Traité de l'Orgue de
Marin Mersenne.


PROPOSITION XLIV.

Expliquer la construction , & les parties d'un grand jeu d'Orgue , & d'un petit cabinet ; où l'on verra distinctement & clairement ce qui est plus confusément & plus obscurément dans la seconde Proposition.

 

 

 

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Notre seconde Proposition parle quelques fois des parties d'un grand Orgue et puis de celles d'un petit. Celle-ci lui servira d'explication et suppléera tout ce que l'on peut désirer en cette matière.
Par exemple, quand j'ai dit que les chapes et les registres du sommier sont larges de deux pouces et demi, il ne faut pas entendre cela des grandes Orgues dont les chapes sont quelques fois d'un pied de large, ce que requiert la grosseur de leurs jeux. Il faut entendre cela d'un petit cabinet d'Orgue sur lequel le dessein de toute la fabrique a été pris.

Il faut premièrement se proposer la grandeur de l'Orgue et la multitude et grandeur de ses jeux pour savoir la grandeur de son sommier. Quand on veut faire un Orgue de huit pieds, tels que sont ordinairement ceux des églises où il n'y a qu'un buffet d'Orgue, on peut faire le sommier de cinq ou six pieds de long, suivant le jugement et la volonté du Facteur. Il y en a qui trouvent plus aisément la place de leurs jeux sur un sommier de quatre pieds que ne font les autres sur un sommier de cinq pieds. Je dis que le sommier des petits cabinets est ordinairement de deux pieds et demi ou de trois pieds. Quant à la largeur, on la déterminera suivant le nombre de jeux que l'on veut y mettre, comme s'il y avait quatre jeux dont le plus gros fut de deux pieds bouché et qu'on voulut laisser la place du clavier sur le même sommier, ce serait assez de lui donner quatorze pouces de large dont quatre pouces suffiraient pour placer le clavier, et le reste pour l'étendue des quatre jeux. Si l'on ajoutait encore quelques petits jeux, par exemple celui de la Cymbale et de la Régale, on ajouterait quatre pouces à la largeur afin que toute sa largeur fut d'un pied et demi.

Les Orgues de quatre pieds bouché (bourdon de 8) ont ordinairement leur sommier de cinq pieds, ou tout au plus de six pieds de long. S'ils ont un Prestant en Montre, la chape de ce jeu doit être fort étroite parce qu'elle ne porte pas ses tuyaux mais seulement des porte-vents (postages) qui donnent le vent à la Montre. Si, outre ces deux jeux, on y met la Doublette de deux pieds, le Nazard d'environ trois pieds, le Flajollet d'un pied, la Fourniture à trois sur marche, la Trompette, le Cromhorne et la Voix Humaine avec un Cornet, il suffira de donner trois pieds ou environ au sommier.

Quant aux Orgues de seize pieds, il faut remarquer qu'on leur fait ordinairement deux sommiers à raison que la longueur d'un seul serait excessive. Ils se donnent le vent l'un à l'autre par le moyen d'un porte-vent de plomb assez gros qui va de l'un à l'autre. On les place aux deux bouts de l'Orgue en sorte qu'il reste un espace au milieu afin de trouver la place des plus longs tuyaux, ou une place de réserve afin de pouvoir accorder plus librement les jeux de tous les côtés. Sinon la longueur que requiert un tel instrument empêcherait que l'on put dresser le bois aussi justement qu'il est nécessaire si le sommier était d'une seule pièce.
Il faut encore remarquer que si l'on met des Pédales en cet Orgue, comme l'on fait ordinairement, il faut encore mettre deux sommiers particuliers aux deux extrémités du buffet de l'Orgue, afin que le premier tuyau soit à main droite, le second à gauche, le troisième à droite, le quatrième à gauche, et ainsi conséquemment des autres.
Si l'on ajoute un Cornet, il faut un sommier à part que l'on place pour l'ordinaire derrière la Montre et que l'on attache contre le buffet, quoi qu'à proprement parler il ne soit pas un vrai sommier mais plutôt un assemblage de porte-vents de rainures qui sont dans un même morceau de bois auxquelles le vent est communiqué par d'autres porte-vents de plomb qui viennent du grand sommier.
Quant à la largeur des sommiers de l'Orgue de seize pieds, on les fait ordinairement de quatre pieds et demi ou environ, à cause de la multitude de ses jeux.

Je viens maintenant à la construction du sommier et, pour ce sujet, je suppose que l'Orgue soit de quatre pieds bouché (avec bourdon de 8) et de quatre pieds ouvert en Montre et que l'on y veuille encore placer le Nazard, la Doublette, le Flageollet, la Fourniture à trois tuyaux, la Cymbale à deux, la Trompette, le Cromhorne, la Voix Humaine et le Cornet, c'est à dire onze jeux.
Il faut prendre du bois de chêne d'un pouce et demi d'épaisseur, bien sec et bien net, qui ait cinq ou six pieds de long. On assemble toutes les pièces avec de la bonne colle et avec des chevilles, en mettant deux barreaux à tenon et à mortaise aux deux bouts. Ayant ainsi assemblé le bois, il lui faut donner trois pieds de largeur. Après l'avoir bien dressé d'un côté et d'autre, il faut appliquer des tringles ou barreaux à discrétion suivant la grandeur des rainures (les barrages) et hautes d'un pouce et demi, de sorte qu'étant collées et chevillées sur la table du sommier, elles fassent avec elles trois pouces d'épaisseur.
Il les faut placer à travers de la table tout le long de sa largeur, de sorte qu'elles soient perpendiculaires à la longueur de la table.
Quant à la distance qui doit être entre les tringles (barrages), elle dépend de la discrétion du Facteur qui doit se régler suivant qu'il faut ranger les tuyaux afin que les moindres se trouvent au milieu et que les gros aillent alternativement d'un côté et d'autre. C'est pourquoi les rainures seront plus grandes à la place des plus grands tuyaux et plus petites aux endroits où se trouvent les moindres. Il faut prendre garde que la moindre rainure n'ait pas moins d'un tiers de pouce de vide en largeur.. Quant à la hauteur du vide, elle est égale dans toutes les rainures parce que les tringles qui les ferment sont de même hauteur.
Il faut avoir trouvé la place de tous les tuyaux et conséquemment il faut faire autant de trous au sommier comme il doit avoir de tuyaux afin que chaque tringle soit à côté des trous qui appartiennent à chaque rainure, comme on peut remarquer aux figures de la deuxième Proposition.
Les rainures ayant été disposées, on doit appliquer deux barreaux de bois tout le long de chaque côté de la largeur de ladite table afin que, joignant contre les extrémités des autres tringles, ils achèvent les rainures au fond desquelles il est à propos de coller de petites bandes de parchemin qui joignent contre la table et contre les barreaux. S'ils viennent à se décoller en quelque endroit, ainsi évite-t-on l'emprunt qui s'y pourrait faire.
Après ces rainures faites, il faut appliquer sur les deux bouts de la table deux pièces de bois d'un demi pied de large, lesquels deux bouts seront feuillés à moitié de leur &épaisseur, c'est à dire d'un pouce et demi, afin de clouer et coller dessus lesdites pièces de bois.
Après il faut appliquer un fond de même épaisseur et de huit pouces de large, lequel sera de même longueur que la table. Il sera porté sur les deux bouts des deux susdites pièces de bois auxquelles il doit aussi être cloué et collé après que l'on aura entaillé les pièces de bois de l'épaisseur dudit fond jusqu'à ce qu'étant appliqué à cette feuillure, il soit à fleur et à bord desdites pièces de bois afin qu'il se fasse un creux d'environ quatre pouces de hauteur entre la table et le fond, pour la réserve du vent, dont nous parlerons ci-après. (Il s'agit de la laye qui, apparemment, a la dimension du sommier tout entier).

Puisque le cuir est incisé de quatre pouces sur les rainures, il s'ensuit que chaque soupape doit être environ d'un demi pied de long afin qu'elle déborde un peu, c'est à dire qu'elle surpasse le bout découvert de la rainure. Quant à sa largeur, elle est d'autant meilleure qu'elle est plus grande afin qu'après avoir couvert la rainure elle s'étende d'un côté et d'autre quasi jusqu'à la moitié des barreaux qui font lesdites rainures, comme l'on peut voir dans la troisième figure de la seconde Proposition.
Il faut donc préparer de petites règles de bois d'un demi pouce, ou de deux tiers de pouce d'épaisseur. Après les avoir coupé en longueur et en largeur, il faut les abattre tout du long de chaque côté de sorte qu'il reste seulement au dessus de la soupape la largeur d'une ligne sur laquelle on applique le ressort qui fait refermer la soupape. Il est aisé de trouver la largeur de toutes les soupapes en fichant des pointes de laiton d'un pouce de hauteur sur le milieu de tous les barreaux. Il faut aussi mettre deux de ces pointes à chaque barreau lesquelles se trouvent vis à vis des deux parties du cuir incisé sur les rainures. Les soupapes étant faites de la largeur des espaces qui sont entre les pointes, chacune s'ouvre et se ferme librement sur la rainure entre lesdites pointes. On attache les soupapes sur les rainures par le moyen de bandes de cuir dont on laisse le côté velu au dehors car on le colle par le dos après l'avoir gratté sur le plat de la soupape de sorte qu'il en reste au bout environ la longueur d'un pouce pour faire le derrière de la soupape.
Mais avant que d'y coller le cuir, il faut abattre les deux bouts des soupapes de manière que celui de derrière soit au moins deux fois aussi long que celui de devant. Finalement on colle les queues des soupapes sur le cuir des rainures de sorte que le bout de devant des soupapes surpasse seulement le bout de la rainure de deux lignes. Puis on pare une bande de cuir avec un couteau, laquelle on fait fort mince et de trois pouces de large, afin de la coller tout au long des queues des soupapes, de sorte que la moitié de sa largeur soit collée bien fermement sur tous les biseaux du derrière des soupapes et l'autre moitié sur le bout des queues de cuir qui sont déjà collées sur le sommier. Après que ladite bande est sèche, il faut entailler le cuir qui est entre les biseaux desdites soupapes afin qu'elles ouvrent et ferment librement.
Quelques uns appliquent encore une petite règle de bois qui porte tout le long du derrière desdites soupapes et qui est clouée sur le sommier. Ce n'est pas à rejeter d'autant qu'elle empêche que les soupapes n'aillent en arrière.
Ceci étant fait, il faut appliquer une tringle de la longueur du sommier sur le dos de toutes les soupapes vis à vis desquelles on marquera sur ladite tringle où l'on fera autant de traits de scie assez déliés qui serviront pour loger le bout de chaque ressort. Cette tringle doit être de deux pouces de hauteur et de deux tiers de pouce d'épaisseur. Après lui avoir fait tous les traits de scie, il la faut appliquer et cheviller sur le fond dont nous avons ci-devant parlé. Mais les traits de scie doivent être en dehors et la tringle doit seulement être éloignée d'un pouce et demi ou de deux pouces du devant du fond.

Après toutes ces choses, on arrêtera le fond sur les deux pièces de bois qui sont aux deux bouts du sommier. L'on fera autant de ressorts de laiton qu'il y a de soupapes, lesquels sont faits et seront disposés comme l'on voit dans la pénultième (dernière) figure de la seconde Proposition, de sorte que l'un des bouts du ressort, qui est un peu courbé, porte sur le tiers de la longueur de la soupape et que l'autre soit arrêtée dans son trait de scie de la tringle du dessus des soupapes.

Ensuite il faut mettre un ais (planche) au derrière des soupapes, de la longueur du sommier, qui prenne depuis le sommier jusqu'au fond et qui soit de deux tiers de pouce. Il s'applique à la feuillure, ou autrement, mais il faut le garnir de cuir tout à l'entour avec des bandes de cuir afin qu'il soit bien étanche et que le vent ne puisse sortir.
On fera la même chose au devant du sommier avec un ais de même façon, lequel sera doublé de cuir, et s'enchâssera dans quatre feuillures qui seront faites autour de cette caisse qu'il faut semblablement doubler de cuir par le dedans. Mais cet ais ne doit pas être collé de bandes de cuir tout à l'entour parce qu'il est nécessaire qu'il s'ôte et se remette afin de nettoyer la caisse et les soupapes lorsqu'il y sera entré quelque ordure. Il suffit donc qu'il ferme ladite caisse quasi bien justement et qu'il soit arrêté avec trois ou quatre crochets de fer, ou autrement.

Quant au trou auquel le porte vent aboutit, on le fait ordinairement à l'ais de derrière et on lui donne deux pieds et demi de long et trois pouces de hauteur.

Il faut encore percer le fond d'autant de trous qu'il y a de soupapes, en vis à vis de celles-ci, afin qu'après avoir fait passé autant de fils de laiton par ces trous et les ayant accrochés au devant de chaque soupape par autant de petits anneaux, boucles ou agrafes que l'on y clouera, on les puisse faire ouvrir à volonté. De peur que le vent échappe par tous ces petits trous, on fait autant de petits cônes, ou pochettes de cuir (les boursettes), dont les extrémités sont bien collées. Après avoir collé le large desdits cônes sur chaque trou, on fait passer chaque fil de laiton au travers et, l'ayant accroché à chaque soupape, on étreint toutes lesdites pochettes par le haut de leur cône contre le fer de laiton avec un gros fil dont on les lie si fort que le vent ne peut sortir.

Après tout ceci, on recouvre le derrière des rainures d'un cuir que l'on collera dessus en appliquant de petites règles de bois dans des feuillures faites le long de chaque tringle de la rainure, comme nous avons dit dans la trente-septième Proposition.

Voyons maintenant les chapes et les registres, et l'ordre qu'il faut tenir pour y placer les jeux.

Il faut remarquer que cet ordre doit être dressé avant que d'appliquer les rainures, d'autant qu'on ne peut percer les trous que le dessein ne soit pris. C'est pourquoi je parlerai encore un peu du sommier.
Ayant donc pris la table d'un pouce et demi d'épaisseur et de trois pieds de largeur, la chape du Prestant en Montre sera large de deux pouces et demi, d'autant qu'il n'y a rien sur elle, que des porte vents qui donnent le vent aux tuyaux de la Montre. Après laquelle on fait suivre le Bourdon de quatre pieds bouché qui a sa chape d'un demi pied de large. Et puis on fait la chape du Cornet qui n'est qu'un demi jeu commençant à la feinte de C sol au milieu du clavier vers le dessus. Cette chape a seulement deux pouces de large. Celle du Nazard de trois pieds ouvert et d'un pied et demi bouché (nasard 2'2/3) a cinq pouces et demi de large. La Doublette de deux pieds ouvert est posée sur la chape qui suit, laquelle a trois pouces de large. Le Flajollet d'un pied ouvert aura sa chape de trois pouces de large et la chape de la Fourniture, qui a trois tuyaux sur marche, a quatre pouces. La chape de la Cymbale, que l'on place après avec deux tuyaux sur marche, a trois pouces de large. Celle de la Trompette en a quatre. Celle du Cromhone et de la Voix Humaine en a trois, de sorte que toutes ces chapes font la largeur du sommier.

Il faut que tous les jeux d'un Orgue de cette grandeur ait ses tuyaux disposés de cette manière afin qu'ils soient aisés à accorder. Ce qui a été dit des Orgues de quatre pieds peut s'appliquer aux plus grands de seize pieds, dont les chapes auront la largeur que voudra le Facteur. Il faut remarquer qu'elles ne s'élargissent pas en même proportion que la longueur du sommier qui sert pour mettre beaucoup de tuyaux sur un même rang. Lorsque deux tuyaux ne peuvent compatir ensemble sur les chapes disposées comme nous avons dit, il faut en placer un dans un lieu qui n'incommode point les autres (posté) et le mettre sur un petit morceau de bois carré et épais dans lequel il faut faire un trou pour appliquer le pied du tuyau dessus et un autre trou à côté qui aille rencontrer le premier afin de porter le vent au tuyau au moyen d'un porte-vent de plomb qui vient depuis le trou de la chape qui aurait dû porter ledit tuyau. Les tuyaux de la Montre prennent leur vent de cette manière, c'est à dire par poste, et ne se mettent pas ordinairement sur le grand sommier, comme les autres. C'est pourquoi on fait un petit tiroir sous chaque pied des gros tuyaux, en manière de registre.
On use de cette invention pour éviter la trop grande largeur des chapes, mais il s'en faut servir qu'au besoin car il faut placer tant qu'on peut les tuyaux sur les trous du sommier, quoique l'autre manière de leur donner le vent ne les altère quasi pas.

Quant aux changements des jeux de l'Orgue qui se fait par le moyen de certains bâtons qu'on lie près du clavier, l'invention en est fort subtile. Elle consiste en de petites règles de bois épaisses d'un quart ou d'un tiers de pouce, qui se tirent d'un côté et d'autre entre les chapes et le sommier en façon de layettes. On les appelle ordinairement registres traînants, tels qu'on les voit dans la seconde et dernière figure de la seconde Proposition.
Après avoir percé tous les trous sur la table du sommier et après avoir trouvé la largeur des chapes, il faut appliquer entre chaque distance des jeux des petites règles ou barreaux de bois de même épaisseur que les susdits registres et les placer de telle manière sur le sommier qu'ils séparent les trous d'un jeu d'avec ceux d'un autre (ce sont les faux-registres). Ces règles ou tringles sont éloignées l'une de l'autre d'environ deux pouces pour la largeur des registres. Il faut tellement les appliquer sur le sommier que les extrémités de la largeur de chaque chape se trouve justement au milieu de chaque règle, excepté pour les deux dernières chapes qui sont aux extrémités de la largeur du sommier et qui doivent entièrement porter sur leurs tringles qu'il faut coller et cheviller sur la table.

Les registres doivent tellement remplir les intervalles de ces tringles qu'ils glissent aisément entre deux en les tirant d'un côté et d'autre. Ils doivent être partout de même épaisseur que lesdites tringles. Puis, les ayant arrêtés à leur place avec des pointes de fer sur la table du sommier afin qu'ils ne remuent nullement, et ayant posé les chapes par dessus, il faut les percer tous ensemble par tous les trous de la table (par dessous), comme s'ils ne faisaient qu'un même ais, afin que ces trous se rencontrent justement vis à vis les uns des autres pour donner une libre issue au vent lorsqu'on ouvre les jeux.

Ceci étant fait, on ôte les chapes afin d'accommoder tellement les registres qu'ils ne tiennent pas davantage qu'il est de besoin. Ce que l'on exécute en prenant chaque registre l'un après l'autre et en le mettant sur le sommier de sorte que ses trous soient vis à vis des siens. Puis il faut tellement clouer une pointe de fer à l'un des bouts qu'elle ne surpasse pas l'épaisseur du registre. Après, l'on fait une fente ou mortaise dans le registre avec un ciseau propre à cela, afin que le registre glisse dans la pointe du clou et, qu'étant tiré d'un côté, tous les trous soient ouverts, et qu'étant repoussé de la distance qui est la moitié de celle d'un trou à l'autre, les trous ne se trouvent plus vis à vis de ceux du sommier.
Il faut doubler de cuir de mouton du côté qu'ils glissent sur le sommier de sorte que le côté velu touche la table du sommier. Il faut semblablement pratiquer sur le côté des chapes qui portent sur les registres afin que leur glissement se fasse plus aisément et que l'on ait un Orgue bien étanché.

Tout ceci étant fait assez exactement, il faut passer une broche de fer rouge (rougie) à travers chaque trou afin qu'il soit percé bien nettement sans qu'il y demeure aucune particule de bois, comme il arrive souvent aux perçages du vilebrequin. Et puis il faut arrêter les chapes par dessus les registres et les clouer sur les petites règles (faux-registres) ou les attacher avec des vis, ce qui est bien meilleur d'autant que par leur moyen on peut serrer ou lâcher les chapes tant qu'on veut jusqu'à ce que les registres se tirent aisément et qu'ils étanchent bien contre lesdites chapes. Le dessus des tringles doit être doublé de cuir, comme les registres, afin qu'en glissant elles se trouvent bord à bord et de même hauteur, et que les chapes portent également sur tous les deux.

Je laisse une autre sorte de sommier, que l'on appelle à ressorts, et qui se voit encore dans quelques Orgues antiques, parce qu'il a beaucoup plus d'embarras et de difficultés que l'ordinaire qui est à registres traînants. Il est plus long à faire et d'un plus grand coût, joint à ce que c'est perdre du temps que d'user d'inventions difficiles alors que l'on en a de plus aisées et de plus utiles.

Quant à la fabrique des tuyaux, j'ai parlé assez amplement de leurs longueurs dans la 31e Proposition où je les ai mis suivant l'ordre qu'ils doivent être placés. Pour ce qui est de leur grosseur ou largeur, on l'accommode selon les différentes églises où ils sont posés. Par exemple, si elles sont sourdes, les tuyaux doivent être plus forts et, par conséquent, plus gros. Si elles éclatent et résonnent en faisant un bon écho, on peut les faire plus menus.
Il suffit de remarquer qu'ayant coupé les tuyaux à la longueur, suivant l'un ou l'autre de nos systèmes ou Diapason, et ayant donné au premier et plus gros tuyau telle grosseur que l'on voudra pour les tuyaux bouchés, on trouvera ensuite celle du premier ouvert auquel on donne une partie de moins qu'au bouché. Par exemple, si le premier C sol de deux pieds bouché a le tiers de sa longueur en grosseur * , le tuyau de deux pieds ouvert aura seulement le quart de sa longueur en grosseur.
* : Rappelons qu'il s'agit des dimensions de la plaque de métal qui sert à fabriquer les tuyaux, avant de la rouler.
Si le bouché n'a que la quatrième partie, l'ouvert n'aura que la cinquième, quoi qu'il soit toujours à propos de faire les Cymbales menues et que les Flajollets d'un pied ouvert soient gros, ce que l'on observe semblablement au Cornet.

La largeur de la bouche se prend sur la largeur desdits tuyaux.
Mais quant à sa hauteur, il faut seulement remarquer que si les tuyaux sont fort gros, elle doit être moindre qu'à l'ordinaire quoi qu'on ne la puisse tellement déterminer au juste et que l'on en fasse une règle générale. Il est toujours bon de la faire assez petite afin que, après que le tuyau est achevé, on puisse la croître jusqu'à ce que le tuyau parle comme il doit, suivant la volonté du Facteur.
Néanmoins, quand le tuyau bouché a un peu plus que le tiers de sa hauteur en largeur, sa bouche a pour l'ordinaire le quart de sa largeur en hauteur et celle des ouverts a la cinquième partie.

Ayant trouvé la largeur du premier tuyau propre pour le lieu où l'Orgue doit sonner, il est aisé de trouver la grosseur de tous les autres en divisant la largeur du premier en deux parties et de prendre la diagonale du carré fait de l'une desdites parties et qui donnera la largeur du tuyau qui fait l'octave en haut. La ligne tirée par les points de la largeur de ces deux tuyaux donnera la largeur de tous les autres. Il s'ensuivra que la largeur de ce second tuyau sera moyenne proportionnelle entre celle du premier et celle du troisième, qui fera la seconde octave en haut et qui aura la moitié de celle du premier. Par conséquent la largeur du second divisera la raison double des deux autres en deux raisons égales. La largeur du premier et du second, ou du second et du troisième, sera demi double. Mais, parce que ces grosseurs dépendent de l'expérience, du jugement et de la volonté du Facteur, il n'est pas à propos d'en parler davantage.

J'en viens aux tuyaux à anches, que j'explique si clairement dans la neuf et dixième Proposition qu'il faut seulement remarquer que la vieille méthode dont on taillait autrefois les échalottes (les rigoles d'anches) n'est quasi plus en usage, parce qu'on les estampe dans des moules de fonte. Ce qui a été dit ensuite des Voix Humaines de huit pouces de long se pratique selon le volonté du Facteur qui les fait quelque fois de six ou de sept pouces et d'autres fois de huit, ce qui revient à la même chose pour leur ton. Lorsqu'elles ont huit pouces, on les fait plus grosses que celles de six ou sept pouces, de sorte que la longueur est corrigée et récompensée par la grosseur.

Quant aux soufflets, aux Tremblants, à la manière de fondre le plomb et à toutes les autres choses qui concernent la fabrique des Orgues, j'en ai parlé ci-devant sans qu'il soit nécessaire de le répéter.

J'achève par l'abrégé qui n'a pas encore été expliqué. Parce qu'il ne peut bien s'exprimer par le seul discours et qu'il est assez aisé d'expliquer par la seule vue des Orgues communs qui ont des abrégés, je dirai seulement qu'ils ont été inventés afin que chaque touche du clavier, qui n'a que deux pieds de long, se rapporte à chaque soupape des sommiers qui ont quatre, cinq, ou six pieds de long. Ce qui se fait par le moyen de plusieurs barreaux de bois qui sont un peu ronds (les rouleaux) et qui ont deux pointes de fil de fer aux deux bouts lesquelles leur servent de pivot pour se tourner. On met ces deux pointes dans deux petites chevilles de bois dans lequel chaque barreau tourne librement. Lorsque l'on veut faire tirer quelque marche, il faut mettre une cheville au bout du barreau qui est sous ladite marche, et une autre cheville à l'autre bout du même barreau, lequel est vis à vis de la soupape qu'il doit faire ouvrir. Pour ce sujet, on attache une petite baguette de bois (la vergette) au bout qui est sur la marche à laquelle elle tient perpétuellement, et puis on attache à la cheville du bout du barreau, qui est vis à vis de la soupape, le fil de laiton que nous avons décrit ci-devant et qui est attaché à la soupape dans le sommier. Lorsque l'on abat la marche du clavier, la baguette qui y est attachée fait mouvoir le barreau qui tire la soupape attachée à la petite cheville de bois du bout dudit barreau. Ainsi, une marche du clavier fait souvent parler un tuyau fort éloigné. Mais il faut si bien accommoder les barreaux qu'ils tournent très aisément dans leurs chevilles afin que le clavier soit aisé à toucher et que les tuyaux répondent promptement.

 

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