25) Il s’agit toujours de quintes affaiblies puisque les intervalles considérés étaient des intervalles descendants. (retour) (26) il est peu probable qu’il s’agisse là des registres tels que nous les entendons aujourd’hui et tels que Schlick a déjà pu les connaître, mais de registres d’un type plus ancien connus en Allemagne sous le nom de Oberschleifen; cf. H. KLOTZ, op. cit. p. 101 et K. BORMANN, Arnold Schlïcks vier Finget dicke Registetschleife, in A O 31. 1 967, p. 1197 ss. (retour)
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